Benjamin Dupont avait failli signer chez Captured Tracks avec son projet Bryan’s Magic Tears, mais l’histoire en a décidé autrement, heureusement pour nous. Il fut un temps où le label new-yorkais faisait briller les yeux des amateurs d’indie-pop avec un catalogue proche de la perfection. Les têtes d’affiches s’appelaient Beach Fossils, Wild Nothing, DIIV ou encore Minks. Ce renouveau de la pop à guitare brumeuse fut alors un air frais parcourant l’échine. Depuis, cette dynamique a quelque peu capoté. Captured Tracks s’est diversifié, y perdant beaucoup de sa personnalité et son âme. De son côté, Bryan’s Magic Tears a pris son temps et a construit une discographie impeccable, sur des structures françaises. Continuer la lecture de « Bryan’s Magic Tears, Vaacum Sealed (Born Bad Records) »
Catégories interview
Shame – La scène dans la peau

A ce jour, mon meilleur concert reste celui de Shame, le 23 avril 2018, à la Maroquinerie. L’énergie de Charlie Steen et de ses quatre compères londoniens, transmise à un public en furie, s’était chez moi muée en un sentiment de puissance jusqu’alors inconnu, qui avait persisté pendant des heures : sur le chemin pas toujours rassurant du retour, je chantais les airs de Songs of Praise, prête à en découdre avec quiconque oserait m’importuner. Lorsque j’ai eu l’opportunité de les rencontrer le 25 septembre dernier, avant leur passage au Levitation France d’Angers, il m’a semblé évident d’axer notre discussion sur le live. Je me demandais : comment un tel groupe de scène, en pleine explosion, a-t-il survécu aux confinements et aux restrictions de ces mois passés ? Tout d’abord, en publiant en janvier un second album, Drunk Tank Pink, encore plus enragé que le premier, puis en trompant cette faim de spectacle, la leur comme la nôtre, avec Live in the Flesh, un docu-concert filmé au Electric Brixton de Londres en octobre 2020, présentant enfin les versions en sueur de sept de ces nouveaux morceaux.
Catégories borne d'écoute
Avant-première : « Les Artisans » par Theoreme (Maple Death)

On ne peut pas dire que Maïssa D. alias Théorème joue de la séduction habituelle : en provenance de Lyon, jumelé de force avec les sonorités basses de la drill et du post reggae de l’Angleterre, elle construit son système-son mental, brutal et post industriel et pose les bases radicales d’un album tendu, politique, à sortir en janvier. En avant-première, une première piste, Les Artisans, annonce un spoken word en français exigeant et physique. A venir sur Maple Death, label difficilement géolocalisable (du Canada à Londres et Bologne) guidé par Jonathan Clancy, amateur des marges musicales : un pied sur le dance-floor, un autre dans le seau des expériences (Cindy Lee), et un troisième dans un anti-folk gentiment timbré de très belle facture (Whitney K).
L’album de Theoreme est disponible en pré-commande ici : https://mapledeath.lnk.to/TheoremeLA
Catégories chronique nouveauté
p l a n t c e l l, Nature Reserve (autoproduction, 2021)
Trois ans après le fantastique Landscape, le quintet Japonais Plant Cell – renommé p l a n t c e l l pour l’occasion – dévoile Nature Reserve, second volume de ses tableaux naturophiles peints à coups de Jazzmasters.
Quand un groupe annonce retirer son dernier LP des plateformes de streaming pour une durée indéterminée, à peine une semaine après la sortie dudit LP et alors qu’on commençait à peine à préparer sa chronique, il peut arriver qu’on se pose quelques questions. D’autant plus quand il s’agit d’un projet tant attendu, à même de figurer en bonne place dans notre classement des meilleurs albums de cette année 2021 sans même l’avoir streamé (millennial oblige) une seule seconde. Ces quelques jours de flottement participent pourtant, à leur façon, à nous le faire appréhender autrement. Peut-être à tempérer nos émotions, aussi — notamment en écoutant encore plus attentivement l’effort précédent de ses créateurs, histoire de ne pas l’enterrer trop rapidement sous l’autel de la nouveauté. Continuer la lecture de « p l a n t c e l l, Nature Reserve (autoproduction, 2021) »
Catégories sous surveillance
Sous Surveillance : Wyndow

Qui ?
Deux femmes, autrices et compositrices, déjà riches de nombreuses années d’expérience sur les scènes folk du Royaume-Uni. C’est sur l’une d’entre elles qu’elles se sont rencontrées – celle du Moseley Folk Festival de Birmingham, il y a deux ans – et qu’elles ont lié connaissance en coulisses en devisant de leur amour partagé pour l’œuvre de Robert Wyatt. Wyndow est né ainsi d’une intention à la fois très précise – enregistrer une reprise à deux voix de Free Will And Testament de l’ex-batteur de Soft Machine – et d’un désir partiellement indéfini d’engager plus avant une collaboration prometteuse. Continuer la lecture de « Sous Surveillance : Wyndow »
Catégories interview
…à la ligne.
« A la ligne » de Joseph Ponthus par Michel Cloup, Julien Rufié et Pascal Bouaziz en tournée

Lors de cet entretien croisé entre Michel Cloup et Pascal Bouaziz datant de l’hiver 2016, et resté inédit à ce jour, eux ne savent pas encore qu’ils seront sur la scène de Petit Bain ce soir, pour faire vivre les textes de Joseph Ponthus malgré la disparition de leur auteur. Et que deux jours après ce concert (ce Vendredi 15) sortira précisément Le Dernier Album de Mendelson. Sur lequel nous reviendrons, mais peut-être pas aussi vite, parce qu’il faut se laisser le temps de le digérer. Le temps de se préparer pour un (dernier ?) concert de Mendelson, groupe inoui et nécéssaire, toujours à Petit Bain le 11 Novembre prochain.
Pour ma part, je ne sais pas encore que c’est la dernière interview que je ferais en tant que pigiste pour une revue qui va cesser de paraître. Sans l’excellent Renaud Sachet et son excavation salutaire en vue d’un ouvrage très bien troussé et archi documenté à paraitre incessamment (Les Années Lithium, éditions Langue Pendue), ce grand moment de fraternité serait peut-être resté dans des archives informatiques en bien piètre état. On y croise Vincent Chauvier, Townes Van Zandt et Guesch Patti. C’est déjà pas mal.
Extraits. Et à ce soir. Continuer la lecture de « …à la ligne. »
Catégories mardi oldie
Stevie Wonder, Innervisions (Motown, 1973)
Au milieu des années soixante-dix, en une demi-décennie, Stevie Wonder publie cinq classiques. La série constitue l’une des plus remarquables de l’histoire de la musique populaire d’après-guerre. Elle place indéniablement Stevie Wonder parmi les génies de la pop, au coté des Beatles, Beach Boys ou de Kraftwerk. Cette affirmation n’a rien de péremptoire. Tout au long de sa carrière, le musicien afro-américain développe un style de composition unique, au point qu’une oreille (un peu) exercée peut identifier distinctement l’une de ses œuvres, y compris quand il les confie aux autres (The Spinners, Syreeta, Sergio Mendes, Minnie Riperton, Dionne Warwick…). Né prématuré (d’où sa cécité) en 1950, le jeune prodige rejoint la Motown en 1962 à l’âge de 11 ans. Il est déjà un musicien accompli sur de nombreux instruments (piano, batterie, harmonica…) Malgré le relatif échec commercial de ses premiers disques, il s’impose dans les années soixante comme une des valeurs sûres de l’écurie de Detroit. Continuer la lecture de « Stevie Wonder, Innervisions (Motown, 1973) »
Catégories borne d'écoute
Les australiens Low Life en pleine « Agony & XTC »

Si leur premier album Dogging (2016) fut apparenté à du post-punk froid et acéré, le second Downer Edn (2019) apparaissait plus innovant, mêlant des sonorités plus électroniques et l’utilisation (avec parcimonie, merci bien) de l’autotune. Tout cela revient en force avec Agony & XTC, le single du troisième album From Squats to lots : The Agony & XTC, à paraître le 5 Novembre prochain chez Alter, Lulu’s Disco Club et Goner Records. Les gars de Sydney restent fidèles à une approche à la fois lugubre et solaire de la musique, avec des guitares coupantes mais atmosphériques, une voix funèbre et des textes écrits autour d’une Australie de gouttière, totalement à l’opposé de celle du cadre sup suant en salle de gym ou de celle du backpacker chevelu et poisseux. Ils appuient là où ça fait mal, en laissant rêveur quiconque écoutera. Grosse impatience pour l’album à venir, en somme.
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