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Cassandra Jenkins, An Overview on Phenomenal Nature (Ba Da Bing)

An Overview on Phenomenal Nature Cassandra JenkinsAll I can do is offer up my own anecdotal evidence.
Alison Bechdel, The Secret to Superhuman Strength

Ça n’a pas fait un pli, ni deux, ni pléthore : quand j’ai écouté pour la première fois, de nombreux mois après sa sortie, An Overview on Phenomenal Nature, le titre y était pour beaucoup, ambiance empirique, phénoménologique, et je me suis pris à rêver – durant les rares secondes avant le premier clic, avant la première écoute – du compte rendu d’une epoche musicale, sans bien savoir précisément où ça pourrait mener, et donc précisément attiré par cette imprécision.

La destination est le chemin, lit-on un peu partout, à raison. Qui vous fait, et vous défait, lit-on aussi, raisonnablement. Ainsi, dès la première écoute du deuxième album de Cassandra Jenkins, a-t-on été fait, et défait, et de nouveau, et ainsi de suite, par le chemin infini de la projection de ce titre. Continuer la lecture de « Cassandra Jenkins, An Overview on Phenomenal Nature (Ba Da Bing) »

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Dean Wareham, I Have Nothing to Say to the Mayor of L.A. (Double Feature Records)

Dean Wareham

Pendant de nombreuses années, Dean Wareham a été une icône new-yorkaise. Une icône d’abord musicale : étudiant à la Dalton School de New York, il rencontre Damon Krukowski et Naomi Yang avec qui il forme, en 1987, à l’université Harvard, Galaxie 500. Quatre ans et trois chefs-d’œuvre plus tard (Today, 1998 ; On Fire, 1989 ; This is Our Music, 1990), le groupe se dissout et Wareham recrute un ex-The Feelies et un ex-The Chills pour fonder Luna, deuxième trio mythique. A partir de 2005, tout en composant pour lui-même ou aux côtés de sa femme Britta Phillips pour le duo Dean & Britta, il s’impose aussi dans le cinéma indépendant new-yorkais : des réalisateurs purement brooklyniens comme Noah Baumbach ou Greta Gerwig font appel au couple pour composer la bande originale de leurs films, et il apparaît en tant qu’acteur dans une dizaine de films et séries (y compris, entre deux réalisations pointues, un épisode de New York, police judiciaire). De quoi régulièrement oublier que depuis 2013, c’est dans la capitale-même du cinéma, Los Angeles, qu’il évolue. Son nouvel album, le troisième en solo, est là pour nous le rappeler.

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The Beau Brummels, Turn Around : The Complete Recordings, 1964-1970 (Now Sounds)

Il aura fallu près d’un mois pour commencer à digérer cette rétrospective quasi-intégrale de l’œuvre initiale de The Beau Brummels : huit volumes remplis à ras-bord – plus d’une trentaine de morceaux sur certains CD’s – qui composent un récit chronologique exhaustif – et pour partie inédit d’une petite épopée. Il y a pourtant bien des raisons valables de consacrer quelques heures d’attention au legs de ce groupe que l’on considère souvent comme secondaire. Réévaluer son importance relative, sans doute. Mais, après tout, cet aspect de la besogne a été déjà préalablement amorcé depuis que, au début du siècle, le jeu érudit des réhabilitations rétrospectives a conduit les amateurs de l’archéologie du folk-rock à panthéoniser au moins deux des albums les plus novateurs et donc remarquables du quintette de San Francisco : Triangle (1967) et Bradley’s Barn (1968). Continuer la lecture de « The Beau Brummels, Turn Around : The Complete Recordings, 1964-1970 (Now Sounds) »

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Furrows, Fisher King (autoproduit)

Des quelques péripéties biographiques qu’il accepte de confesser, il semble aisé de déduire que Peter Wagner a vécu la plupart de son existence dans les entre-deux. Les espaces qui séparent les continents – entre les USA et l’Allemagne – ou les villes – Baltimore, puis Brooklyn mais également les intervalles entre les genres musicaux – le jazz et la musique improvisée avant d’en venir à la pop : ce sont les zones qui lui sont devenues familières et où il tente de creuser ses propres sillons, dans un certain inconfort. C’est ce qu’on retrouve dans ce premier album, presque solo, de Furrows : une palette sonore tout en nuances pour tenter de donner forme à l’insaisissable, dépeindre des atmosphères, les colorer parfois à petites touches de cordes, de pulsations électroniques. Continuer la lecture de « Furrows, Fisher King (autoproduit) »

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Cindy, 1:2 (Tough Love Records / Paisley Shirt Recordings / Mount Saint Mountain)

CindyOctobre 2021. Un échange de regards à la billetterie de l’International, un concert qui se prolonge en after, un baiser, une demoiselle qui monte dans mon Uber et… range les épices de mon tiroir, une nuit de sommeil, deux pains au chocolat partagés puis… plus rien. Cœur d’artichaut plus vraiment arrosé depuis quelques mois, je sais que mon moral des deux-trois prochains jours ne sera pas des plus réjouissants. D’autant plus que j’enchaîne cette soirée terminée sur les coups de l’heure à laquelle je me réveille quand je vais à la fac par un shift au vestiaire de la salle/club suscitée, shift qui lui aussi se termine à l’heure à laquelle je me réveille quand je vais à la fac. Par chance, 1:2, dernier album de Cindy en date – après Cindy en 2018 et Free Advice en 2020 – vient d’atterrir sur Spotify. Continuer la lecture de « Cindy, 1:2 (Tough Love Records / Paisley Shirt Recordings / Mount Saint Mountain) »

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Bill Callahan & Bonnie « Prince » Billy, Blind Date Party (Drag City)

Bill Callahan & Bonnie "Prince" Billy Blind Date Party En principe, il n’y a pas, dans le rock, grand-chose de plus vain, ennuyeux et déprimant que l’idée d’un album de reprises. Bien sûr, il existe quelques exceptions, des disques très réussis comme le Nilsson Sings Newman (1970) de Harry Nilsson, le Cover Magazine (2002) de Giant Sand ou le très beau To Willie (2009) de Phosphorescent, mais, dans l’ensemble, l’exercice semble plutôt réservé à des artistes souffrant d’un manque criant de créativité. Et le fait que Will Oldham en soit déjà à son septième opus du genre (en comptant les disques de réinterprétations de ses propres chansons) depuis 2004 en dit malheureusement assez long sur le lent déclin de son œuvre depuis qu’il a adopté le pseudo de Bonnie “Prince” Billy. Pourtant, Will Oldham est également l’un des rares à maîtriser l’exercice. Certains de ses disques du genre, Greatest Palace Music (2004), The Brave and the Bold (2006), enregistré avec Tortoise, ou l’excellent EP Ask Forgiveness (2007), figurent même parmi ses plus belles réussites depuis vingt ans. Continuer la lecture de « Bill Callahan & Bonnie « Prince » Billy, Blind Date Party (Drag City) »

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Hand Habits, Fun House (Saddle Creek)

On appelle tel disque, dans l’embarrassant jargon de la critique francophone, un grower.

Un disque qui grandit.

Et qui nous grandit.

Et tel il est, ou mieux encore, un disque casse-pied, un formidable disque, un disque qui enseigne, qui ne se range pas en trois minutes comme une agréable paire de chaussons prête à être dégainée. Les choses bougent. Elles passent. Sans place.

En cherchant trois mots à placer en entrée de chronique – ça donne du cœur à l’ouvrage – ça sort de la zone de confort – je suis tombé nez à nez avec un mujo seppo de Shundo Aoyama à la conclusion inévitable : “Seul l’être humain se plaint de la nature transitoire de toute chose.” Qu’il vaut mieux glisser discrètement dans le ventre des choses. Continuer la lecture de « Hand Habits, Fun House (Saddle Creek) »

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Mo Troper, Dilettante (Bobo Integral)

Dilettante. Le mot est lâché. Comme un paradoxe, si on entend par là l’incapacité d’accomplir, par défaut de volonté ou de ténacité, le travail artistique jusqu’à son terme. Quatre albums – et même un peu plus – en cinq ans : Mo Troper n’est manifestement pas de ceux qui rechignent à l’effort. Généralement adepte de la basse fidélité, le musicien de Portland s’était même risqué pour son précédent album – Natural Beauty (2020) – à gommer quelques aspérités sonores et à peigner quelques-unes des mèches rebelles de ses chansons ébouriffées. Le résultat était en tout point remarquable – du Jellyfish en cure d’austérité budgétaire, pour résumer – mais était passé à peu près totalement inaperçu en plein printemps confiné. Déçu et sans doute un tantinet frustré, Troper s’en est retourné à ses premières passions bricolées. En Dilettante, donc, au sens le plus noble du terme, puisqu’il s’agit ici de vivre plusieurs vies pour composer plusieurs albums à la fois. S’engager dans l’impulsion du moment, accompagner en amateur la sensation isolée ou l’impression éphémère qui s’élèvent au rang d’expérience artistique. Et ce vingt-huit fois de suite. Vingt-huit, c’est bien le nombre de morceaux enregistrés à domicile en moins d’une semaine qui composent donc ce kaléidoscope musical touffu et fascinant. Continuer la lecture de « Mo Troper, Dilettante (Bobo Integral) »