Chevalier intrépide d’une pop luxuriante et précieusement ourlée, l’homme orchestre Remi Poncet œuvre sous le patronyme de Chevalrex depuis trois albums déjà. Amiral Pop, son dernier EP sorti ces jours-ci, composé de quelques brillants inédits tirés des sessions d’enregistrement d’Anti Slogan (Vietnam / Because, 2018), se situe plus que jamais « entre symphonies de poche, chansons fines, confidences et lyrisme », marquées par de belles mélodies qu’on jurerait labellisées du sceau de Lithium. Pour section26, il s’est attelé à une sélection à son image : sensible, solaire et subtil. Comme le disait un jour Sing Sing (du groupe Arlt) à son sujet : « Un idéal pop entre Boris Vian, Jonathan Richman et Andy Kaufman ».Continuer la lecture de « Mixtape Section26 #5 : Chevalrex »
Joo Joo Ashworth, Jeremy Katz et Cameron Allen / Photo : Jeff Fribourg
En juin dernier, alors que Froth récidivait avec son quatrième album Duress, je tentais d’expliquer dans une chronique apologique pourquoi la musique du trio californien dépassait, une fois de plus, mes plus hautes espérances. C’est à la fin de l’été que j’ai eu la chance de retrouver Joo Joo Ashworth, Jeremy Katz et Cameron Allen pour une interview montre en main– 10 minutes, ni plus ni moins –, dans les loges du Point Ephémère. Dans l’assourdissement de cet espace confiné, accolé à la salle de concert de laquelle suintait le son des guitares slacker d’Hoorsees (première partie de choix ce soir-là), Joo Joo Ashworth a confirmé son penchant geek pour les synthétiseurs, accepté de discuter un peu de mon auteur préféré, et éclairci le mystère du tag Bandcamp.
Il y aurait un arbre généalogique à dessiner de ces descendances de garçons solitaires qui s’entourent de peu pour délivrer au monde leurs sentiments, souvent dans un geste d’apparence crue et frontale : peu de mots, peu d’instruments, peu d’espoir pour peu de musique ? Peut-être. Mais depuis le début du siècle, des fins fonds des squats de zones industrielles (Noir Boy George) aux journaux à la page (Thousand), une vague froide déboule (et tabasse tout ce qui bouge) avec une musique à leur image, qui a de quoi affoler le territoire et qui s’appuie sur quelques basiques identifiés. Continuer la lecture de « Yolande Bashing, Yolande et l’amour (Bruit Blanc) »
Combien d’auteurs énoncés dans « The Booklovers » de The Divine Comedy avez-vous réellement lu ?
Illustration : Mathieu Persan pour https://www.theretrocomedy.com/
Aussi incroyable que cela puisse paraître, fût une époque où apparaître cultivé, voire franchement prétentieux, était une arme de séduction, aussi bien chez les filles que chez les garçons. Conséquence directe d’une adolescence solitaire (et d’un physique parfois ingrat), passée à lire Oscar Wilde, Salinger ou Françoise Sagan, à regarder des classiques hollywoodiens ou des films de la Nouvelle Vague, cette revanche des « eggheads » initiée en partie par Morrissey trouva pleinement écho dans la musique de nombreux groupes des années 90, qui de Pulp (« We learned too much at school », Mis-Shapes) aux Manic Street Preachers (« Libraries gave us power », A Design For a Life) en passant par Belle & Sebastian, revendiquèrent pleinement ce snobisme intellectuel et firent du droit à la culture une revendication quasi-politique, avec une naïveté parfois touchante.
A Mojácar, pendant l’enregistrement de « Asi Duele Un Verano » de Migala / Photo : Diego Yturriaga
Quand on constate qu’un groupe qui a touché notre cœur a su en toucher d’autres, on se réjouit. Parfois, un groupe touche beaucoup de cœurs, et on craint alors, parfois, qu’il en touche trop, parce qu’on serait alors, peut-être, un peu moins soi, un peu plus anonyme. Peut-être, pourtant, que ce groupe a su toucher quelques universaux plus partagés que d’autres universaux, ou plus d’universaux qui font somme, et que ce n’est pas grave finalement. Continuer la lecture de « Migala : Chanter les langues »
Réédition de leur bouleversant album « Asi Duele Un Verano » en vinyle chez Acuarela.
Migala
Avant cet été, je n’étais pas allé à Madrid depuis le printemps 2002. Je devais alors passer des disques à la soirée de présentation dans la capitale espagnole du quatrième album de Migala, Restos De Un Incendio. Je ne sais plus du tout comment on avait décidé de cela. Comment on avait organisé l’histoire. Mais on s’en moque un peu. Le printemps 2002, donc. Je suis un rédacteur en chef – le « en chef » est important je crois, mais pas tant que ça pour moi. Trois ans plus tôt, un label français, et pas des moindres, a décidé de sortir le deuxième album de ce groupe espagnol. Le label en question, c’est celui qui a fini par signer Daft Punk en 1994 ou sortir dans l’Hexagone les disques de Palace, Lambchop, The Notwist et oui, vous avez raison, quelques autres. C’est embêtant, parce que je suis passé complètement à côté du premier album du groupe espagnol en question. Et pourtant, il est paru sur l’un de mes labels préférés – parce que tous les putains de premiers albums de Sr. Chinarro – et vit dans l’une de mes villes favorites au monde – et non, pas seulement grâce au Real Madrid. Continuer la lecture de « Migala, des hommes singuliers »