Avec huit albums en douze ans — si l’on compte aussi ses trois albums réalisés sous le nom d’Ezra Furman & the Harpoons, entre 2007 et 2011 –, Ezra Furman est assurément l’un des songwriters rock les plus prolifiques de ces dernières années. Auteur d’une pléiade de chansons aussi mémorables que I Wanna Be Your Grilfriend, Driving Down to L.A. ou I Killed Myself But I Didn’t Die, de brillants mélodrames pop aux accents subtilement fassbindériens, Furman est aussi, avec Ty Segall, l’un des rares songwriters contemporains à avoir su faire souffler un vent de fraîcheur sur un rock classique et soigneusement référencé qui, chez lui, ressemble à un étrange compromis entre le Bowie de Diamond Dogs (1974) et le Springsteen de Darkness on the Edge of Town (1978).
Il y a quelques semaines, en marge de son excellent concert à La Maroquinerie, où il était venu présenter Twelve Nudes, son sixième album solo qui lorgne ostensiblement du côté de ses héros punks, Ezra Furman acceptait de se plier à l’exercice du Blind Test et d’évoquer, à la fois, certaines de ses influences, son œuvre passée et la nature particulière de ses engagements politiques. Continuer la lecture de « Blindtest : Ezra Furman »
Étiquette : Année : 2019
Catégories chronique nouveauté
Adam Green, Engine of Paradise (30th Century Records)
Le monde de l’art est injuste. Quand tant de musiciens besogneux peinent à accoucher d’une seule chanson valable dans toute leur carrière, d’autres, insolemment doués, publient régulièrement des disques entiers de classiques instantanés, sans même avoir l’air de se forcer. C’est le cas d’Adam Green. Avec Engine of Paradise, son dernier album tout de grâce et de légèreté, le New-Yorkais confirme une fois de plus son appartenance au club très fermé des authentiques songwriters.
Si les cultissimes Moldy Peaches, son premier groupe, ont été les porte-étendards de l’antifolk, genre emblématique d’une certaine époque, Adam Green est plus difficilement classable dans une catégorie définie. Il suit sa propre voie, en dehors des modes et des tendances. Il fait partie de ces artistes « inactuels » dont la personnalité et l’univers s’avèrent assez singuliers pour ne pas avoir besoin de se fondre dans un moule préexistant. Continuer la lecture de « Adam Green, Engine of Paradise (30th Century Records) »
Catégories chroniques
Jérôme Minière, Une clairière (Objet Disque)
Un objet, le disque, un label qui porte ce nom et dont chaque piste de chaque sortie comporte une chanson : gageure impensable, affrontée, relevée. Écrivons-le, Rémy Poncet est indispensable comme musicien avec Chevalrex, il est crucial comme patron de label avec Objet Disque. Chaque sortie, chaque réédition (Perio !) : les yeux fermés. Ça prendra peut-être – toujours – du temps, on aimera ou non, on ne sera jamais indifférent, mais chacun des disques qu’il donne à écouter est important.
Cela dit, notre objet Jérôme Minière cavale, depuis des débuts sur un autre de ces labels historiques – c’était Lithium, il y a vingt ans, c’était presque une scène, c’était presque ce qui est presque en train d’advenir de nouveau –, un peu loin de nous mais près de nombreux autres, outre-Atlantique, outre-théâtre, outre-livre. Continuer la lecture de « Jérôme Minière, Une clairière (Objet Disque) »
Catégories chronique nouveauté
Sinaïve, Tabula Rasa EP (autoproduit)
Difficile de garder son calme et de ne pas s’enflammer pour un groupe si jeune : deux petits EP au compteur, Poptones en 2018 et Tabula Rasa en novembre, auto-publiés via Bandcamp, qui rassemblent en huit plages plusieurs de nos obsessions. Les chansons du trio strasbourgeois se situent dans une certaine orthodoxie psychédélique (plutôt le flash blanc que les fleurs multicolores, d’ailleurs) de Bo Diddley au Spacemen 3 en passant par le Velvet Underground, en y intégrant une belle part du blues des jeunes urbains des années 90, de MBV (Sciences de la rêverie et ses nappes de guitares grasses et apaisées ou Vilain, Vilain propulsée par une rythmique souterraine mais absolument efficace) à Slowdive ou le Ride des débuts, et toutes les nouvelles générations nées à l’écoute des films de Gregg Araki dans les années 2000. Elles s’inscrivent aussi, et c’est dans cet aboutissement précoce que mon enthousiasme devient débordant, dans une lignée de groupes français notamment des années 80 (Les Calamités, Gamine, Dominic Sonic…) qui alliaient la préciosité d’un savoir encyclopédique (sur les Byrds, les Stooges) avec une volonté empirique d’y frotter des mots d’ici, qui racontent le présent, en version originale, de cette jeunesse-là. Continuer la lecture de « Sinaïve, Tabula Rasa EP (autoproduit) »
Catégories transmission
Transmission#29 – Spéciale 2010s + récap 2019
Spéciale 2010s + récap 2019.
Emission du 15 décembre 2019
Présentée par Thomas Schwoerer, avec Étienne Greib, Pauline Nuñez, Matthieu Grunfeld, Xavier Mazure, David Jégou et Corentin Durand.
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Catégories classement
Cinquante disques pour une décennie
Un air d’à-quoi-bonisme souffle sur nos casques : à l’heure où l’industrie parle en streams, où nos collègues de bureaux parlent en playlists et où le bloc unitaire et thématique de l’album semble attaqué autant par la technique que par la créativité, à quoi bon continuer les tops albums ? De plus, à quoi bon s’attarder sur le top albums d’une décennie qui, tout particulièrement, a vu s’effacer la primauté de l’album comme unité de mesure ?
Ajoutons à l’objection de l’anachronisme que tout inquiète dans la formulation « top albums ». Nous l’avons dit, l’album est une drôle de pochette vide à l’orée de la décennie prochaine, mais « top » est encore plus problématique. Ce n’est pas là une nouveauté : la rationalisation excessive du goût par classement, ordination et quantification qualitative est au mieux ridicule, au pire, le geste de thuriféraires. Continuer la lecture de « Cinquante disques pour une décennie »
Catégories classement
2019, les choix de la rédaction
C’est la seconde fois que nous sommes amenés à faire un bilan de l’année écoulée, et ce sera peut-être la dernière car l’exercice brille souvent par son incapacité à retranscrire les sensations perçues au cours des douze derniers mois. De surcroît, à l’époque où des clips sur YouTube ont remplacé des singles dans des disquaires de briques et mortier, les albums ont-ils toujours autant de sens ? Chez certains artistes, qui rééditent leurs disques de nombreuses fois avec de nouveaux titres afin de booster les écoutes sur les sites de streaming, peut-être pas, pour ceux que nous défendons ici, somme toute, oui. Il y a toujours cette notion presque artisanale de créer une œuvre aux contours définis. Peut-être celle-ci – comme nos classements respectifs – prendra-t-elle un jour une autre forme. Il est d’ailleurs tout autant probable qu’avec le recul des années, cet exercice de style se modifiera et s’affinera. Pour l’instant, nous vous livrons les listes de chacun des auteurs ci-dessous sans filtre, brutes, histoire que vous puissiez identifier ceux avec lesquels vous avez le plus d’affinités (tout le monde fait ça, rassurez-vous, vous pouvez cliquer sur leurs noms) et que vous y découvriez un, soyons fou, plusieurs disque(s) à chérir et à votre tour. Une chose est cependant sûre : ces albums ont piqué notre curiosité en 2019, nous avons eu envie d’en défendre un certain nombre sur ce site et il n’y a pas de raison que cela soit différent en 2020.
Alexandre Gimenez-Fauvety
Catégories interview
All you need is (Simon) Love
Simon Love devrait être une pop star millionnaire. Il a les tubes, il a l’attitude, il a la personnalité, il porte des costumes bien taillés et de belles chemises. Pourquoi alors n’entend-on pas en boucle à la radio une chanson comme The New Adam and Eve ? Pourquoi Love is a Dirty Word n’est-elle pas devenue le titre phare de la BO d’une comédie romantique avec Hugh Grant ? Pourquoi Xs and Os, de son premier groupe The Loves, n’a-t-elle pas atteint 1 millions de vues sur Youtube ? Pourquoi Motherfuckers n’a t-elle pas acquis le statut d’hymne de fin de soirée, qu’on chante allégrement en chœur après avoir ingurgité un nombre conséquent de pintes ? Pourquoi Joey Ramone et son clip désopilant n’a-t-elle pas fait un buzz viral sur les réseaux sociaux ? Pourquoi Not If I See You First n’a-t-elle pas été acclamée avec plus d’enthousiasme ? La musique de Simon Love est pourtant facile d’accès et même parfaitement compatible avec le succès de masse. Continuer la lecture de « All you need is (Simon) Love »