Lou Ottens est décédé. Selon l’expression consacrée, cet ingénieur hollandais de chez Philips n’est pas connu du grand public, pourtant il a joué un rôle essentiel dans la musique populaire du second vingtième siècle. Il en a changé peut-être même les codes, en inventant la K7 audio. Il faudra un jour replacer les techniciens à leur juste place dans l’histoire de l’art – la photocopieuse a modifié le rapport à la lecture largement autant que le livre de poche quelque part. La K7 audio, donc. Un objet et un support qui vont non seulement transformer et amplifier l’utilisation ou la circulation de la musique, mais aussi son usage et le rapport à son appropriation. Voilà pour la grande analyse sociologique entre Mythologies de Roland Barthes et La Société de Consommation de Jean Baudrillard. On convoquera peut-être l’école de Francfort et Adorno pour l’effroi élito-marxiste devant les méfaits de la réification capitaliste de la culture et Walter Benjamin sur le cinéma pour remettre tout le monde d’accord sur l’importance de la culture dite de masse. La K7 audio est autant un préliminaire qu’une préhistoire de ce que nous vivons. Et elle subsiste aussi bien en tant que produit, par exemple dans le monde arabe où les enregistrement de Nass El Ghiwane tournent dans les ghettoblasters du souk de Saleh, que dans le principe, comme témoigne la transmigration du procédé gnostique de la mixtape. Continuer la lecture de « De l’éducation populaire de la K7 »