Disparue en 1993, dans sa maison de Woodstock et dans l’anonymat le plus complet, Karen Dalton n’aura finalement laissé qu’une très maigre discographie, puisque celle-ci ne comprend que deux albums officiels, It’s So Hard to Tell Who’s Going to Love You the Best (1969), son chef-d’œuvre, In My Own Time (1971), un disque plus inégal (même s’il contient la meilleure version connue du classique folk Katie Cruel), ainsi qu’une poignée de home recordings, sortis après sa mort et de plus ou moins bonne qualité. Pourtant, si modeste qu’elle soit, cette discographie aura suffi à transmettre l’essentiel, c’est-à-dire l’empreinte d’une voix unique, que beaucoup ont comparée à celle de Billie Holiday et qui, abîmée par l’alcool, les drogues et la vie, donne souvent le sentiment d’avoir affaire à une vieille âme ayant traversé les âges pour s’échouer dans une époque où elle n’aura, in fine, jamais vraiment réussi à trouver sa place.
Étiquette : Lieu : France
Catégories documentaire, festivals
Musical Ecran 2020 : « French Game » de Jean-François Tatin
Le rap français est en pleine séquence #BalanceTonRappeur avec des accusations contre Moha La Squale et Roméo Elvis, qui ne doivent pas faire oublier a contrario que Patrick Bruel et Luc Besson sont toujours considérés parmi le grand public comme respectables. Prolongement de la websérie documentaire Touche française de Jean-François Tatin écrite avec le multi-talentueux Guillaume Fédou (chanteur, journaliste et auteur), les 11 épisodes d’une durée de 5 à 7 minutes de French Game convoquent le renfort éditorial d’Azzedine Fall, ancien rédacteur en chef musique des Inrocks devenu juste après pour un temps directeur artistique d’une grosse maison de disques française, et de la voix off de Sophie Marchand de Radio Nova, en revenant sur autant de titres sortis entre 1990 et 2016, considérés ici comme emblématiques de leur époque. Bien sûr, il y avait déjà du rap en France avant 1990, mais minoritaire et quasiment invisible au niveau médiatique hors le magazine Actuel et sa Radio Nova autorisée en 1981. Les années 1990 vont consacrer l’hexagone comme le second marché du rap après les États-Unis. Pour une fois que la France n’est pas à la traine… Une situation somme toute surprenante que Tatin, Fall et Fédou ne se proposent pas d’éclaircir, et ne comptez pas sur moi non plus pour me lancer ici dans une telle entreprise. Continuer la lecture de « Musical Ecran 2020 : « French Game » de Jean-François Tatin »
Catégories séries
Section Sixteen #3 : Tiago, 9 ans
Qu’écoutent réellement nos kids ?
Kraftwerk X Lego
Elles ou ils sont des filles de, des fils de – ou peut-être des cousines ou des cousins, des nièces, des neveux. Toute la journée, toute la semaine, ils subissent la musique forcément cool qu’écoutent leurs parents ou les membres de leur famille avant que ces derniers n’écrivent quelques lignes ou des tartines pour Section26 ou d’autres publications du même acabit. Alors, ces ados et pré-ados sont-ils déjà condamnés à écouter ce qu’on leur impose au presque quotidien ? Pas forcément, la preuve par 16, comme en témoigne la troisième mixtape de cette série qu’on espère la plus longue possible, concoctée par Tiago, 9 ans.
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Catégories avant-première, borne d'écoute
Avant- première : le nouvel album de Chiens de faïence en écoute
La petite chose pop ourlée à la maison à toujours de beaux jours devant elle. Et il ne s’agit pas uniquement d’une histoire de confinement, au centre de la création artistique de cette année noire. Chiens de faïence avaient déjà poussé les meubles de leur salon pour un premier album en 2017, No Reason, (Hellzapoppin Records et Royal Calin Records). Revoici le trio pour le fameux second album, celui qui confirme ou désavoue, que Boris Cuisinier, Harmonie Aupetit (guitare, basse, chant) et Malo Vannet (batterie) ont eu l’idée maline d’appeler Fail & Foil (échouer et déjouer), pour mieux chasser le mauvais oeil. A Nanterre, dans leur home sweet home, ils ont remis le couvert pour une collection de pop songs au charme parfois ingénu, aussi attachantes que joliment troussées. Ils aiment Beat Happening, The Clean, The Moldy Peaches, Daniel Johnston ou Younolovebunny, et s’inscrivent parfaitement dans leur descendance, pour preuve, ces 14 titres produits par l’aussie Mikey Young (Eddy Current Suppression Ring, Total Control) que nous vous proposons d’écouter une semaine avant leur sortie sur Howlin’Banana Records, Hellzapoppin Records et Safe In the Rain Records.
Catégories documentaire, festivals
Musical Ecran 2020 : « Felix in Wonderland » de Marie Losier
Depuis plus d’une trentaine d’années, Felix Kubin élabore une œuvre parmi les plus iconoclastes de la scène électronique allemande. Creusant une esthétique kraftwerkienne à la théâtralité rétro-futuriste encore plus marquée, son travail a pu s’imposer en jouant sur quelques motifs obsessionnels orchestrés au gré d’une discographie pléthorique et de prestations scéniques joyeusement décalées, comme en à témoigné un passage mémorable au festival BBmix à Boulogne en 2013. Continuer la lecture de « Musical Ecran 2020 : « Felix in Wonderland » de Marie Losier »
Catégories documentaire, festivals
Musical Ecran 2020 : « A Dog Called Money » de Seamus Murphy avec PJ Harvey
Un film par jour pioché dans la programmation du festival de documentaires musicaux bordelais.
De l’amitié entre le photo-reporter Seamus Murphy et la singer-songwriter PJ Harvey, nous savions déjà qu’il en avait résulté un album de cette dernière (Let England Shake en 2011) mis en images par une série de courts films réalisés par ce dernier. Cet album ajoutait une corde inattendue à l’arc discographique de la mythique recluse du rock britannique qui, parmi les multiples masques souvent introspectifs égrenés au fil de sa solide carrière, nous offrait cette fois-ci un visage tourné vers une observation grave mais poétique du monde extérieur, sous la forme d’un portrait de l’Angleterre qu’on ne savait pas encore pré-Brexit. Continuer la lecture de « Musical Ecran 2020 : « A Dog Called Money » de Seamus Murphy avec PJ Harvey »
Catégories Le stream était presque parfait
Cry Babies, Running In The Outer Space (In Fact !)
Tout l’été, les albums qui ont échappé aux radars des plateformes de streaming.
La power-pop – puisque c’est une fois encore d’elle et de ses évangiles dont il s’agit ici – n’a jamais eu très grosse cote, encore moins dans sa version originale, au beau pays du Yéyé. Prenez My Sharona de The Knack, par exemple : la France demeure à ce jour le seul pays où il aura fallu attendre 2004 et une adaptation façon grosse poilade de Michaël Youn – Comme Des Connards – pour que le tube le plus universel du genre s’impose au sommet des charts. A défaut de pouvoir ici décrypter les fondements cachés de cet atavisme paillard, force est de constater qu’il n’y a que dans l’Hexagone où les très rares exemples de diffusion massive de cette forme musicale pourtant profondément accessible ont systématiquement dû emprunter les chemins dévoyés de la gauloiserie en VF. Continuer la lecture de « Cry Babies, Running In The Outer Space (In Fact !) »
Catégories cover
Èlg reprend “Something Big” par Jim O’Rourke (qui reprend Burt Bacharach) (inédit)
Au jeu des costumes et des masques, Laurent Gérard a.k.a. Èlg est très fort. Preuve en est car, qu’il soit cavalier seul ou en bande organisée (par exemple au sein d’Orgue Agnès ou d’Opéra Mort), il sort depuis plusieurs années de son chapeau de magicien démons et merveilles, autrement dit des bandes-sons intrigantes et à géométrie variable qui ravissent les oreilles en mal de révélations soniques sous forme d’inattendu. Ici musique-de-film (courez voir Les Particules de Blaise Harrison sorti en 2019) ou là tête-de-radio (écoutez un peu pour voir les 10 épisodes d’Amiral Prose), il s’amuse à se laisser aller à l’onirisme le plus délirant, tout en cris ou en murmures, et bâtit un tout fait des bris de glace d’un espace-musique en ruines. Quoi de plus normal alors qu’il nous propose aujourd’hui d’écouter, tel un Dr. Frankenstein facétieux (le titre était initialement sorti sur une compilation du label Vilain chien), une reprise d’une reprise entre quatre z’yeux bleus chers à notre cœur. Sous les visages de Bacharach et d’O’Rourke donc, « j’avais envie d’y injecter un peu de robotisation sensuelle et quelques harmonies plus mélancoliques » — nous dit-il. Something big ? Eurêka !