Le continuum du rock métronome part sans doute de l’Allemagne des années 70 avec Neu! et Can, passe par le Londres des années 90 avec Stereolab (et quelques autres oubliés comme Quickspace Supersport) et s’arrête le 13 novembre à Paris sous la forme du concert que donnent les Anglais Beak> à l’Elysee Montmartre. Dernier ? Geoff Barrow, batteur du trio, a décidé d’arrêter. Serait-ce pour reprendre les activités de son autre groupe, Portishead ? L’imagination va comme elle vient. Ce soir en tout cas, les trois musiciens alignés, comme sur un même fil de face, bassiste assis au milieu, à sa gauche la batterie, à sa droite synthés et guitare. Derrière lui parfois un musicien s’ajoute, tête couverte d’un masque de chien pour évoquer la pochette canine du dernier album du groupe. Et la musique ? La moitié du concert est dédiée au dernier disque, justement : précision et mélancolie des morceaux, détails sonores qui soulignent une forme de tristesse. Quelque chose de sombre et déstructuré mais qui avance tout de même, à la façon d’un Neu! ralenti, empêché par ses propres sentiments. Parfois Geoff parle et rigole, le bassiste aussi. On se croirait souvent en répétitif avec eux, dans leur studio. C’est tristement joyeux. Et puis l’autre moitié du concert reprend des morceaux des autres albums : c’est plus sauvage, plus direct, plus métronome encore – presque une absence de pensée, une mise en transe. Continuer la lecture de « Beak>, Messe pour notre temps présent »
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Bill Callahan, Solo Residency
Alors que l’on décroche dans les rues parisiennes les derniers vestiges d’Olympiades qu’un leader hors-sol et désavoué peine à voir s’achever, Bill Callahan prend la Bastille pour deux soirs à l’approche de l’automne. Autant dire que la fête est terminée. Sur l’affiche de sa tournée européenne (Paris, Bruxelles, Dublin, Manchester et Londres), un simple mot d’ordre : Solo Residency. Soit un euphémisme de plus pour ce texan qui, même accompagné, semble toujours bien seul sur scène. Avec son allure de comptable – parfois déguisé en cowboy de pacotille – et son regard de serial killer, Callahan ne manque pourtant pas d’humour. Plutôt noir, l’humour. On le sait capable d’emmener son public au septième fiel… Cette fois au plus près de l’os, donc. Continuer la lecture de « Bill Callahan, Solo Residency »
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Melenas de cœur
Le quatuor de Pampelune en session live filmée aux Vinzelles à Volvic par Sébastien Faits-Divers
“Sensation intense de bien-être, d’optimisme”. C’est l’une des deux définitions que donne le Larousse du nom commun féminin, euphorie. Euphorie, c’est le mot qui s’est imposé à toutes celles et ceux qui s’étaient donnés rendez-vous le 30 mars dernier aux Vinzelles, à Volvic. Un samedi soir qui ne fut pas tout à fait semblable aux autres pour le public présent – avec badge et fanzine à la clé pour les premiers arrivés, entre autres –, un public constitué de béotiens et de connaisseurs, tous conquis par la pop élastique des quatre jeunes filles de Pampelune, hypnotisés par les visuels qui semblaient rebondir sur les rythmiques acrobatiques, les notes de synthés analogiques et les mélodies ultrachics. Pendant une heure et sans rappel – comme les plus grands (Felt, Stone Roses, Mary Chain, à peu près au hasard) -, elles ont pioché dans leurs trois albums, joué leurs hits parfaits – Bang, en plein dans le mille –, repris Eisbär dans la langue de Cervantes et surtout fait, comme rarement il m’a été donné de voir, l’unanimité d’une foule devenue sentimentale, insouciante, un sourire collé aux lèvres et des étoiles dans les yeux. C’était je crois un moment rare. Continuer la lecture de « Melenas de cœur »
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Terminal 1 : décollage immédiat
On a beau vivre plusieurs vies, elles ne sont pas imperméables… Il n’y a pas d’étanchéité absolue – encore moins aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années. Encore moins lorsque la musique y occupe à chaque fois une place de choix. Pour beaucoup de gens qui ont vécu de l’intérieur les années charnières 1990 – 2000 – n’y voir aucun mérite, au delà du privilège de l’âge et de la date de naissance (le lieu peut aussi avoir son importance) –, l’événement qui s’est tenu ce mercredi 17 juillet sur le toit du Terminal 1 pour fêter les cinquante ans de l’aéroport de Roissy était une sorte d’aboutissement – comme un rêve devenu réalité, et encore, fallait-il déjà avoir fait rêve aussi grand.
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À la poursuite des spectres
Les australiens Exek sont passés par Paris hier soir, au cœur de leur tournée européenne.
Mains dans les poches, corps pris dans la réverbération, rythme élastique, casquette vissée sur une tête qui, dans l’ombre, évoque quelque chose de Bez, le danseur légendaire des Happy Mondays… la voix, pourtant, renvoie vers un autre : par moments, l’impression est forte d’entendre le fantôme raide de Mark E Smith, l’âme portée disparue de The Fall. Réminiscences anglaises, donc, mais formation australienne : ce soir Exek joue à Paris, Petit Bain, bateau sur les quais en dessous de la Bibliothèque François Mitterrand. Continuer la lecture de « À la poursuite des spectres »
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Pram, Dans les rêves des années
Jouer la musique de votre jeunesse, est-ce une option viable ? Tout dépend de la musique. Un peu plus de 30 ans après leurs premiers disques, les Anglais de Pram sont revenus jouer en France. Certains se souviennent de leur premier concert à Paris, dans l’arrière salle d’un restaurant : à l’époque, tout était de fortune, et la chanteuse avait posé son petit clavier sur une planche à repasser. D’autres ont gardé en mémoire leur passage au Batofar au début des années 2000. Tous ont en tête la beauté fragile du groupe, son sens de l’équilibre et son instinct pour les morceaux joués comme en fausses boucles humaines. Continuer la lecture de « Pram, Dans les rêves des années »
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The Apartments, Thank You For Making Me Beg (live at Les Vinzelles)
Samedi 4 novembre 2023, sous un ciel d’automne noir d’encre, Peter Milton Walsh avait posé sa guitare aux Vinzelles, un lieu dont on dit depuis quelque temps qu’il rend possible l’impossible – mais pour croire à cela peut-être faut-il y avoir vu Frédéric Lo et Bill Pritchard jouer dans la moiteur du printemps l’album Parce Que…. Ou peut-être faut-il avoir été parmi la centaine de personnes présentes samedi dernier à ce concert, pour lequel l’artiste Australien était juste accompagné à la perfection par le guitariste Antoine Chaperon. Parce que ça a été le genre de concert dont on ne peut pas sortir indemne – et dont on sait qu’il y aura forcément un avant et un après. (Ici, je pourrais sans doute parler de The Cure 1984, New Order 1985, Echo & The Bunnymen 1987, Nick Cave 1988, The Go-Betweens 1989 […], Peter Milton Walsh 2009, mais on pourrait y passer plusieurs soirées).
Si l’on avait quand même pas mal fantasmé (avouons-le) sur ce moment – qui durera plus d’une heure et demie, avec des chansons nouvelles, des classiques métamorphosés par la voix d’un Walsh au meilleur de sa forme et quelques anecdotes pince-sans-rire –, la réalité a été bien plus belle que les fruits de notre imagination. Mieux que cela : la réalité sera même beaucoup plus belle que ce que notre mémoire plus ou moins neuve nous offrira dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois. Car ce concert a été filmé par Sébastien Faits-Divers, un passionné d’images et de musique qui avait déjà croisé la route de The Apartments à Lyon il y a cinq ans – c’était aussi l’automne, la pluie et la mélancolie de couleur bleue. Sébastien a dévoilé aujourd’hui un premier extrait de ce moment comme suspendu, une version bouleversante d’une chanson écrite par Walsh à l’âge de 25 ans. Une version bouleversée qui vient prendre rendez-vous avec l’éternité.
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Au milieu, une rivière.
L’immense Brian Eno sur scène hier soir pour sa première tournée en 50 ans de carrière solo.
La musique de Brian Eno est une traversée permanente des idées, des sentiments, des apparences, du monde tel qu’il est perçu et vécu. Prise dans la pop et dans l’invention de l’ambient, elle déroule, 45 ou 50 ans après ses débuts, un entrelacs sonore qui n’a rien de nostalgique mais se déploie avec une acuité précise, élevant la façon d’entendre le monde. Ce soir à la Seine Musicale, salle qui semble hors de portée du monde, Eno a donné un concert avec grand orchestre, reprenant son album The Ship, narration chantée atmosphérique autour d’un récit marin, dont on peut tout ignorer mais qui s’impose subrepticement à vous.