Hal (Rough Trade, 2004)

HalLE CONTEXTE

L’exact mitan des années 2000… Une période bizarre, où tout peut arriver. Les désormais fameux sauveurs du rock du début du troisième millénaire ont vieilli – ou mûri plutôt, comme en témoigne le troisième album de leur ancien chef de file The Strokes. Dans la prude Albion, le rock revêt comme souvent des atours arty et érudits. Depuis la consécration surprise d’un groupe qui fait danser les filles, pléthore de formations surgissent de partout (et nulle part), prêtes à en découdre avec leurs guitares tendues. Plus que jamais, la haute couture s’affiche aux côtés de la musique hip, alors que l’Internet cause bien du tort à des majors engluées dans leurs certitudes. Pendant ce temps, la fin de l’année précédente a été marquée par la sortie enfin (?) “officielle” du chef-d’œuvre “inachevé” mais définitif de Brian Wilson et ses Beach Boys.

LE GROUPE

Trognon. Si la gent féminine remarque derechef les deux frères Allen, l’aîné Dave (chant, guitare) et le benjamin Paul (basse, chœurs), le groupe a vu le jour en l’an 2000 de la rencontre entre le premier nommé et Stephen O’Brien, barbu pas manchot à l’heure de caresser les touches de claviers divers et vintage. Apprentissage, écriture, répétitions. Et fantasme avoué à demi-mots de vouloir rivaliser avec… Brian Wilson, Carole King et Gerry Goffin, Leonard Cohen ou Buffalo Springfield. Rien que ça. Une maquette stupéfie quelques contemporains (Starsailor, Grandaddy) puis nombre de labels londoniens. Les Irlandais choisissent Rough Trade, qui a retrouvé un troisième souffle, tout en fricotant avec la mafia cool de Heavenly. D’ailleurs, plus qu’avec ses compatriotes de The Thrills, auxquels la presse paresseuse les comparent souvent, le groupe se sent surtout des affinités avec les surdoués The Magic Numbers (ils iront même jusqu’à partager un 45 tours). En tout cas, avec de telles accointances, il est temps de passer à l’HALttaque…

LE NOM

Quelle piste privilégiée ? Car ce patronyme serait un hommage à Hal David, le génial parolier en cheville avec le compositeur canonisé Burt Bacharach, que ça ne nous étonnerait pas. À moins que ce ne soit un clin d’œil rétrofuturiste à HAL 9000, l’ordinateur meurtrier de 2001, L’Odyssée De L’Espace. Mais tout bien réfléchi, il pourrait s’agir d’une référence au batteur Hal Blaine, membre éminent du Wrecking Crew, ces musiciens de session californiens, présents sur nombre de chefs d’œuvre d’antan. À moins que ce ne soit, justement, pour les trois à la fois…

L’ALBUM

L’année précédente, des Écossais bien peignés sont donc parvenus à faire danser les filles. Alors, ces jeunes irlandais devraient aisément les faire tomber en pâmoison. Parce que les “pretty young girls” d’ici et d’ailleurs ne peuvent décemment pas résister à des ballades de la trempe de Keep Love As Your Golden Rule ou What A Lovely Dance. Classicisme des arrangements, voix à la fragilité déraisonnée, mélodies qui flirtent avec le Panthéon : ces gamins sont dotés d’une aisance étourdissante. La pluie a beau fouetter les vastes prairies irlandaises (où le disque a été enregistré), c’est bien sur les plages de sable fin nichées sur la côte californienne que l’on se promène jusqu’à en perdre Allen. Romantisme échevelé (I Sat Down), soul aux enluminures admirables (Coming Right Over) et autres petits moments d’intimité que l’on rêve de partager sont admirablement menés par le si bien nommé Play The Hits, tube (normalement) certifié mis en son avec forfanterie par le connoisseur Edwyn Collins. Oui, mais…

LA SUITE

… Le monde est injuste. Surtout en musique. Si leurs copains de The Magic Numbers séduisent de part et d’autres de l’Atlantique, les Irlandais restent à quais. À part une poignée de fans (et femmes) transis, personne ne daigne prêter attention à ces chansons si bien troussées. Depuis, les frères Allen et leurs copains n’ont pour ainsi dire pas donné signes de vie. Sur le forum du site officiel, le dernier message posté par le groupe remonte à l’an 2007… Pourtant, on sait que HAL a enregistré quelques démos ici ou là. Alors, sœur HAL, ne voyez-vous rien venir ? Non, rien. Et c’est bien triste.


Cet article a été originalement publié dans la RPM.

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