Weyes Blood, It’s Not Just Me, It’s Everybody (Sub Pop)

Weyes Blood
Weyes Blood

« On laisse derrière nous des traces de sang et des morts.
On vous embrasse tendrement « 

La météore Weyes Blood revient illuminer notre automne d’une chanson et d’un clip pourtant bien sombre et douloureux. Dans les ténèbres, les cœurs s’embrasent nous dit le titre de son prochain album, And In The Darkness, Hearts Aglow  à paraître en novembre chez Sub Pop, second volet d’une trilogie commencée avec Titanic Rising en 2019. It’s Not Just Me, It’s Everybody est une ballade chamber-pop construite sur un simple riff de batterie-piano tournant ad libitum, la voix de Weyes Blood/Natalie Mering fait progresser les harmoniques sur des nappes de cordes et de synthés , des flutiaux raveliens, des chœurs évoquant le We Have All The Time In The World de My Bloody Valentine, et l’envoûtement est d’une force irrésistible. On se repasse le morceau encore et encore, y découvrant des détails à chaque fois, et notre rythme interne ne bat plus qu’à ce tempo si doux, si tranquille. En espérant que l’album entier soit tenu par cette note d’une absolue mélancolie.

Le clip, réalisé par Charlotte Ercoli (dont c’est la seconde collaboration avec Weyes Blood après la très belle, et déjà assez surréaliste, vidéo de Seven Words en 2016) est d’un lugubre glaçant et d’une ironie mordante.

Un toon grincheux, un très laid Iphone animé, introduit Weyes Blood, la présentant comme une personne horrible ne sachant pas danser et faisant tout pour l’éclipser, lui le Iphone hystérique devenu obsolète. Le morceau démarre, de la silhouette de Weyes Blood/Natalie Mering nous ne voyons d’abord que les jambes suivants le tempo. Dans un magnifique plan d’ensemble, en marinière et pompon à la Gene Kelly, elle descend les escaliers d’un décor tout droit sorti d’une comédie musicale américaine des années 1950. Bâton de danse à la main, esquissant des pas et chantant telle la Lola de Jacques Demy égarée dans un film d’Argento, Mering déambule dans un théâtre où tout le monde est mort. Au parterre, dans les loges, les couloirs, des cadavres ensanglantés jonchent le sol. Weyes Blood est-elle la seule survivante d’une tuerie de masse comme l’Amérique en connait tant ou est-ce que l’apocalypse vient d’avoir lieu ? Sommes-nous sur la terre ferme ou à bord d’un bateau qui coule ? Qu’importe, l’affreux Iphone suçote les plaies des cadavres, se gave de sang, et Mering crève l’écran, littéralement.

Elle guinche dans les couloirs du théâtre, vestige du monde d’hier, celui des boomers de Broadway et d’Hollywood, parangons du vieux capitalisme, mais aussi celui d’un Zweig au désespoir en pleine montée du fascisme. Serait-elle plutôt la Lola de Fassbinder ? Le rideau s’ouvre sur le décor de la tragédie qui se joue sur la planète, une bombe atomique, des ruines, des morts, Mering nous offre son Guernica à elle. Elle tournicote, virevolte, se balance, passe le balai comme une Blanche Neige affublée d’un nabot smartphone, au milieu des débris. Le monde se noie dans la masse de sa propre pollution, dans sa fange de contenus divertissants et d’infos apocalyptiques en continu, et la belle marine nous adresse un salut narquois, contrastant ironiquement avec le premier degré des paroles de la chanson, invoquant plus d’empathie et de miséricorde.


And In The Darkness, Hearts Aglow de Weyes Blood sortira le 18 Novembre chez Sub Pop, et elle sera  en concert le 4 Février 2023 au Trianon à Paris.

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