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Cabane, Grande Est La Maison (Cabane Records)

Quand donc se sent-on vraiment chez soi ? Autour de cette interrogation aporétique, Thomas Jean Henri a patiemment bâti un édifice qui repose sur des fondations infiniment ramifiées et qui possèdent sans doute une importance aussi capitale que la partie émergente de sa Cabane si accueillante. Depuis 2015, l’ex-batteur de Venus s’est en effet attaché à ponctuer chacune des étapes de la construction de gestes artistiques réflexifs – articles de presse, singles avant-coureurs ainsi qu’un documentaire où les membres de l’entourage bienveillant de ses pairs s’interrogent sur la portée d’un album qu’il n’ont pas encore entendu – comme pour mieux prolonger ce sentiment au long cours, presque paradoxal, qui fait de chacun d’entre nous de petits Ulysse en quête du retour vers ces lieux pour lesquels l’attachement croît souvent à proportion de la distance qui nous en sépare. Continuer la lecture de « Cabane, Grande Est La Maison (Cabane Records) »

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King Krule, Man Alive! (Matador)

Grain vibrant du film numérique venu d’un autre siècle. Un type est assis sur une chaise au milieu d’un champ où se sont éparpillées quelques touffes de neige grise. Caressant du doigt une guitare taille enfant, sa voix perce le souffle muselé de la tremblante captation. Il dit : « You’re my everything, you make me feel alright. You’re the only thing that makes me feel alright ». L’atemporalité du fragment est peut-être ce qui envoute le plus. Ce chant hors d’âge, cette supplique tranquille et immuable pour un être aimé – comme des milliers ont déjà été négligemment marmonnée par d’autres rêveuses et rêveurs. La beauté en apnée. C’est comme ça que l’on est retombé sur King Krule, en novembre dernier, deux ans après son grand The Ooz, à l’occasion d’un court-métrage en guise de retrouvailles, collection vidéo de démos acoustiques fredonnées en pleine nature face à l’objectif de la photographe Charlotte Patmore, sa compagne. Intitulé Hey World!, il enveloppait avec la chaude familiarité d’un vieil ami, égaré puis réapparu dans la brume des jours qui fuient. Un peu plus vieux, un peu plus sage, mais dont un souffle seul suffit à faire jaillir quelque chose d’intime et d’incassable. Lui, instantanément. Continuer la lecture de « King Krule, Man Alive! (Matador) »

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Le Mister INXS

Retour sur le documentaire consacré à la pop star australienne Michael Hutchence

michele bennett et Michael Hutchence
Michele Bennett et Michael Hutchence

19 février 1996. À l’Earls Court Exhibition Centre de Londres, lors de la cérémonie annuelle des Brit Awards (l’équivalent de nos Victoires de la Musique, la dimension internationale en plus), Oasis rafle la mise avec trois récompenses. Lorsque Michael Hutchence, chanteur du groupe australien INXS, leur remet l’un des prix, Noel Gallagher balance : “Has beens should not be presenting awards to gonna be’s” (“Les has been ne devraient pas remettre de récompenses à ceux qui vont avoir du succès”). Un an et demi plus tard, Michael Hutchence n’est plus de ce monde : il s’est donné la mort par pendaison dans une chambre d’hôtel. Continuer la lecture de « Le Mister INXS »

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Handle, In Threes (Upset The Rhythm)

In Threes est un de ces disques trop rares qui vous cueillent sans prévenir, au moment où l’on s’y attend le moins. Pas besoin de quelconque préambule, introduction, note d’intention, ni même d’une première écoute attentive. Ça tombe bien : on ne sait rien ou presque sur ces jeunes gens de Handle qui sortent de nulle part. On nous souffle seulement que l’un des membres a été élève dans le bahut de Martin Moscrop, ce qui n’est pas anodin mais n’explique pas entièrement l’affaire. Continuer la lecture de « Handle, In Threes (Upset The Rhythm) »

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Hémisphère Sud, H.S. (Another Record)

« C’est toujours toi le meilleur, surtout quand j’suis ailleurs, t’as toujours voulu tout savoir, j’ai plus qu’à m’camer et boire »

De leur nom pourrait naître un quiproquo rigolo et handicapant. S’agit-il d’une radio libre des années 80 spécialisée dans la sono mondiale ? Ou d’un groupe culte vite oublié des profondeurs du Top 50  ? Que nenni. Hémisphère Sud est bien un groupe tourangeau actuel, bien dans son époque, de toute façon, ici, on ne se moque pas des noms, pas du physique, pas de la famille. Continuer la lecture de « Hémisphère Sud, H.S. (Another Record) »

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Cindy Lee, What’s Tonight To Eternity (W.25th)

Il ne faut pas beaucoup d’écoutes de ce nouveau disque de Cindy Lee pour saisir toute l’importance, intime comme artistique, que revêt ce projet pour son créateur, le canadien Patrick Flegel, connu jusque là surtout pour son travail en tant que chanteur et guitariste du groupe Women, auteur à la fin des années 2000 de quelques albums sympathiques de rock noisy tendance shoegaze. Aujourd’hui, Flegel est devenu pour la scène Cindy Lee et règle ses comptes avec son passé et ses fantômes en chantant, de façon convaincante, comme Patsy Cline ou Karen Carpenter et faisant autant hurler ses guitares que vriller ses synthétiseurs cradingues et ses magnétophones. Jusque là le projet du canadien, c’est son cinquième album sous cette identité, tenait plus du happening arty queer que d’une réelle œuvre musicale. Continuer la lecture de « Cindy Lee, What’s Tonight To Eternity (W.25th) »

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La Fresto, 22 222 (autoproduction) / Superbravo, Sentinelle (Fraca)

« On efface les chroniques et le passé est vierge, de ces coups de sangs critiques, des erreurs chronologiques, des labyrinthes tectoniques, des coups de balai sur les fondations, c’est une nécessité »

« Vois, tes mots me rendent meilleure »

S’il y a des artistes qui ne se posent pas de questions quant à la nature profonde de leur métier, voire de leur être, ce sont bien les ex-pensionnaires du label Lithium. Et si l’entreprise de Vincent Chauvier a fermé ses portes il y a un peu moins de vingt ans maintenant, les jeunes pousses grandies sous son aile ont depuis embrassé des carrières dont le moindre des soucis est justement leurs débuts tonitruants. Il y avait une vie après le label à l’empreinte historique, et Superbravo et La Fresto en sont la preuve. Et peu importe le degré de reconnaissance que chacun a rencontré, la musique était un choix non négociable, qu’elles qu’en soient les conséquences. S’il était dans les compétences d’un directeur artistique de ressentir ça chez une personne en devenir, l’urgence de la passion, ce dévouement à la vie à la mort, on peut dire que Vincent Chauvier s’est peu trompé. Voire jamais. Continuer la lecture de « La Fresto, 22 222 (autoproduction) / Superbravo, Sentinelle (Fraca) »

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Deca Joins, Go Slow (Streetvoice)

Enserrée par les mers de Chine, des Philippines et soufflée par les brises du Pacifique, l’île de Taïwan semble se nourrir d’une circulation ancienne et constante de courants marins et culturels. Pour peu que l’on s’intéresse même sporadiquement, ainsi que je le fais, à la production musicale locale, on ne s’étonnera pas d’y trouver les mêmes enjeux et manières qui forment de l’archipel nippon à la péninsule coréenne les grandes tendances des pop extrêmes orientales : industrialisation, fabrique d’images et stéréotypes musicaux forcés. On ne s’étonnera pas non plus d’y trouver, lubie ancienne de toutes les pop en milieu démocratique, une scène d’indépendance qui plus ou moins frontalement défie la domination des images et des rythmes. Continuer la lecture de « Deca Joins, Go Slow (Streetvoice) »