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B.C. Camplight, Shortly After Takeoff (Bella Union/PIAS)

Soy Tonto!, proclamait-il déjà haut il y a bientôt treize ans sur l’un des titres de son deuxième album, Blink Of A Nihilist (2007). Nul besoin, en effet, de posséder un diplôme de troisième cycle en psychologie pour comprendre qu’il règne encore et toujours une agitation inhabituelle sous le chapeau melon de Brian Christinzio. Sa biographie officielle n’en a d’ailleurs jamais fait mystère en évoquant régulièrement quelques séjours en établissements spécialisés. Et pourtant, l’admiration que suscite une fois de plus l’homme-orchestre qui se dissimule derrière le pseudonyme de B.C. Camplight n’a pas grand-chose à voir avec la fascination un peu malsaine qu’entretiennent la plupart des autres grands givrés de l’histoire de la pop – de Roky Erickson à Daniel Johnston, la liste est longue. Nulle trace ici de délire paranoïaque ou d’exposition obscène de pathologies psychotiques. Il s’agit plutôt d’une folie douce, d’une fantaisie extrême et non dénuée d’humour. Continuer la lecture de « B.C. Camplight, Shortly After Takeoff (Bella Union/PIAS) »

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Red Skylark, Collection 1 (Kool Kat Musik)

Les vertus auditives et indirectes du confinement continuent, à juste titre, d’être suffisamment soulignées pour que l’on s’attarde un instant sur le revers de la médaille. Alors que le temps s’étiole et se fige, l’investigation archéologico-réflexive des vestiges de nos propres passions musicales ne cesse d’apparaître comme un dérivatif captivant à la circularité de l’ennui. Comme autant de Xavier de Maistre de fortune, contraints de tirer le moins mauvais parti possible de l’autarcie provisoire, nous voyageons autour de nos discothèques pour y redécouvrir des mondes oubliés. Les souvenirs réconfortent ; les oublis se réparent : tout cela est bel et bon mais laisse peu de place, paradoxalement, à l’irruption de la nouveauté. Alors que les sources d’approvisionnement en musique fraîche tendent à se tarir et que les sorties attendues sont souvent différées aux calendes automnales déconfinées, la pénurie et la profusion œuvrent ainsi de pair. Pourquoi risquer de perdre son temps, même dilué, à explorer le superflu et l’incertain quand l’essentiel est en permanence à portée de mains et d’oreilles ? Continuer la lecture de « Red Skylark, Collection 1 (Kool Kat Musik) »

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Police Control, Noyé EP (Croque Macadam)

« Enlacé par ces eaux glacées qui m’ont gelé le cœur, je crois que tout m’est égal »

Le métier gagnerait peut-être à imposer la retraite – avant même le fameux âge pivot – à des auteurs de chroniques comme moi, pour qui la musique se résume souvent à  une formidable machine à remonter le temps. Parce que ce pouvoir magique et instantané de la chanson peut se révéler aussi formidablement dangereux et masquer de réelles qualités, fraîcheur et innocence, bien loin des odeurs de naphtaline, de tel ou tel groupe. C’est le cas de Police Control, duo tranquille qui publie ces jours-ci sur Croque Macadam, le label de notre collègue Alexandre Gimenez-Fauvety un maxi 45t, après un premier EP en 2016 (Sentimental) et un mini tube souterrain (Alcool nation) en 2015. Continuer la lecture de « Police Control, Noyé EP (Croque Macadam) »

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Origan, T’es pas un Amour (Melotron)

Rennes fut longtemps une place forte du garage contemporain français, avec en tête de proue Kaviar Special ou les Madcaps. Le garage semble désormais, d’une manière générale, ne plus intéresser grand monde à part les purs et durs qui rêvent de pogos sur les interminables jams seventies des Oh Sees. En revanche la scène indie-pop a pris une certaine ampleur en France depuis quelques années, autour de formations comme En Attendant Ana, Sex Sux ou Pastel Coast. Dans l’esprit de ces groupes, les Bretons d’Origan nous plongent dans une indie-pop très canal historique.  T’es Pas Un Amour (Melotron) offre une étonnante suite au catalogue Sarah Records et notamment Field Mice. Continuer la lecture de « Origan, T’es pas un Amour (Melotron) »

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Ricky Hollywood, Le sens du sens (La Modeste Association, FVTVR records)

Montre moi la matière noire
Celle qui se loge dans ton regard

Sur les blogs, dans les journaux en ligne, dans les quotidiens, à la télévision (ah non) ou sur Twitch (tiens, why not), on pourrait gloser des heures sur le fait qu’un type de musique fuselé pour les hit parades se retrouve scotché dans un monde plutôt souterrain, ou du moins perdu « au milieu », où les ventes se comptent sur les doigts d’une main et où les artistes vivent plus souvent de leur intermittence à l’arrache que de leur bingo de sociétaire à la SACEM. Si ces honnêtes personnes ont acquis, à force de travail et de talent, les codes sacrés du tube pop français, s’ils les ont modelés amoureusement selon leur personnalité, à coup imparable de paroles positives et mélancoliques, de couplets brillants, de refrains calibrés et même de ponts (d’or), voire de chorus de saxophones, il faudra bien se résoudre à leur dire que des tops et des charts, ça n’existe plus vraiment. Que les singles et les albums vendus par brouette, que pouic. Ou presque. Du coup, les places sont comptées, car on sait le rap tranquille, assis son trône, sans partage. Il n’en reste pas moins que cette musique existe, qu’elle est plus profonde qu’on ne le pense, malgré son absence de « raison d’être » évidente. Continuer la lecture de « Ricky Hollywood, Le sens du sens (La Modeste Association, FVTVR records) »

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Vacant Gardens, Under The Bloom (Tall Texan)

Glenn Donaldson nous avait déjà fait le coup avec Anxiety Art, l’excellent disque de The Reds, Pinks & Purples paru l’année dernière. Non, tout bien réfléchi, cela fait presque 20 ans qu’il récidive à sortir de son chapeau de nouveaux projets stylistiquement différents, au cercle de confidentialité aussi resserré que l’intimité qu’il ne cesse de tisser, disque après disque – et le monsieur est du genre productif -, avec ses fidèles auditeurs. D’une façon non exhaustive, rappelons la pop minimaliste d’Art Museums (avec le regretté Josh Alper), les chansons pastorales et surréalistes  de The Skygreen Leopards (avec Donovan Quinn), la cold wave germanique, nerveuse, martiale et romantique de Horrid Red  et Teenage Panzerkorps pour ne citer que les projets qui ont connu un embryon de succès, et sans jeter la pierre à celles et ceux qui n’en ont jamais entendu parler… Continuer la lecture de « Vacant Gardens, Under The Bloom (Tall Texan) »

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Stephen Malkmus, Traditional Techniques (Domino/Sony)

Stephen Malkmus Traditional TechniquesNous n’avons jamais vraiment pu nous décider à détester totalement Stephen Malkmus. En dépit de certains agacements un brin corrosifs, trop beau gosse, trop malin, bien souvent trop égocentrique pour ne pas laisser les solos de guitares à d’autres, on garde toujours un intérêt, modéré, certes, mais bien réel pour sa carrière solitaire mais bien accompagnée (Janet Weiss aux tambours fut* un temps). Car même si l’on lui est finalement reconnaissant d’avoir sabordé Pavement avant d’avoir commis un disque franchement mauvais à l’aube du second millénaire, on reste toujours là, entre circonspection et excitation, sans jamais vraiment y trouver ni à redire, ni tout à fait notre compte. Continuer la lecture de « Stephen Malkmus, Traditional Techniques (Domino/Sony) »

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Taulard, Dans La Plaine (Broderie Records)

« J’trouve pas mes mots »

C’est peu dire que la musique de Taulard aura permis ma renaissance à la musique à un moment où j’étais bien perdu. C’était il y a quelques années, dans un caveau du centre de Nantes, où j’avais atterri au détour d’un séjour de vacances. Le hasard avait voulu que je lise quelques lignes enthousiastes au sujet du groupe, celles de Rod Glacial chez Vice pour être précis. Bingo, ils jouaient tout près de notre maison échangée. Le tranchant de leur musique m’avait alors ébloui, une illumination en bonne et due forme. Je n’en pouvais plus des guitares, il n’y en avait pas une seule, ils utilisaient cet orgue tournoyant et accueillant. Je bloquais sur l’anglais, ils déployaient une poésie nouvelle à mes yeux, des choses très simples, très belles, sans fausse pudeur, droit dans les yeux. Je ressentais chez moi une sorte de réaction, un retour ennuyeux à la virtuosité, un immobilisme de poses sonores, une vacuité du propos, Taulard remettait au centre des débats l’expression, l’énergie, la simplicité. Fermer les yeux, trouver du sens, de l’émotion et danser : cette musique est physique. Ils étaient jeunes, ça jouait fort, il faisait bon dans cette petite foule agglutinée, quelque chose se passait, enfin. Continuer la lecture de « Taulard, Dans La Plaine (Broderie Records) »