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Andrea Laszlo de Simone, Immensità (42 Records)

Échappant plutôt par le haut au narratif du renouveau de la pop italienne coincé entre San Remo et Sorrentino, Andrea Laszlo de Simone est suivi par quelques-uns de ce côté des Alpes depuis son Uomo Donna, album ample, gras et pourtant merveilleux qui s’imposait comme neuf malgré l’évidence de son ambition anachronique. Plutôt que de ciseler, potentialiser et photocopier son talent mélodique, le chanteur turinois délayait, aérait et laissait filer, entre les chansons, des longues plages de vie aux accents pastoraux. Je fus ainsi surpris un jour par le mode aléatoire qui fit se superposer Questo non è amore et Heart of the Country de Paul et Linda McCartney comme une naturelle association d’idées, un raccord cinématographique. Il y avait un romantisme archaïque dans Uoma Donna qui faisait revenir des images du Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher (2018), des prolétaires des premiers Visconti, ou encore, plus récemment, du cinéma de Pietro Marcello. Une filiation paysanne et romantique qui, par son contre-point anachronique, rend le monde plus vrai. Continuer la lecture de « Andrea Laszlo de Simone, Immensità (42 Records) »

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Dropkick, The Scenic Route (Sound Asleep/Bobo Integral)

C’est sans doute Nick Hornby qui l’a exprimé de la manière la plus claire et la plus pertinente en évoquant, dans les pages de 31 Songs (2003), son attachement passionnel, au-delà de toute considération esthétique, à Thunder Road de Springsteen. Il arrive parfois – rarement – que nous croisions le chemin d’un artiste ou d’une œuvre – une simple chanson peut suffire – qui exprime intégralement et parfaitement ce que nous sommes. Il ne s’agit pas d’une identification ponctuelle aux sentiments évoqués, aux situations décrites ni même aux personnages mais d’une adhésion plus complexe et plus complète aux moindres inflexions mélodiques, de cette conviction profonde, renforcée à chaque écoute, de partager avec l’auteur chacune de ses décisions artistiques et de saisir avec la puissance inégalée de l’intuition ce qu’il exprime par une voix qui semble se confondre avec la nôtre. Continuer la lecture de « Dropkick, The Scenic Route (Sound Asleep/Bobo Integral) »

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V/A, Born Bad Record Shop – 20 years Anniversary (Les Disques Les Mauvais Garçons)

En 2019, le disquaire Born Bad fêtait ses vingt ans d’existence, une petite performance en soi compte tenu du contexte économique difficile de la musique sur support physique. Pour marquer le coup, le disquaire a organisé des concerts en septembre dernier et sort ces derniers jours une compilation vinyle uniquement disponible rue Saint Sabin à Paris et chez quelques collègues émérites (Total Heaven, Dangerhouse etc.). Nous avons rarement l’occasion de mettre en avant ici les disquaires, ils sont pourtant un maillon important de la musique que nous aimons. Born Bad fait partie de ces endroits de vie, point névralgique de scènes qu’il faut chérir et valoriser. Continuer la lecture de « V/A, Born Bad Record Shop – 20 years Anniversary (Les Disques Les Mauvais Garçons) »

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Cornershop, England Is A Garden (Ample Play)

De leurs débuts tonitruants dans les années 90 où ils brûlaient une effigie de Morrissey devant sa maison de disques – et devant les photographes des tabloïds anglais, à leur adoubement par le roi de l’Oasis, Noël Gallagher, en passant par le coup d’accélérateur donné à leur carrière par Fatboy Slim qui signait un remix de Brimful Of Asha, on pouvait aisément ne retenir qu’un énorme nuage de fumée épaisse, de la poudre de perlimpinpin pour un gogo indie (comme moi), des cônes d’encens pour touristes musicaux (comme moi). Cornershop, c’était et c’est évidemment beaucoup d’autres choses qui valent bien mieux que ce parcours en pointillé. Continuer la lecture de « Cornershop, England Is A Garden (Ample Play) »

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Tame Impala, The Slow Rush (Modular / Fiction / Caroline / Interscope)

LE « CONTRE »

« I wouldn’t wear a tie-dyed t-shirt
unless it is soaked with the urine of Phil Collins
and the blood of Jerry Garcia. »

— Kurdt Kobain

Je pensais démonter le truc en deux phrases précises, sans avant-propos liminaires, surtout après-coup mais vu les circonstances… Depuis samedi soir, le monde est divisé en deux camps et l’on assiste, interdit, à un tel déballage de nazeries totales concernant la cérémonie des César (sans s) et au très bon papier concomitant de Virginie Despentes dans Libé. Effarant, que tout un chacun se doit ou se sent le droit de donner son avis sur cette saine colère. Passé la nôtre, on regarde amusé, voire goguenard, les limites de la pensée contemporaine sur les réseaux sociaux tout en prenant des notes mentales pour plus tard. Continuer la lecture de « Tame Impala, The Slow Rush (Modular / Fiction / Caroline / Interscope) »

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Tame Impala, The Slow Rush (Modular / Fiction / Caroline / Interscope)

LE « POUR »

Le rock (au sens large) est un genre moribond, beaucoup d’observateurs attendent frénétiquement de pouvoir en écrire la nécrologie, accompagné d’un #RIP, histoire de faire moderne. Peut-on vraiment leur donner tort ? Certes d’un point de vue souterrain, la scène est foisonnante et offre chaque jour des propositions excitantes que nous chroniquons ici régulièrement. Cependant aucune de celles-ci n’arrivent à créer un enthousiasme au-delà du cercle des convaincus et à toucher les gens normaux ou même notre sphère unilatéralement. Quels disques récents ont provoqué autour de vous des débats animés ces derniers temps ? Continuer la lecture de « Tame Impala, The Slow Rush (Modular / Fiction / Caroline / Interscope) »

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Cabane, Grande Est La Maison (Cabane Records)

Quand donc se sent-on vraiment chez soi ? Autour de cette interrogation aporétique, Thomas Jean Henri a patiemment bâti un édifice qui repose sur des fondations infiniment ramifiées et qui possèdent sans doute une importance aussi capitale que la partie émergente de sa Cabane si accueillante. Depuis 2015, l’ex-batteur de Venus s’est en effet attaché à ponctuer chacune des étapes de la construction de gestes artistiques réflexifs – articles de presse, singles avant-coureurs ainsi qu’un documentaire où les membres de l’entourage bienveillant de ses pairs s’interrogent sur la portée d’un album qu’il n’ont pas encore entendu – comme pour mieux prolonger ce sentiment au long cours, presque paradoxal, qui fait de chacun d’entre nous de petits Ulysse en quête du retour vers ces lieux pour lesquels l’attachement croît souvent à proportion de la distance qui nous en sépare. Continuer la lecture de « Cabane, Grande Est La Maison (Cabane Records) »

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King Krule, Man Alive! (Matador)

Grain vibrant du film numérique venu d’un autre siècle. Un type est assis sur une chaise au milieu d’un champ où se sont éparpillées quelques touffes de neige grise. Caressant du doigt une guitare taille enfant, sa voix perce le souffle muselé de la tremblante captation. Il dit : « You’re my everything, you make me feel alright. You’re the only thing that makes me feel alright ». L’atemporalité du fragment est peut-être ce qui envoute le plus. Ce chant hors d’âge, cette supplique tranquille et immuable pour un être aimé – comme des milliers ont déjà été négligemment marmonnée par d’autres rêveuses et rêveurs. La beauté en apnée. C’est comme ça que l’on est retombé sur King Krule, en novembre dernier, deux ans après son grand The Ooz, à l’occasion d’un court-métrage en guise de retrouvailles, collection vidéo de démos acoustiques fredonnées en pleine nature face à l’objectif de la photographe Charlotte Patmore, sa compagne. Intitulé Hey World!, il enveloppait avec la chaude familiarité d’un vieil ami, égaré puis réapparu dans la brume des jours qui fuient. Un peu plus vieux, un peu plus sage, mais dont un souffle seul suffit à faire jaillir quelque chose d’intime et d’incassable. Lui, instantanément. Continuer la lecture de « King Krule, Man Alive! (Matador) »