Rennes fut longtemps une place forte du garage contemporain français, avec en tête de proue Kaviar Special ou les Madcaps. Le garage semble désormais, d’une manière générale, ne plus intéresser grand monde à part les purs et durs qui rêvent de pogos sur les interminables jams seventies des Oh Sees. En revanche la scène indie-pop a pris une certaine ampleur en France depuis quelques années, autour de formations comme En Attendant Ana, Sex Sux ou Pastel Coast. Dans l’esprit de ces groupes, les Bretons d’Origan nous plongent dans une indie-pop très canal historique. T’es Pas Un Amour (Melotron) offre une étonnante suite au catalogue Sarah Records et notamment Field Mice. Continuer la lecture de « Origan, T’es pas un Amour (Melotron) »
Catégories mixtape
I Like 2 Stay Home #32 : It’s Up To You, Independent & English Speaking Bands From France (1990-1999)
Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.
It’s Up To You, c’est le nom d’un manuel d’anglais de collège que mon grand frère laissait trainer négligemment dans sa chambre. J’aimais l’agencement et les polices de caractère des lettres sur la couverture, il y avait plusieurs volumes différents avec des couleurs presque électriques. Quand j’entrepris de fouiller dans les cassettes, les vinyles et les CD de la période de ma jeunesse et de réunir 26 titres s’étalant sur les années 1990-1999, ce titre me vint naturellement. Et avec internet, rien de plus facile que de retrouver ces livres d’études. Car j’ai conservé une véritable tendresse pour tous ces groupes qui chantaient leurs états d’âme, dans un anglais parfois approximatif et poétique, au moyen d’une langue inventée, fantasmée, plus que reproduite à la perfection. Et même si beaucoup des chanteurs étaient de bons anglophones (certains sont devenus professeurs d’anglais, natürlich), et même si mon cœur de pierre récemment converti préfère les groupes français qui chantent en français, même si par ce biais je rêve à mon tour des chefs d’œuvre qui auraient pu naître de la rencontre entre notre langue maternelle et ces chansons, je refais souvent ce voyage sans amertume et avec bonheur dans cette France imaginaire, dont la carte se dessinait dans les cahiers intimes des jeunes gens que nous étions, perdus dans le brouillard de nos influences, et persuadés que notre pays était une île rattachée au Royaume-Uni, ou un énième état de l’empire Américain. Amour et love à tous. Continuer la lecture de « I Like 2 Stay Home #32 : It’s Up To You, Independent & English Speaking Bands From France (1990-1999) »
Catégories 45 tours de confinement
#32 : Buzzcocks, Spiral Scratch (New Hormones, 1977)
Le premier réflexe serait de poser la face 2 sur la platine et la tête de lecture sur Boredom puis de déclarer, péremptoire, que quand même, depuis le début de ce confinement, qu’est-ce qu’on s’emmerde ! Surtout les dimanches.
Et d’en rester là. Point. A la ligne et à demain. C’est un geste, se justifierait-on.
Sauf que, si ce n’est pas faux, ce n’est pas tout à fait vrai non plus, et que l’ennui, ce bon camarade, mérite mieux. Mieux qu’un raccourci paresseux ou une sentence expéditive. Et ce post, mieux qu’une exécution sommaire. Bien qu’en proie à un terrible accès de flemme, je renâcle un peu à l’achever d’une balle dans la nuque – Shot By Both Sides serait plus approprié. Continuer la lecture de « #32 : Buzzcocks, Spiral Scratch (New Hormones, 1977) »
Catégories mixtape
I Like 2 Stay Home #31 : Michael Head
Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.
Je me souviens très bien de l’article. Ou plutôt de la photo qui l’accompagne et de son titre. Visages Pales. C’est une colonne, autant dire par grand-chose mais c’est déjà ça. Pour la signature, j’hésite aujourd’hui : Michka Assayas ou François Gorin ? Je ne sais plus du tout quel était la une ni le sommaire de ce numéro de Rock & Folk, ni même l’année exacte de sa parution – 1984 ou 1985, je pense. Mais les articles sur The Pale Fountains n’étaient pas légion – on lisait déjà la presse anglaise (un peu), mais elle n’était pas plus bavarde au sujet du groupe que son homologue française. Alors, on savait l’origine (Liverpool), on détaillait les photos de la pochette intérieure de Pacific Street (1983) et ces mecs qui avaient une classe folle et bien sûr, on admirait les chansons imaginées par un gamin de même pas un quart de siècle – dont on nous disait qu’elles devaient beaucoup à Love, Burt Bacharach et la bossa (autant de noms qu’on allait découvrir un peu plus tard). Parce que l’époque actuelle prête à se retourner sur le passé, je m’aperçois aujourd’hui que les compositions du garçon en question m’accompagnent depuis presque quarante ans – c’est quand même pas mal quarante ans. Avec The Pale Fountains, donc, puis Shack, mais aussi lors de la parenthèse du vrai faux album solo, le très beau The Magical World Of The Strands, et de la résurrection discographique de 2013, via l’important label franco-anglais Violette Records. Continuer la lecture de « I Like 2 Stay Home #31 : Michael Head »
Catégories 45 tours de confinement
#31 : Palace, Gezundheit (Hausmusik, 1995)
Prost, cheers, saúde, na zdrowie, kanpai, salud, santé, Gesundheit.
Même en multipliant les locutions étrangères pour faire la nique aux partisans de la fermeture des frontières, trinquer seul depuis 33 jours n’est paradoxalement pas le meilleur moyen de lever le pied sur la picole. Si les amis imaginaires sont depuis longtemps remisés dans les placards de l’enfance, toute une confrérie de buveurs descend régulièrement de la bibliothèque pour s’inviter à la table et me tenir compagnie. Le consul Geoffrey furète à la recherche d’une bouteille de mezcal, René propose de rhabiller les gosses pour la énième fois, déjà Charles s’est endormi. Continuer la lecture de « #31 : Palace, Gezundheit (Hausmusik, 1995) »
Catégories chronique nouveauté
Ricky Hollywood, Le sens du sens (La Modeste Association, FVTVR records)
Montre moi la matière noire
Celle qui se loge dans ton regard
Sur les blogs, dans les journaux en ligne, dans les quotidiens, à la télévision (ah non) ou sur Twitch (tiens, why not), on pourrait gloser des heures sur le fait qu’un type de musique fuselé pour les hit parades se retrouve scotché dans un monde plutôt souterrain, ou du moins perdu « au milieu », où les ventes se comptent sur les doigts d’une main et où les artistes vivent plus souvent de leur intermittence à l’arrache que de leur bingo de sociétaire à la SACEM. Si ces honnêtes personnes ont acquis, à force de travail et de talent, les codes sacrés du tube pop français, s’ils les ont modelés amoureusement selon leur personnalité, à coup imparable de paroles positives et mélancoliques, de couplets brillants, de refrains calibrés et même de ponts (d’or), voire de chorus de saxophones, il faudra bien se résoudre à leur dire que des tops et des charts, ça n’existe plus vraiment. Que les singles et les albums vendus par brouette, que pouic. Ou presque. Du coup, les places sont comptées, car on sait le rap tranquille, assis son trône, sans partage. Il n’en reste pas moins que cette musique existe, qu’elle est plus profonde qu’on ne le pense, malgré son absence de « raison d’être » évidente. Continuer la lecture de « Ricky Hollywood, Le sens du sens (La Modeste Association, FVTVR records) »
Catégories mixtape
I Like 2 Stay Home #30 : Trippin’ With The Birds
Alors que nous vivons reclus derrière nos fenêtres ou bien que nous déambulons par devoir dans les rues des villes dépeuplées, une autre vie que la nôtre, elle, semble ne pas avoir été troublée par le soudain bouleversement de vous savez quoi. Dans le silence nouveau de ce brusque changement du rythme de l’humanité, le règne des oiseaux pendant ce temps là, lui, s’affirme en décibels charmants et mélodieux semblant nous faire passer délicatement le message que sans nous, un monde parallèle continue de tourner. Et pourtant, de tous temps — de Saint François d’Assise prêchant aux passereaux à la stèle ailée d’Olivier Messiaen pour d’exemples n’en dire que deux — l’interaction Homme-Oiseau a produit une multitude poétique dont l’importance laisse sans voix. La musique immémoriale de nos emplumés tant aimés — qu’elle soit imitée par voix, instruments ou machines, qu’elle provienne du chant printanier du merle ou des sifflements lointains des martinets à la fin de l’été — se retrouve à peu près partout dans la musique, elle, humaine que nous aimons tant. Alors merci à la sérendipité et à mes trois drôles d’oiseaux favoris (Thomas Schwoerer, Sébastien Trihan et Étienne Greib, qui d’ailleurs et hélas déplore l’absence de tout titre à propos de volatiles dans la discographie des Byrds) de m’avoir sifflé quelques exemples qui j’espère vous raviront autant les oreilles que moi. Continuer la lecture de « I Like 2 Stay Home #30 : Trippin’ With The Birds »
Catégories 45 tours de confinement
#30 : The Danse Society, 2000 Light Years From Home (Society Records, Arista, 1984)
Je lorgne sur certaines des listes de confinement qu’on a bien voulu me communiquer. Ad Astra, First Man, The Right Stuff (L’étoffe des héros), l’immarcescible 2001 : A Space Odyssey. Notre besoin d’évasion est impossible à rassasier – et nous pousse à maladroitement singer Stig Dagerman. Amusant comment toutes ces histoires de conquête de l’espace convoquent la claustration comme condition sine qua non. D’autres relisent Voyage autour de ma chambre, de Xavier De Maistre, et l’adoptent comme vade-mecum pour la période repliée. Ca vaut toujours mieux que Les Carnets du sous-sol, me direz-vous. Continuer la lecture de « #30 : The Danse Society, 2000 Light Years From Home (Society Records, Arista, 1984) »