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Saint Etienne – London Conversations

Saint Etienne, Londres (2012) / Photo : TS

Comment la pop a-t-elle changé nos existences ? Une question au centre de nos vies que le trio londonien a choisi comme thème principal de son huitième album, sobrement intitulé Words And Music By Saint Etienne. Un disque que l’on n’attendait plus, sept ans après son prédécesseur. Un retour de flamme étincelant, où le groupe fait le point sur son héritage, sa passion toujours aussi vibrante pour la musique, et son avenir.

En file indienne et parfaitement à l’heure, Sarah Cracknell, Bob Stanley et Pete Wiggs entrent dans ce petit salon cossu et désert, situé au premier étage d’un restaurant de Dean Street, à Londres. Instantanément, une complicité faite de traits d’humour subtil s’installe, chacun prend de ses nouvelles, sans qu’on ait l’impression qu’il se soit écoulé beaucoup de temps depuis la dernière fois qu’il se sont parlés. Les trois inséparables se font rares, mais ils prennent le temps de soigner leur œuvre collective. Pendant ce septennat d’absence entre deux albums, le groupe a patiemment et méticuleusement egrené les rééditions de sa discographie, qui dessine une palette musicale en forme de chaînon manquant entre northern soul, pop moderne et musique électronique. “I used Top Of The Pops as my world atlas”, chante Sarah dans Over The Border, la splendide et touchante ouverture de Words And Music By Saint Etienne. Il n’y a sans doute pas de meilleure citation pour les définir. À l’instar de la pochette, cette cartographie imaginaire d’une ville forcément anglaise où les noms de rue sont des titres de chansons, Saint Etienne nous promène au fil de nos souvenirs sur un disque aussi attachant que dansant. Un voyage bientôt poursuivi à travers un livre à venir – celui de Bob Stanley, Do You Believe in Magic? –, et un film en préparation. Pas de temps mort lorsqu’on est passionné à ce point. Continuer la lecture de « Saint Etienne – London Conversations »

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Le club du samedi soir # 6 : les joies de l’entre-soi

Inscrit au fronton de cette ouverte maison, probablement parce que régulièrement vilipendé et ne cessant de grimper au hit-parade des maux du siècle, l’entre-soi a tôt fait d’irriguer les champs du rock et de la pop, principalement pour s’avérer le ferment d’honorables chansons plutôt que céder à la tentation du repli communautariste. Exercice d’admiration, tribut payé aux aînés, influence revendiquée ou béquille bien pratique, ces name-dropping songs ont ratissé large, au point que sous la plume de Nick Toshes le contingent des laissés pour compte ou des oubliés a eu droit au titre de Unsung Heroes of Rock’n’Roll. Dylan a pratiqué l’hommage plus souvent qu’à son tour (Song To Woody, Blind Willie McTell) avant d’être honoré par Bowie (Song for Bob Dylan), lequel à dû se contenter d’Isabelle Adjani. Sans balayer ces deux icônes, ni faire l’impasse sur d’autres (Syd Barrett, Brian Wilson, les Ramones, ou bien sûr les Beatles sont parmi les champions les plus souvent cités), on s’autorisera à arpenter nos territoires de prédilection, à organiser des numéros de duettistes ou à tirer sur la ficelle du marabout, quitte à évincer à regret d’obscurs ferrailleurs ou des comètes négligées. Ainsi Glenn Tipton, guitariste de Judas Priest, ou Bobby Jameson, respectivement chantés par Mark Kozelek et Ariel Pink, n’ont, vous m’en voyez marri, pas passé le cut. Il y en a d’autres, à foison, et on ne parle ici que de chansons où le nom de l’artiste ou du groupe apparait dans le titre. Sans compter mes oublis fortuits, que vous vous ferez fort de réparer.

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Diabologum, La Jeunesse est un Art (Ici D’ailleurs / L’autre Distribution)

Le grunge en France, rétrospectivement ? Il y a quelqu’un ? oh ? hého ? Il y a quelqu’un ?

Non, je ne crois pas, on est directement passé à autre chose parce qu’on est trop des petits malins. En France dans les années 90, le rock c’est devenu la fusion, un truc grotesque avec des types en short qui hurlaient en suant. Ah si, je me souviens un peu de groupes qui avait du matos mais pas trop de chansons, leurs noms commençaient aussi en D mais je ne les citerai pas. Il y en a même eu un qui avait un nom de la première brebis clonée, et encore eux, ils auront presque une décennie de retard, c’est vous dire l’affligeant niveau. Il y a bien Noir Désir, qui viennent de découvrir Fugazi et en renverseront un peu partout à la truelle sur leur célébre album Tostaky mais bon, on est plus au lycée, on est plus ou moins à la fac ou dans des écoles pour petits bourges, bref on tente plus ou moins et comme qui dirait de faire des études alors le toast, on le décline plus ou moins poliment. On est quand même en France, un pays dans lequel Nevermind de Nirvana a été distribué et plutôt bien vendu. Je vais les voir au Zenith d’ailleurs au printemps, en revenant d’un enterrement (ça ne s’invente pas…) et c’est proprement époustouflant, il y a même Teenage Fanclub en première partie, le seul concert pas top d’eux que j’ai vu mais bon, passons. Continuer la lecture de « Diabologum, La Jeunesse est un Art (Ici D’ailleurs / L’autre Distribution) »

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Diabologum : La jeunesse est un art

Entretiens avec Anne Tournerie, Pierre Capot et Michel Cloup

Diabologum / Photo : Valéry Lorenzo

Quand j’ai entrepris, il y a déjà deux ans, Les années Lithium, un numéro spécial de mon fanzine Langue Pendue, Diabologum était évidemment l’une de mes obsessions les plus vivaces. D’abord parce que je n’avais cessé d’écouter et de réécouter le #3 depuis sa sortie, mais aussi parce que leurs deux premiers albums, et surtout quelques faces B, Tannis Root, ici, De tels actes de renoncement, là, laissées à l’abandon sur le bas de quelques maxi CD, continuaient de me hanter, par leur nature même, indomptable, chaotique, approximative, comme un miroir d’une post adolescence en pleine ébullition, inconsciente de ses propres limites. Ces disques étaient finalement autant une invitation à vivre différemment que de simples modes d’emplois musicaux, et c’est en ça qu’ils ont eu une importance primordiale. Oui, ici, on pouvait faire quelque chose qui dépassait le stade de l’imitation, oui, on pouvait dire des choses, et les dire bien, avec des mots à eux, à nous. Tout pouvait changer, à un niveau intime, peut-être, mais pour nous en ces années 90, c’était déjà beaucoup. Si notre jeunesse était un art, seul Diabologum en avait trouvé la formule, une formule qui les conduirait doucement, en perdant des plumes en chemin, vers le #3, chef-d’œuvre générationnel. Clair. Continuer la lecture de « Diabologum : La jeunesse est un art »

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Badly Drawn Boy : « J’ai traversé des épreuves, mais j’ai fait la paix avec tout ça. »

Crédit Photo David Oldham
Badly Drawn Boy / Photo : David Oldham

Même s’il donnait occasionnellement des concerts, nous avions fini par nous faire à l’idée que Badly Drawn Boy ne sortirait plus de disques. Les rumeurs d’alcoolisme, de maladie grave et de dérapages ne laissaient rien présager de bon. Pourtant, dix ans après It’s What I’m Thinking, Damon Gough est de retour avec Banana Skin Shoes, album déroutant et fascinant. Il faudra plusieurs écoutes pour passer au-delà du vernis parfois un peu trop calibré FM de certains titres. Mais il faut surtout retenir que le mancunien n’a rien perdu de son talent de songwriter et d’arrangeur. En quatorze chansons ouvertement pop, il dresse un bilan personnel, politique et émotionnel de la décennie passée. Les textes ne sont pas forcément joyeux, les rumeurs n’étaient pas entièrement fausses, mais les mélodies souvent enjouées vous donnent parfois envie de danser. C’est un Damon en paix avec lui-même qui nous a accordé un long entretien, dans lequel il se livre sans retenue sur les années les plus difficiles de sa vie, mais aussi sur Banana Skin Shoes, album de transition qu’il a longtemps porté en lui et qui a réveillé ses ambitions. Continuer la lecture de « Badly Drawn Boy : « J’ai traversé des épreuves, mais j’ai fait la paix avec tout ça. » »

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Joseph Fisher reprend « The White Cliffs of Dover » de Dame Vera Lynn (inédit)

La semaine dernière, nous croisions Joseph Fisher sur la micro-terrasse du Pop In, côté du boulevard des Filles du Calvaire, sous les rayons discrets d’un dimanche en fin d’après midi. Quelques mots échangés, et une proposition lancée à l’imprévu, celle d’une reprise pour nous, comme nous le proposons à quelques artistes dont nous sommes proches. Son choix serait le nôtre. Il a été rapide, puisqu’on a reçu cette après-midi ce morceau en hommage à Dame Vera Lynn, disparue aujourd’hui-même à 103 ans. Il nous explique son choix : « Nous sommes le 18 juin 2020 et Dame Vera Lynn vient tout juste de mourir. En France, elle est presque une inconnue mais au Royaume Uni, elle a, durant les longues années de la Seconde guerre mondiale, incarné la résistance de l’Angleterre aux bombardiers nazis qui, durant l’été de 1940, firent subir à Londres un Blitz meurtrier. Continuer la lecture de « Joseph Fisher reprend « The White Cliffs of Dover » de Dame Vera Lynn (inédit) »

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The Coral, Lockdown Sessions (Not On Label)

McDo a déjà donné le ton : tout est foutu.  Les espaces publics étaient encore clos que cette réclame entrevue hier au soir devait avoir été tournée trop promptement, en prévision calculée des jours meilleurs. On y aperçoit une famille et leurs quelques amis célébrer leurs retrouvailles en se réjouissant ostensiblement de pouvoir à nouveau se goberger en coprésence de frites trop sèches et de steaks décongelés sur le tard. A peine est-il advenu dans le réel que le déconfinement est déjà à vendre. Quant aux quelques mois qui l’ont précédé, autant dire qu’il n’en reste déjà plus que les simulacres résiduels. Il ne nous reste qu’à nous raccrocher, une fois encore, aux traces musicales qui étaient seules la certitude rétrospective d’avoir vécu quelque chose de substantiel et, peut-être, de mémorable. Au premier rang d’entre elles figurent donc ces enregistrements, réunis depuis quelques jours, des sessions acoustiques diffusées par The Coral. Continuer la lecture de « The Coral, Lockdown Sessions (Not On Label) »

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Selectorama : Vaisseau

Vaisseau

Depuis quelques semaines, il existe une véritable liturgie d’un culte voué à Tangerine Dream et Black Sabbath qu’on appelle le synth doom. Les uns sourient, d’ailleurs les intéressés eux-mêmes ne s’en privent pas, d’autres se vautrent des deux oreilles dans ce savoureux mélange de rock progressif, de heavy metal et de musique électronique. Horrors Waiting in Line en est pour l’instant l’unique représentant. C’est un disque de doom sans guitare, étrange, jouissif et probablement le plus audacieux du genre depuis des années. Il est l’œuvre de deux musiciens de Brest, deux metalheads passionnés et érudits. L’un d’eux (Ewenn, le batteur) n’est autre que le fondateur de l’excellent Totem Cats Records, le label de Dopethrone qui réédite Bongzilla ou le premier album de Sons of Otis, Spacejumbofudge (1996), la chapelle Sixtine du psych-doom. Du coup, et là c’est un peu de ma faute, la discussion a parfois viré à un enthousiaste name dropping de « groupes préférés ». Continuer la lecture de « Selectorama : Vaisseau »