Johnny Jewel via son label Italians Do It Better reprend 20 titres de Madonna

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Je crois que pour certains d’entre nous (plus que pour certaines sans doute), elle a été l’artiste qu’on a haï adorer… C’était une autre époque. Celle des clans et des tribus, des propos imbus et des affrontements. Robert Smith avait beau avoir arboré sur scène un tee-shirt à l’effigie de Marilyn – sur la tournée Faith, en 1981 –, la blondeur de celle qui était présentée comme son héritière (courbes obligent) détonnait trop parmi les oripeaux noirs qui garnissaient l’essentiel de nos garde-robes. Ça et puis la musique bien sûr, ces hits synthétiques et ces refrains aussi roses que des chewing-gums qui collaient inlassablement aux tympans. Alors qu’on avait érigé le spleen en idéal, Madonna chantait en esquissant des pas de danse aussi affriolants que ses hits, arborait une moue boudeuse mais toujours avec un sourire au coin des lèvres et faisait en fait tourner pas mal de (nos) têtes – et oui, on montait souvent le son de la radio quand un de ses morceaux était diffusé (surtout à partir de 1985 et d’Into the Groove).

Madonna
Eh oui, à un moment, elle prenait le bus.

Quand même, on tenait la passion secrète. Parce qu’on ne savait rien – si, on savait qu’elle avait été, parait-il, danseuse pour Patrick Hernandez, la belle affaire – mais on ne savait pas encore la première partie d’A Certain Ratio à la Danceteria, on ne savait pas les amitiés avec Basquiat, on ne savait pas les premiers pas sur la scène de la Haçienda et si l’on avait repéré le nom de producteurs qu’elle partageait avec New Order – et si le clip de Confusion ne laissait guère place aux doutes quant aux accointances –, on ne savait pas encore que la pop était de l’art – même si on savait déjà pour Warhol et le Velvet. Et puis, les masques sont tombés et on a arrêté d’être un peu con (et pour résumer, de mesurer la qualité d’une chanson à son insuccès – c’est un peu exagéré, mais pas tant que ça). Et puis, Sonic Youth sous pseudo a déniaisé Into The Groove(y), et puis The Beloved a samplé Holiday, et puis Lawrence a exhibé son exemplaire de SEX. Alors, on a sorti les singles et les albums habilement dissimulés – et on s’est même dit que ce serait chouette d’enchainer en soirée Papa Don’t Preach et Love Will Tear Us Apart

Johnny Jewel
L’orfèvre Johnny Jewel

Aujourd’hui, depuis lundi, Madonna a 63 ans. Et elle n’est plus une artiste aussi brillante qu’elle le fut – ou c’est peut-être moi qui ai trop vieilli (ou vieilli trop vite). Car, malgré toute l’estime qu’on porte au hasard à Mirwais et Stuart Price (pourtant parfait avec Dua Lipa), ces deux-là n’ont peut-être pas su l’emmener là où il fallait… Pendant ce temps, on se disait qu’il y avait peut-être un homme de la situation, en la personne de Johnny Jewel, le metteur en son du label Italians Do It Better – et pour celles et ceux qui n’ont pas du tout suivi, cette maxime barre le tee-shirt noir qu’arbore l’espace de quelques secondes Madonna dans la vidéo du susmentionné Papa Don’t Preach – qui en matière de ritournelles synthé-chics faussement futiles en connait un rayon, de Desire à Glass Candy, sans oublier Chromatics – dont la séparation récente fait que les larmes n’ont sans doute pas fini de couler. Et puisqu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Jewel a fomenté un album hommage en guise de cadeau d’anniversaire, fort de vingt versions réalisées par des pensionnaires de la galaxie IDIB. Alors, tout n’est sans doute pas parfait ici, mais l’idée est à elle seule suffisamment pertinente pour s’en tenir aux réussites comme la noirceur absolue offerte à La Isla Bonita par les Français de Double Mixte ou la version robotique d’Hollywood par Dlina Volny. Les pirouettes synthétiques réalisées par Number One Popstar métamorphosent Hung Up et le traitement électronique offert à Beautiful Stranger par Juno Francis résonne comme une parfaite cure de jouvence. Même certains des tubes absolus de l’icône américaine trouvent un second souffle, à commencer par Material Girl conviée à une balade romantique par Glüme alors que Joon a choisi la mélancolie comme arme absolue – avec claquements de doigts en clin d’œil parfait à West Side Story – pour accompagner le thème sensible du génial Papa Don’t Preach. Et qu’importe qu’on soit un familier de la discographie pléthorique de la Madonne, car ce disque est finalement avant tout une autre preuve tangible du talent de ce Johnny Jewel, producteur de l’ombre qui finira par rentrer dans la légende, talent entre autres prouvé par le beat néo-disco et les pizzicati scintillants qui habillent le Angel tel qu’imaginé par Desire… “I believe that dreams come true”, peut chantonner dans sa tête Johnny à l’envi. Car c’est bien tout le mal qu’on lui souhaite.


L’album de reprises de Madonna sorti chez Italians Do It Better est disponible sur toutes les plateformes.

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