J’ai écouté le futur des frères D’Addario et il s’appelle Redd Kross. Blague – et référence springsteenienne – à part, c’est une source d’étonnement et de même de perplexité qui n’est pas prête de se tarir. Pourtant, force est de constater qu’au beau milieu des foules qui s’extasient légitimement sur les performances virtuoses de The Lemon Twigs, l’évocation du nom de Redd Kross ne suscite, très souvent, qu’une indifférence embarrassée ou un haussement d’épaule qui dissimule tant bien que mal l’ignorance ou l’absence d’intérêt. Des frangins longilignes – un guitariste et un bassiste – qui secouent leurs tignasses impeccablement échevelées, attifés de panoplies rétros témoignant ostensiblement d’une maîtrise irréprochable des codes pop sous-culturels et qui brassent, par chansons de trois minutes interposées, soixante années de références musicales ? Ça ne sonne la cloche de personne ? Eh bien non, manifestement. Ou de pas grand monde. Continuer la lecture de « Redd Kross, Redd Kross (In The Red) »
Catégorie : chroniques
Catégories chronique nouveauté, selectorama
Selectorama : Mayfly Two
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Mayfly Two, c’est d’abord l’occasion de retrouver avec joie Anne Bacheley, légende discrète de la pop française anglophone des années 2000. A la tête d’une petite œuvre fais-le-toi-même plus ou moins difficile à trouver (des CDR, des œuvres numériques), elle a eu le privilège de figurer dans des listes de recommandations de Stephen Pastel himself. Bien sûr que les Pastels figurent en bonne position dans les influences de la dame, mais Anne est avant tout une âme libre qui se fiche de tout carcan et de toute étiquette. Elle écrit et compose parce qu’elle en ressent le besoin, le reste n’est pas son problème. Plutôt solitaire musicalement jusqu’ici, elle semble avoir trouvé en Chris Fox (from Dundee, 100 km au nord d’Edimbourg) un alter ego musical avec qui elle partage sa passion pour la musique et cet alias de Mayfly Two. Continuer la lecture de « Selectorama : Mayfly Two »
Catégories chronique nouveauté
Michèle Bokanowski, Cirque (Kythibong Records)
La parution il y a deux ans de Rhapsodia / Battements solaires dans la géniale série Recollection GRM nous avait convaincu du caractère décisif du travail de Michèle Bokanowski. Son passage au festival Présences électroniques aussi, avec Deuxième chambre d’inquiétude, une pièce au minimalisme peu commun. Car il faut reconnaître au parcours de Michèle Bokanowski une exigence et une cohérence à l’image de la virtuosité de son traitement du matériau électro-acoustique : profondeur et richesse des textures côtoient sophistication des timbres, et portent à leur point le plus haut une pratique du montage et de la manipulation des objets sonores. Continuer la lecture de « Michèle Bokanowski, Cirque (Kythibong Records) »
Catégories Chronique en léger différé
Clairo, Charm (Clairo Records)
En 2017/2018, la jeune chanteuse Claire Cottrill se fait connaître via internet avec ses chansons Pretty Girl ou Flamin Hot Cheetos, et la voilà devenue égérie de la bedroom pop sous le nom de Clairo. Deux albums suivent logiquement en 2019 et 2021. Clairo travaille alors avec Rostam (Vampire Weekend) sur Immunity en 2019. Le décrié faiseur de hits Jack Antonoff (Taylor Swift, Lorde, Lana Del Rey…) prend le relais sur Sling deux ans plus tard. Loin de se laisser impressionner par leurs CV, Clairo y développe une pop boisée, délicate, entre folk et indie. Pour Charm (2024), Clairo s’extirpe de cette case fort pourvue et concurrentielle, à la recherche d’autre chose. Continuer la lecture de « Clairo, Charm (Clairo Records) »
Catégories chronique nouveauté
Panorama, French Soundtracks & Rarities (Transversales)
Pendant la période 69-80 que couvre cette compilation des très consciencieux Transversales, en gros mes dix premières années sur notre petite planète, j’étais scotché devant la télé. Pas que mes parents me délaissaient, non, mais au milieu d’activités cadrées (devoirs, football puis handball), je m’abandonnais devant le petit écran en noir et blanc de l’appartement de la rue de Ferrette à Belfort (au 47, si vous voulez tout savoir). De la bande-son de la lucarne, j’en ai soupé, génériques d’émissions, musiques d’interludes, bandes originales de séries, téléfilms et magazines, j’en ai gardé un souvenir assez grisaille. Je ne sais pas si les compositeurs de l’époque, que j’imaginais en blouse grise de laborantins, étaient des gros flippés de la vie, mais leur musique me fichait plutôt les chocottes, voire carrément les boules, ou peut-être que j’étais déjà trouillard et mélancolique. Il y avait en tous cas un sentiment d’étrangeté et d’inquiétude que me transmettaient ces musiques de la télévision publique, un truc de sérieux, lié aux sciences, à l’histoire ou à la conquête spatiale, avec des synthés inquiétants qui hululaient parfois comme dans des films d’horreur. On ne peut pas dire qu’on s’éclatait au Sénégal. C’est toute cette nostalgie un peu hantée que je m’apprêtais à éprouver à l’écoute de ce disque, égaré que j’étais par ce très bel emballage de l’impeccable graphiste Jean-Philippe Talaga (que j’avais interviewé dans la section Papivole, il y a quelques années) qui joue avec les formes de l’ancien logo de TF1, alors première chaîne publique.
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Catégories chronique réédition, mardi oldie
Aerial M, The Peel Sessions (Drag City)
En écoutant d’une oreille volontairement inattentive cette Peel Session de David Pajo enregistrée en mars 1998 et parue enfin ces jours-ci avec une pochette respectant à dessein la charte graphique assez problématique du label Strange Fruit qui en publia une palanquée au mitan des années 80*, l’on s’aperçoit que l’inattention préalable ne peut pas être de mise bien longtemps. Par l’amitié brisée par balle auto-infligée d’un ami parti il y a 5 ans déjà. Et qui était fan de Slint à un niveau expert. Où que tu sois mon vieux Jac, ce disque t’aurait plu sous toutes ses coutures et j’aurais tant aimé me réjouir de cette petite mais assez dense demi-heure en ta compagnie. D’autre part, parce que Pajo y règle un certain nombre de comptes avec son passé avant de commettre un (autre) très grand disque sous le nom de Papa M, Whatever Mortal (2001). Et qu’à la jonction des deux, il arrive également à se joindre temporairement à ses anciens collègues Brian McMahan et Britt Walford sous bannière The For Carnation. Continuer la lecture de « Aerial M, The Peel Sessions (Drag City) »
Catégories chronique nouveauté
Horse Jumper of Love, Disaster Trick (Run For Cover Records)
Quand on a la chance de partir, l’été est souvent ce moment où l’on délaisse, malgré nous, nos habitudes musicales. On se retrouve à écouter la musique des endroits où l’on va et la musique des autres, surtout. Elle devient un fond sonore, quand elle n’est pas carrément subie. J’ai des souvenirs, ado, en vacances en famille et sans portable, du soulagement physique ressenti lorsqu’une chanson que j’aimais passait enfin à la radio. C’est l’effet que m’a fait Disaster Trick, le cinquième album de Horse Jumper of Love paru à la mi-août.
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Catégories chronique réédition, mardi oldie
Mark Lanegan, Bubblegum XX (2004, rééd. Beggars Arkive)
Cinquième album de Mark Lanegan, Bubblegum (2004) est une rupture dans la discographie de l’ex-Screaming Trees. La carrière solo de Mark Lanegan commença au final comme un accident. Enregistrant des reprises avec Kurt Cobain et Kris Novoselic, Lanegan sortit en catimini en 1990 The Winding Sheet grâce à une avance de Sub Pop. Ce disque est sec comme un coup de trique et décharné à l’extrême. Mais sans s’en rendre compte, Mark Lanegan venait de débuter une nouvelle carrière avec évidemment de nouveaux ennuis. L’enregistrement du disque suivant, Whiskey for the Holy Ghost (1994), dura des années et fut un cauchemar pour le label ainsi que pour les ingénieurs du son qui osaient s’approcher de la console. Sur ce disque, comme sur les trois suivants, Lanegan traçait sa voie bordée par les ombres de Jeffrey Lee Pierce et de Johnny Cash. Ce dernier, séduit par l’âme noire de ce grand échalas, lui proposa d’ouvrir pour lui lors d’une de ses tournées américaines. Johnny Cash, le Gun Club… Toutes ces références vont être mises en arrière plan avec Bubblegum. Lanegan casse son jouet (une habitude) pour se créer une nouvelle identité. Continuer la lecture de « Mark Lanegan, Bubblegum XX (2004, rééd. Beggars Arkive) »