Orgueil et discrétion – Martin Amis, Alex Bleeker, Robert Mulligan

Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine

Martin Amis
Martin Amis

Il y a quelques mois, comme cadeau de départ, une jeune femme m’offrait un présent inespéré : m’enfermer dans une citation. « Je suis un poète mais je ne veux pas être un poète pour d’autres. Je dévorerai mes propres poèmes et j’en vivrai. » Orgueil et arrogance, un simple résumé. Je fus comblé, mais pas que. C’est exactement ce qu’il faut se dire et saisir en lisant les quelque sept cent pages de Martin Amis. Journal, mémoire, fiction et humour, Amis mixe le tout avec une poigne indélébile – la souplesse stylistique du bonhomme est admirable. C’est vain, c’est méchant. C’est hermétique à souhait – cela se passe entre Cambridge et la côte est des États-Unis et cela veut influencer le vaste monde. Cela y parvient. Il y a un talent fou chez Amis, ce qui est rare. Il y a de l’ambition – ce qui est commun. Inside Story ne décevra pas les néophytes mais sera jugé comme prévisible par les connaisseurs. Il y a longtemps, j’étais fou du Dossier Rachel. Bonheur que de relire les anciens titres adorés grâce à cette nouvelle publication de Martin Amis. Grosse barbe, charisme atrophié et musicien de l’ombre, Alex Bleeker signe une petite enluminure de pop indé. Heaven On The Fautline est un disque d’archiviste. Mais un archiviste mélancolique adorant les Tex Avery et Pavement. Mais un Pavement débranché et jouant en direct d’une toilette sèche. Je caricature… mais cet album – qui peut paraître terne – est, en fait, sublime de discrétion. Beaucoup causeront autour des ressemblances avec une sorte de Velvet Underground pavillonnaire ou un Yo La Tengo tout sage et sans distorsions. C’est vrai, mais cela n’a aucune importance. On prendra cela comme une vacance, une cure de jouvence et autre divine parenthèse. On s’en contentera. Dans ma vie intime et professionnelle, j’ai souvent rencontré ces personnalités qui ne se contentent pas de la réalité. Elles imaginent, elles exigent. Le Roi des Imposteurs de Robert Mulligan est un film que j’aime redécouvrir. La panoplie des rôles et mensonges du personnage de Tony Curtis semble sans limite. Ou sinon, dans la limite de son immense désespoir. Mais ce goût de l’adrénaline, ce sens inné de l’improvisation ne font que soulever la vacuité des « ses victimes », de la bêtise crasse de ces personnes bloquées dans des mêmes situations, emplois et qui ne font que répéter la même mauvaise pièce. Curtis campe le rôle d’un menteur dont la bienveillance ne fait que souligner la médiocrité de ses interlocuteurs. C’est rude et vivifiant.

Inside Story de Martin Amis (Calmann-Lévy, 712 pages)
Heaven On The Fautline de Alex Bleeker (Night Bloom Records)
Le Roi des Imposteurs de Robert Mulligan (1961)

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