Grand Veymont, aussi mirifique que son nom, nous tenait la main depuis deux ans et deux très beaux disques aux plages faites des plus sûrs matériaux, Terry Riley et Stereolab — et tout ce que ça implique — en grossier résumé. Des matériaux qui avaient pour unique défaut de dicter parfois trop visiblement la structure du bâtiment et l’écoute de l’auditeur, sans que ce dernier puisse toujours les oublier au profit de l’écriture du duo. Il fallait prendre le temps, s’immerger, laisser résonner les échos inconnus, et rencontrer alors des hymnes de poche planqués sous le décor, des chants plutôt que des chansons, qui donnaient invariablement envie d’enchaîner avec Albert Ayler dans le casque ou les enceintes. Continuer la lecture de « Grand Veymont, Persistance et changement (Objet Disque) »
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R. E. Seraphin, Tiny Shapes (Paisley Shirt Records)
Pour contrebalancer l’anéantissement provisoirement contraint de la cueillette du muguet ou des grandes escapades printanières, nous sommes quelques-uns à avoir au moins pu nous délecter de l’événement majeur de ce week-end dernier. Au beau milieu d’un pseudo- pont du 1er mai qui s’est contenté d’enjamber les deux rives tristement identiques d’un long fleuve d’ennui, la diffusion gratuite pendant quelques jours de Teenage Superstars (2017) brillant documentaire consacré par Grant McPhee à l’émergence de la scène indie-pop écossaise tout au long des années 1980, a offert aux amateurs – mais qui donc songerait à ne pas l’être ?- quelques heures privilégiées de délectation nostalgique et de souvenirs partagés en compagnie de ces quelques tout jeunes hommes de plus de cinquante ans nommés Duglas T. Stewart, Eugene Kelly, Norman Blake ou Stephen McRobbie – on en passe, mais peu de meilleurs. Dans une séquence pré-générique introductive, le leader des Pastels raconte ainsi comment sa conversion au punk a débuté par un passage chez le coiffeur et lui a couté, quelques heures plus tard, un cuisant coup de soleil sur ses oreilles peu habituées à une exposition si intense aux rayonnements. D’emblée, la souffrance presque dérisoire associée à l’exaltation de la liberté fraîchement conquise : au-delà même de la métaphore ou de l’anecdote, il y a quelque chose d’une vérité profonde qui semble traverser les époques et s’inscrire durablement dans les prolongements de cette tradition musicale dont les Vaselines ou les BMX Bandits ont constitué les maillons si vitaux. Continuer la lecture de « R. E. Seraphin, Tiny Shapes (Paisley Shirt Records) »
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Confeti De Odio, Tragedia Española (Snap! Clap! Club)
D’abord, il y a eu cette pochette, aperçue un dimanche soir sur Instagram, sur le compte du très recommandable Nacho Canut – pour ceux qui ne suivent ou ne savent pas, cet homme est la moitié de Fangoria et l’une des figures emblématiques de la Movida et de la scène pop espagnole depuis la fin des années 1970, en particulier pour avoir cofondé, avec son éternelle complice Alaska et le regretté Carlos Berlanga, Alaska Y los Pegamoides puis Alaska Y Dinarama. Des groupes qui, un peu à l’instar d’Orange Juice à la même époque, rêvaient de marier les Ramones et Chic. Alors voilà : quand un type de cette envergure poste sur son compte une pochette, vous avez forcément envie d’en savoir un peu plus. Surtout quand ladite pochette donne une idée assez précise de ce à quoi aurait pu ressembler en vitrine un disque de The Smiths avec Syd Barrett période The Madcap Laughs comme effigie. Et puis, le titre et le nom de l’artiste attisaient aussi la curiosité : Tragedia Española par Confeti De Odio (une traduction approximative en serait : Tragédie Espagnole par Confetti de Haine). Et moi, quand il s’agit de musique pop, j’aime bien les mots qui ne donnent pas le choix : c’est l’amour ou la haine – justement –, il n’y a pas de place pour un milieu plus ou moins juste…
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Car Seat Headrest, Making a door less open (Matador)
I believe that thoughts can change my body, répète Will Toledo sur son morceau d’ouverture, Weightlifters. De là à imaginer l’adolescent chétif des Twin Fantasy (2011) en culturiste, il y a un monde. Will Toledo a quelque chose d’un rapport conflictuel au corps (euphémisme) : « Don’t you realize our bodies could fall apart any second ? » disait-il y a encore peu dans un autre titre, intitulé… Bodys.
Débarrassons-nous immédiatement du narratif qu’il a décidé de construire pour la sortie de son deuxième album chez Matador – en ne comptant pas le ré-enregistrement de Twin Fantasy : il a exprimé le souhait de porter un masque façon jeu vidéo afin de dissimuler son visage, amoindrir le poids du corps. Le narratif bégaie devant le Covid-19, il faut bien le dire. Toledo n’aura pas de concert à tenir avant quelques mois, on verra alors ce qu’il reste de cette décision. Continuer la lecture de « Car Seat Headrest, Making a door less open (Matador) »
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B.C. Camplight, Shortly After Takeoff (Bella Union/PIAS)
Soy Tonto!, proclamait-il déjà haut il y a bientôt treize ans sur l’un des titres de son deuxième album, Blink Of A Nihilist (2007). Nul besoin, en effet, de posséder un diplôme de troisième cycle en psychologie pour comprendre qu’il règne encore et toujours une agitation inhabituelle sous le chapeau melon de Brian Christinzio. Sa biographie officielle n’en a d’ailleurs jamais fait mystère en évoquant régulièrement quelques séjours en établissements spécialisés. Et pourtant, l’admiration que suscite une fois de plus l’homme-orchestre qui se dissimule derrière le pseudonyme de B.C. Camplight n’a pas grand-chose à voir avec la fascination un peu malsaine qu’entretiennent la plupart des autres grands givrés de l’histoire de la pop – de Roky Erickson à Daniel Johnston, la liste est longue. Nulle trace ici de délire paranoïaque ou d’exposition obscène de pathologies psychotiques. Il s’agit plutôt d’une folie douce, d’une fantaisie extrême et non dénuée d’humour. Continuer la lecture de « B.C. Camplight, Shortly After Takeoff (Bella Union/PIAS) »
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Red Skylark, Collection 1 (Kool Kat Musik)
Les vertus auditives et indirectes du confinement continuent, à juste titre, d’être suffisamment soulignées pour que l’on s’attarde un instant sur le revers de la médaille. Alors que le temps s’étiole et se fige, l’investigation archéologico-réflexive des vestiges de nos propres passions musicales ne cesse d’apparaître comme un dérivatif captivant à la circularité de l’ennui. Comme autant de Xavier de Maistre de fortune, contraints de tirer le moins mauvais parti possible de l’autarcie provisoire, nous voyageons autour de nos discothèques pour y redécouvrir des mondes oubliés. Les souvenirs réconfortent ; les oublis se réparent : tout cela est bel et bon mais laisse peu de place, paradoxalement, à l’irruption de la nouveauté. Alors que les sources d’approvisionnement en musique fraîche tendent à se tarir et que les sorties attendues sont souvent différées aux calendes automnales déconfinées, la pénurie et la profusion œuvrent ainsi de pair. Pourquoi risquer de perdre son temps, même dilué, à explorer le superflu et l’incertain quand l’essentiel est en permanence à portée de mains et d’oreilles ? Continuer la lecture de « Red Skylark, Collection 1 (Kool Kat Musik) »
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Police Control, Noyé EP (Croque Macadam)
« Enlacé par ces eaux glacées qui m’ont gelé le cœur, je crois que tout m’est égal »
Le métier gagnerait peut-être à imposer la retraite – avant même le fameux âge pivot – à des auteurs de chroniques comme moi, pour qui la musique se résume souvent à une formidable machine à remonter le temps. Parce que ce pouvoir magique et instantané de la chanson peut se révéler aussi formidablement dangereux et masquer de réelles qualités, fraîcheur et innocence, bien loin des odeurs de naphtaline, de tel ou tel groupe. C’est le cas de Police Control, duo tranquille qui publie ces jours-ci sur Croque Macadam, le label de notre collègue Alexandre Gimenez-Fauvety un maxi 45t, après un premier EP en 2016 (Sentimental) et un mini tube souterrain (Alcool nation) en 2015. Continuer la lecture de « Police Control, Noyé EP (Croque Macadam) »
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Origan, T’es pas un Amour (Melotron)
Rennes fut longtemps une place forte du garage contemporain français, avec en tête de proue Kaviar Special ou les Madcaps. Le garage semble désormais, d’une manière générale, ne plus intéresser grand monde à part les purs et durs qui rêvent de pogos sur les interminables jams seventies des Oh Sees. En revanche la scène indie-pop a pris une certaine ampleur en France depuis quelques années, autour de formations comme En Attendant Ana, Sex Sux ou Pastel Coast. Dans l’esprit de ces groupes, les Bretons d’Origan nous plongent dans une indie-pop très canal historique. T’es Pas Un Amour (Melotron) offre une étonnante suite au catalogue Sarah Records et notamment Field Mice. Continuer la lecture de « Origan, T’es pas un Amour (Melotron) »