Dragon Rapide, See The Big Picture (Freemount Records)

Dragon RapideC’était au siècle dernier. Dans les pages de feu l’hebdomadaire anglais Melody Maker (il me semble), le meilleur journaliste de sa génération (avec Bob Stanley) expliquait à quel point les trios offraient une dynamique différente des autres groupes, avaient cette obligation vitale de trouver « l’équilibre parfait », citant entre autres exemples Young Marble Giants, The Go-Betweens des origines ou les stars de l’époque, Nirvana. Sous son nom de plume, Everett True écrivait alors l’article définitif sur Codeine (Etienne, faudrait penser à les réhabiliter un jour), sans doute l’unique formation du label Sub Pop à n’avoir pas connu son quart de seconde de gloire au début des années 1990. Mais c’est une autre histoire… Au XXIe siècle, à Clermont-Ferrand, trois suspects presque habituels – déjà croisés au hasard au sein de The Kissinmas ou Bruxelles – viennent rappeler à quel point la théorie de True est vraie. En ressassant leurs obsessions adolescentes (soit la pop, déclinée sous toutes ses coutures – post, power, matinée de punk, rehaussée de rock et de roll), Sylvain, Jimmy et POG écrivent des chansons qui ont le plus souvent des allures de classiques miniatures, parfaits mariages entre l’énergie propre aux Américains et le sens de la mélodie cher aux Britanniques. Entre deux mid-tempo percutants (I Don’t Want To en ouverture ; Spinning Top en fermeture), les basses vrombissent, les guitares cajolent ou s’affolent, la batterie reste imperturbable. Alors que le trio reprend (plutôt fidèlement) Built To Spill le temps de Never Be The Same, il tutoie surtout plus que de raison ses inspirateurs – pêle-mêle, Nada Surf, l’axe Pixies / The Breeders, Blur ou Teenage Fanclub –, cite la série Mad Men et en profite pour signer la plus addictive chanson entendue depuis des lustres en la personne de Bummed, petit miracle de power-pop acrobatique et nerveuse. Groupe tout feu tout flamme (forcément), sans prétention mais avec une certaine ambition, Dragon Rapide signe ainsi avec une certaine nonchalance un premier album euphorisant.

dragonrapide.bandcamp.com

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