« Ce qui n’est pas déchirant est superflu, en musique tout au moins. » La phrase est de Cioran mais elle illustre à merveille la nouvelle chanson de Glenn Donaldson, et dans une très large mesure tout ce qui existe sous le nom de The Reds, Pinks & Purples. The Record Player and The Damage Done – qui ressemble à s’y méprendre à une lettre d’intention – est un hommage nostalgique à toutes ces chansons qui nous ont bouleversés sans avoir la moindre expérience du vécu qu’elles accompagnent. « Je n’écris pas toujours consciemment, mais je peux tenter une interprétation de cette chanson. Pour moi, elle parle du pouvoir spirituel des disques. Je suis sûr que tu connais The Needle and The Damage Done. J’ai simplement remplacé l’héroïne par les disques. J’imagine donc qu’il y a une part d’humour noir… Mais aussi, plutôt qu’une révolution politique ou spirituelle, je préfère un morceau dévastateur qui signifie quelque chose pour moi et qui me sauvera la vie. Ironiquement, donc, mon besoin de musique est aussi spirituel. »
Catégories selectorama
Selectorama : Arab Strap

Fidèles à ce que l’on attendait d’eux, Arab Strap a effectué un retour remarquable avec le single The Turning Of Her Bones. Le morceau évoque le comeback du groupe avec l’humour qui leur est propre, sous l’angle de la résurrection et du sexe. A l’écoute de ce titre introductif, on s’est mis à rêver d’un nouvel album aventureux, ne reprenant pas les choses là où le groupe les avait laissées en 2005 avec The Last Romance. Sans tout révolutionner, As Days Get Dark passe le cap du changement haut la main. D’une dominante générale plutôt sombre, l’album sait rester aventureux sans désorienter, même lorsqu’un solo de saxo surgit de nulle part. La présence de Paul Savage, producteur historique du groupe et de certains de leurs projets solo, n’y est sans doute pas pour rien. Si Aidan Moffat et Malcom Middleton arrivent à nous mettre à genoux tant ils content le désespoir avec beauté, leurs choix respectifs pour ce Selectorama nous prouvent qu’ils ne passent pas leur temps à pleurer leur désespoir dans leurs pintes de Lager. Ils sont aussi capables de danser sur du Cerrone ou de s’émerveiller devant un solo de guitare d’Alice In Chains… Continuer la lecture de « Selectorama : Arab Strap »
Catégories sous surveillance
Sous surveillance : All-Ashore!

Qui ?
Chris : guitare et chant
Meriel : orgue et chant
Tonieee : basse et chant
Elodie : guitare et chant
Ian : batterie et tambourin
Où ?
Sheffield, Angleterre
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Catégories 45 tours, chronique nouveauté
Kim & Cléa, Quelque chose qui me chiffone / Antinomique (autoproduction)
« Chercher à mettre un rond dans un carré / Célébrer l’animal et le manger / Hidalgo dans les limbes à Paris / Y’a du sang dans les fresques d’Annie »
Il n’est jamais trop tard : je découvre en ce moment l’objet idéal de ma vocation tardive de rock-critique (et de Monsieur Du Snob, un peu) : le tout petit tirage. Si possible amical et confidentiel, il détient ce quelque chose d’humanité et de proximité qui renverse la table de l’habitude. Pressé, dupliqué, gravé, scotché, crayonné, passé de la main à la main, ou mieux, envoyé par la Poste, il exhale à une micro échelle ce petit goût de l’attente, ce parfum de découverte, cette jouissance de l’instant, tout en trouvant la quantité adéquate à son rayonnement intime. Continuer la lecture de « Kim & Cléa, Quelque chose qui me chiffone / Antinomique (autoproduction) »
Catégories mardi oldie
Vieilles gens mödernes – Hervé Paul et Floo Flash

Un quart de siècle, presque. Cela ne rajeunit personne mais je me souviens quand même. J’ai rencontré Hervé Paul un peu après avoir entendu ses chansons et, d’abord, son nom. Je me souviens de la plaisanterie qui trainait à l’automne 1997, dans les bureaux de cette maison de disques, quand il était question de son œuvre. Un autre Monsieur Paul – Henri, de son prénom – venait tout juste d’accéder à son quart d’heure de notoriété posthume en fracassant une berline et ses célèbres passagers sur le pilier du tunnel de l’Alma. Autour de la machine à café, il était même évoqué l’idée d’enregistrer un version hommage au chauffeur – Ricard In The Wind, tel en serait le titre, pour parodier le succès mondial du single larmoyant consacré par Elton John à la princesse défunte. Ça faisait sourire : il n’en fallait pas beaucoup. Mais ne nous égarons pas davantage et revenons-en à Hervé Paul. Continuer la lecture de « Vieilles gens mödernes – Hervé Paul et Floo Flash »
Catégories billet d’humeur, interview
Au commencement…
C’est le 6e arrondissement de Paris. À l’ombre du Panthéon. C’est un disquaire indépendant, un samedi après-midi, un été indien comme tant d’autres, des clients qui viennent, flâner, écouter des nouveautés (et parfois quelques classiques), boire un café. C’est l’automne 1992 et deux d’entre eux ont des têtes de vrais gamins, à tel point qu’ils ne font même pas les 17 et 18 ans que leur prête l’état civil. Quelques mois plus tôt, en février, ils ont piqué un titre d’une chanson des Beach Boys pour former un groupe. Ils ont un album de chevet, c’est Screamadelica de Primal Scream, sorti l’année d’avant. Mais pas que. Ils parlent de Pierre Étoile, de Urge Overkill, du MC5, d’Andy Weatherall. Ils ont donné un concert surréaliste en banlieue – je crois que c’était à Anthony, mais je n’en suis plus sûr, pour lequel ils avaient peint des étoiles sur leurs joues. Avant cela je crois, je me souviens de l’un d’entre eux, assis sur le bord de la scène, qui avait pleuré pendant toute la prestation touchée par la grâce du revenant Arthur Lee, à l’Européen de Paris. Ils ont trouvé en la personne de Daniel Dauxerre, disquaire, mélomane et érudit, alors bassiste de Colm et collaborateur du fanzine magic mushroom, un manager enthousiaste – et entre nous, on le serait à moins. Alors quand le journal a décidé de faire un état des lieux de la scène d’ici, il était impensable de ne pas évoquer ces jeunes gens, dont la démo venait de séduire Tim Gane et Laetitia Sadier de Stereolab, qui avaient retenu deux titres pour un double 45 tours dont personne ne pouvait prédire l’importance historique (et qui paraitra au printemps 1993). Aussi timides qu’enthousiastes, ils avaient alors répondu à ces quelques questions…
Catégories chronique nouveauté
Indigo Sparke, Echo (Sacred Bones)
Si vous avez déjà entendu le nom d’Indigo Sparke, alors il y a de grandes chances pour que vous ayez connu et apprécié la musique d’Adrianne Lenker et de son projet Big Thief. Dès 2017, la complicité intime et artistique partagée par l’Australienne et l’Américaine conduit Indigo Sparke à assurer les premières parties de Big Thief en Australie. Elle joue alors les titres de Nightbloom, son premier EP, dont le secret reste d’abord gardé de son côté de l’océan. C’est en 2019, invitée au festival texan SXSW, qu’elle se fait repérer par NPR : le Tiny Desk Concert qui en résulte, début 2020, lui augure une belle année ; avant que l’univers n’en décide autrement.
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Catégories documentaire, festivals
« Crock Of Gold, A Few Rounds With Shane MacGowan » de Julien Temple
Dans la sélection en ligne du festival, un bouleversant récit chronologique de la vie fracassée du leader des Pogues.

L’homme est un sujet idéal. Le mythe est un piège. Pour Julian Temple, il n’a donc sans doute pas été totalement aisé de concevoir ce récit filmé des boires et des déboires de l’ex-leader des Pogues. Shane MacGowan a lui-même tout fait, ou tout laissé faire plutôt, à certaines périodes clefs de son existence pour finir par être réduit à la dimension schématique et limitée d’un cartoon. Comme pour Polnareff, les déclinaisons d’un logo – stylisé sous forme de quelques accessoires pourrait amplement suffire à entretenir l’illusion visuelle d’une présence et les souvenirs lointains d’une grandeur passée : une paire de Wayfarer bien accrochée sur des oreilles surdimensionnées, une dentition poreuse dont s’échappe un ricanement aussi célèbre qu’inarticulé, cette onomatopée impossible à retranscrire, quelque part entre les soubresauts d’une boite d’écrou mal secouée et le chuintement bien imbibé d’un dernier souffle. Continuer la lecture de « « Crock Of Gold, A Few Rounds With Shane MacGowan » de Julien Temple »