Après cinq années de silence radio, on aurait pu croire les Dead Ghosts disparus pour de bon. Mais avec leur excellent nouveau LP Automatic Changer – qui sortira le 24 avril prochain chez Burger Records-, la bande de Bryan Nicol (chant/guitare), Andrew Wilkinson (guitare) et Michael Wilkinson (batterie), renforcée par Moe Chiumento (basse) et Craig Pettman (claviers), revient avec une inspiration et une énergie aussi intactes qu’à leurs débuts.
Rappelons qu’en 2010, le combo canadien avait publié un premier album d’une rare classe, qui compte selon moi parmi les meilleurs disques de la décennie passée. Les deux LP qui lui avaient succédé – dont l’un contenait notamment les hits On your own et Can’t get no-, avaient confirmé le talent des fantômes morts, et montré leur détermination à nous hanter durablement. Avec leur garage-punk-psychédélique nourri à la mamelle des Seeds, Electric Prunes et autres 13th Floor Elevator, les Dead Ghosts avaient montré que le rock à guitares n’avait pas dit son dernier mot. En s’affranchissant de leurs références, ils avaient su proposer autre chose qu’une imitation falote des ancêtres du genre. Sans se noyer dans le formol des seuls gimmicks, ils n’avaient pas négligé l’essentiel : écrire des chansons.
C’est donc avec une jubilation fébrile que j’ai eu l’honneur d’écouter, en avant-première, les quinze nouveaux titres du très habité Automatic Changer. On y retrouve le son typique des Dead Ghosts – à base de guitares réverbérées, de voix lead légèrement saturées et de basse-batterie brutes et sans fard. On a néanmoins plaisir à constater quelques innovations sonores, avec l’utilisation de claviers bien roots, de percussions spectoriennes (vive les castagnettes !), ou d’effets zarbis façon films de science-fiction de série Z des années 50.
Freak, qui ouvre l’album dans un maelstrom de pédale wah-wah hyper-réverbée, sonne comme un hommage à peine dissimulé à Kim Fowley, avec sa rythmique au fond du temps, sa ligne de basse hypnotique et ses paroles scandées à la manière de The Trip. Vient ensuite le single très réussi Drugstore Supplies – dont le clip mérite le détour -, puis le particulièrement stylé Swiping Hubcaps, l’un des meilleurs titres du disque, digne des chansons les plus accrocheuses des Black Lips.
On se délecte juste après du micro-tube surf-pop Holdin’ Me Down, qui a l’incroyable culot de citer le début des arpèges de What You’re Doing des Beatles, pour mieux s’en distancier par la suite, tout comme Lee Hazlewood avait rendu hommage à Paperback Writer dans In Our Times, en y incluant une partie du riff des Fab Four. Le très inspiré Turn it Around séduit immédiatement par ses accents Rolling Stones période fin sixties et également par l’impressionnante qualité du chant de Bryan Nicol qui fait songer aux meilleures heures de Van Morisson. Et puis comment ne pas se réjouir de l’usage particulièrement pertinent de la pedal steel. Les Ghosts atteignent ici un niveau d’écriture élevé et se montrent visiblement soucieux d’explorer de nouveaux territoires, parvenant même carrément à nous émouvoir. Après encore quelques chansons tout à fait honorables, le très réussi It’s Been Too Long relance la machine à tubes.
Sur les chapeaux de roues, In & Out s’impose comme le titre le plus percutant du disque, le plus énergique et le plus punk, le genre de petite bombe qu’on a tendance à écouter cinq fois de suite. Le slap echo sur la voix de Bryan Nicol au moment du pont de cette chanson rappelle un effet très apprécié de John Dwyer des Oh Sees, même si, soit dit entre nous, les Dead Ghosts l’emportent haut la main côté mélodique. Tell me How, dans la même veine que Turn it Around, possède le charme savoureux de Them et des Animals et ajoute un éclat supplémentaire à cet album décidément très bien mené. On ne manquera pas non plus d’apprécier Automatic Changer, la chanson qui a donné son nom à l’album, avec son orgue vintage de la meilleure eau. Bad Vibes et ses guitares buzzantes nous ramène avec joie dans un univers proche de celui des Electric Prunes et aurait pu aisément trouver sa place dans les compiles Nuggets. On ressort de ce disque heureux et avec une irrépressible envie de voir au plus vite les Dead Ghosts jouer tous ces nouveaux titres sur scène.