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Rock alternatif : le long remord

Berurier Noir, 7 février 1987, Salles des Fêtes d’Arcangues / via leur tumblr

Le confinement a eu ses effets indésirables. Nous allons évidemment devoir survivre à la vague des romans auto-introspectifs de circonstance, sans oublier tous ces albums réalisés « chez soi » qui se prendront pour des Basement Tapes ou du DIY. Pour beaucoup de ma classe d’âge, qui gravitent désormais dangereusement autour de la cinquantaine – car je ne suis pas un cas isolé –, ces deux mois et demi se révélèrent également un terrible moment pour revisiter notre si petite histoire, notre autobiographie musicale façon Haute Fidélité (ce livre terrifiant parce que si mauvais et tellement juste). Ressortir les vieux dossiers, solder les comptes personnels et inévitablement subir la visite des vieux souvenirs qui ne s’invitent jamais quand il le faut… Et découvrir tardivement qu’on ne choisit pas les disques de sa jeunesse. Parce que quelque part, nous appartenons à une génération sacrifiée, celle qui eut entre 15 ans et 25 ans dans les années 1980 et pour qui le rock alternatif fut un passage obligé, un rite initiatique (pardon Claude Lévi-Strauss ou Marcel Mauss), que cela plaise ou non, que cela fasse ou non joli dans une discussion entre érudits pré-deezer que nous sommes tous devenus. Ou bien que cela sonne creux pour les lecteurs des Inrocks ou de la RPM. Continuer la lecture de « Rock alternatif : le long remord »

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Prefab Sprout, le voyage immobile

Les 35 ans de album « Steve McQueen »

Prefab Sprout

Quand tu es ado dans une contrée où les climatologues avertis sont persuadés que l’hiver est aussi doux qu’à Verkhoïansk, tu comprends rapidement pourquoi les années 1980 sont faites pour toi. Ça tombe bien, la Grande-Bretagne regorge de groupes qui tirent la tronche. Les mecs ont une excuse bien légitime : ils viennent de choper Maggie – mais ils ne savent pas encore que c’est pour un paquet d’années. Et pour appréhender la complexité de cette nouvelle réalité géopolitique anglaise, il existe donc un cas d’école. Continuer la lecture de « Prefab Sprout, le voyage immobile »

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Un été 85

Robert Smith

Si ce matin-là, j’ai cliqué pour lancer la bande-annonce qui est apparue en jouant des coudes entre les posts de mes amis – réels ou virtuels, peu importe puisqu’on finit par apprendre que tout n’est pas aussi simple que cela –, ce n’est pas parce que j’étais familier de l’œuvre du cinéaste – et même pire encore : je ne crois pas avoir vu en entier un seul film de François Ozon et je ne saurais dire à ce moment de ma vie si c’est un vrai manque. Alors, si j’ai cliqué pour lancer la vidéo, c’est parce que le titre du long-métrage avait le gout parfait d’une madeleine de Proust. Été 85. Ça a été comme un pressentiment : je savais qu’il allait forcément se passer quelque chose, quelque chose qui allait me mettre sens dessus dessous. Ça n’a pas tardé. C’est arrivé à la dixième seconde. Continuer la lecture de « Un été 85 »

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La stagione è gia passata *

Au sujet de Rococo, de Fabio Viscogliosi (2019, Objet Disque)

C’est un disque sorti il y a longtemps déjà, au milieu de l’automne 2019. C’est une musique qui écrit l’entre-deux, l’entre-deux saisons par exemple. Une musique de fin d’été qui réactive en moi, à chaque écoute, de façon nette et immédiate, la mémoire et les images d’un lac. Continuer la lecture de « La stagione è gia passata * »

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La mort, difficile.

Trey Gruber
Trey Gruber

En écoutant Jess de Trey Gruber, je me suis dit – voilà une chanson pour baignoires tristes. Ce type de baignoire définitivement délaissée du corps aimé, un corps qui résonne encore contre l’émail et en parfume, par instant, les contours blanc cassé. Peau regrettée, peau du souvenir qui s’éteint lentement, trop lentement. En écoutant Jess de Trey Gruber, je me suis dit – le tonnerre, à présent, tonnera toujours avec les battements du coeur. Voilà ce que je me suis dit, en imaginant la vie Benjamin Trey Gruber ; ce jeune homme qui, avec son groupe Parent, hantait bien des soirs le Thalia Hall à Chicago. Continuer la lecture de « La mort, difficile. »

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Ariel Pink’s Haunted Graffiti – La couleur tombée du ciel

Ariel Pink

Quinze années ont passé depuis leur sortie sur le petit label d’Animal Collective, leur beauté crépusculaire reste intacte et leur pouvoir de fascination aussi mystérieux. Les trois « premiers albums » d’Ariel Pink’s Haunted Graffiti (The Doldrums, House Arrest et Worn Copy) font l’objet d’une réédition salutaire et luxueuse chez Mexican Summer. Toutefois, le silence qui les accompagne en 2020 semble aussi coupable que celui qui a entouré leur naissance en 2004. Continuer la lecture de « Ariel Pink’s Haunted Graffiti – La couleur tombée du ciel »

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« La Brune et moi » : Les désirs font désordre

Petit film mais parfum de soufre et légende tenace pour ce témoignage du Paris punk de 1979.

« La brune et moi » de Philippe Puicouyoul (1979)

Sans s’engager sur un terrain glissant du genre “le confinement avait du bon”, la Cinémathèque française a proposé dès début avril sur sa plateforme baptisée Henri (en référence à son fondateur Henri Langlois) un certain nombre de films de patrimoine ou de documentaires – courts ou longs, à raison d’un par jour – plutôt que, au hasard, Joker, pour d’évidentes raisons juridiques. Entre témoignage documentaire et fiction musicale, le moyen-métrage La Brune et moi de Philippe Puicouyoul (1980), son unique réalisation d’une durée de 50 minutes, sorti dans une seule salle à Paris le 24 avril 1981 et retiré de l’affiche après une semaine d’exploitation avec 570 spectateurs, a beau se vouloir une œuvre de fiction ; mais c’est plutôt pour son aperçu de la scène musicale française de 1979, l’année de ses trois semaines de tournage, que ce « petit film » continue à fasciner.

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Providence

Impressions sur le nouveau titre de Chevalrex sorti aujourd’hui.

Pochette du prochain album de Chevalrex, « Providence » (Objet Disque / Vietnam) à paraître en 2021.

C’est un printemps où la lenteur se mêle à l’impatience, c’est un printemps où les corps restés longtemps captifs n’aspirent qu’à retrouver la rue à nouveau vivante, les visages souriant à l’ombre des terrasses, les silhouettes dansantes dans la nuit qui descend. C’est un printemps pour se rencontrer et se plaire, et laisser derrière nous ce qui déborde de colère et de haine, c’est un joyeux recommencement. C’est un printemps qui ressemble déjà à l’été où le soleil s’applique à nous réchauffer le cœur et nous piquer les yeux, où le thermomètre affole la température de nos peaux d’un désir caniculaire. C’est une chanson qui s’écoute en boucle, une chanson qui nous tourne autour, une chanson sucrée et obsédante. C’est l’histoire de l’amour qui débarque soudain et qui nous prend par la main et par surprise. C’est beau, c’est si beau, on ne le sait pas encore et pourtant c’est déjà là.  Continuer la lecture de « Providence »