Whitney K., Two Years (Maple Death)

Whitney K. Avant ce disque, le Montréalais Konner Whitney, qui se présente ici en groupe sous le nom de Whitney K., n’avait sorti que deux cassettes à une échelle pour le moins confidentielle (soixante exemplaires édités pour When the Party’s Over, la seconde). Aujourd’hui, le voici donc qui revient avec ce superbe Two Years, son véritable premier album, une œuvre dont la beauté vacillante et la poésie gentiment cintrée semblent le situer dans la lignée des héros oubliés de l’Antifolk new-yorkais du début des années 2000.

Whitney K
Whitney K.

C’est, en tout cas, ce que suggèrent des titres comme Cowboy City Rockers ou The Weekend avec leur façon de mêler folk urbain, poésie punk et country déjantée (Last Night #2) qui rappelle aussi bien l’esprit de Jeffrey Lewis, d’Adam Green et du Herman Düne de Mas Cambios que le Velvet de There She Goes Again ou Lonesome Cowboy Bill. Du Velvet, il est évidemment aussi question sur l’épatant Trans Canada Oil-Boom Blues, sorte de bazar folk-rock joyeusement dissonant et très influencé par celui de Run Run Run. Pourtant, il serait sans doute dommage de ne voir ce remarquable Two Years que sous l’angle de l’hommage et du pastiche. En effet, si l’influence de Lou Reed semble aussi évidente sur des titres comme Good Morning, Hit This Pipe ou Last Night #2, c’est déjà parce qu’elle est assez clairement revendiquée, mais aussi parce que Konnor Whitney n’hésite pas à aborder l’héritage du père de Berlin comme un registre musical à part entière, comme un mode d’expression. Ainsi, l’excellent Trans Canada Oil-Boom Blues relève davantage de l’exercice de style et semble même assez proche du I Dreamed I Saw Lou Reed Last Night paru, il y a quatre ans, sur le très beau Step into the Earthquake de Simon Joyner. Mais si Konnor Whitney évoque autant Lou Reed, c’est aussi en raison des limites (relatives) de ses capacités vocales qui l’obligent à placer sa voix différemment, à jouer plus sur le phrasé et les intonations, bref sur l’interprétation, que sur le chant, à proprement parler. De ce point de vue, il est clair que si Two Years impressionne autant c’est notamment à cause de la qualité de l’interprétation de Whitney, par sa façon de faire vivre ses histoires et ses personnages, et de faire naître, parfois en quelques mots, l’empathie chez l’auditeur. L’autre point fort de ce disque c’est la qualité de ses arrangements. En effet, il est évident que les violons ivres de Good Morning ou les notes de piano qui tombent de façon magistrale et totalement impromptue au beau milieu de Trans Canada Oil-Boom Blues sont les traits de génie de cet album et ce qui le rapproche le plus du romantisme dévasté d’un Harry Nisson, par exemple. Et puis, il y a la chanson qui emporte tout, une ballade somptueuse nommée Maryland sur laquelle s’achève le disque et qui devrait, à elle seule, marquer les esprits et faire de Konnor Whitney K. l’un des songwriters à suivre dans les prochaines années.

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