Faute avouée est-elle toujours à moitié pardonnée ? Avec Peter Doherty, malgré une très sérieuse anglophilie musicale, je n’avais connu jusqu’à présent que des rendez-vous manqués. Même sa liaison avec Kate Moss ne m’avait pas convaincu de m’intéresser de plus près à ses chansons avec ou sans (je suis) Libertines – parfois à raison sans doute, mais j’imagine bien souvent à tort. Il existait jusqu’ici une seule exception notable, ce single de Wolfman si joliment intitulé For Lovers, une de ces ballade dépenaillées dont on ne sort jamais tout à fait indemne. Avec le Français Frédéric Lo, en revanche, on s’est souvent retrouvés : pour Crèvecœur bien sûr (Inutile Et Hors d’Usage jusqu’à la fin des temps), pour le beau disque avec Bill Pritchard (la très jolie balade Luck, en duo avec Étienne Daho ; la pop sautillante de Digging For Diamonds, qui reste dorénavant comme l’un des meilleurs titres de Madness circa 1985) et puis, pour quelques passions partagées aussi – l’album Voilà Les Anges de Gamine, au hasard et en souvenir d’une soirée d’automne clermontoise, passée accoudés à un bar de la vieille ville. Continuer la lecture de « Peter Doherty & Frédéric Lo, The Fantasy Life Of Poetry & Crime (Strap Originals) »
Auteur : Christophe Basterra
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Broadcast : Bande à part

Alors que Warp Records vient tout juste de rééditer trois disques du groupe le plus magnétique de Birmingham dont la disparition brutale, il y a onze ans déjà, de la chanteuse Trish Keenan a sans doute contribué quelque part à cette accession du groupe à une forme de postérité, nous avons choisi de republier cette interview parue il y a 25 ans dans la RPM. Au moment de la sortie de Work And Non-Work, une compilation des trois premiers singles / EP avant leur signature chez Warp, Christophe Basterra rencontrait Broadcast au grand complet lors d’un concert dans une salle londonienne.
L’une des plus belles surprises de cet été nous vient d’Angleterre. Après trois singles enchanteurs et mystérieux distribués au compte-goutte, Broadcast – une jeune fille et quatre garçons – réalise aujourd’hui via Warp Work And Non-Work, une compilation essentielle et désespérément belle. Un univers imaginaire, un charme crépusculaire : telle est la musique de Broadcast, plus beau fleuron d’une scène post-pop qu’il faudra surveiller de près. Continuer la lecture de « Broadcast : Bande à part »
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Franz Ferdinand, darts entertainment !

Je me souviens du choc. Un matin d’automne avec les rues encore noires, à l’époque parisienne où la cigarette précédait le plus souvent le café, à l’époque de la télé qu’on allumait parce que M6 (je crois que bien que c’était M6) diffusait des clips de groupes indie – enfin, à peu près – avant de partir travailler – enfin, travailler… Ce matin-là donc, j’ai entendu la guitare avant de voir les images et je suis resté interdit. Parce que tout est venu se bousculer et les souvenirs se sont succédés en flash – pêle-mêle, l’école Postcard Records, les montagnes russes rythmiques chères à Orange Juice, à Josef K, l’adolescence dans la Résidence, les cassettes vierges, les échanges de disques achetés à Paris – grâce à une mélodie en caoutchouc et un refrain suffisamment obsédant pour qu’on veuille réécouter la chose. En boucle. La suite de l’histoire, qu’on découvre vitesse grand V, est comme parfaite : Glasgow, Domino, une ribambelle de chansons fulgurantes en mode Dorian Gray, l’influence du constructivisme russe et même le passé d’Alex Kapranos – qu’on découvrira sur le tard — n’a pas freiné l’excitation accompagnant cette découverte qui rappelait – déjà à l’époque – qu’on n’était toujours pas prêt / près de ne plus avoir 20 ans – ça n’a toujours pas changé depuis, pour le meilleur et pour le pire…
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Catégories chronique nouveauté
Studio Electrophonique, Happier Things (Violette Records)
Il y a le rose des lettres qui sent bon le parfum du bubblegum. Il y a l’élégance de la typographie qui évoque quelques autres disques que l’on chérit depuis longtemps – des disques de Factory, oui, mais de Tamla Motown aussi. Il y a des notes de pochette au verso – et depuis les premiers disques de The Style Council, on sait qu’au même titre qu’une chanson, une mélodie ou quelques mots glissés dans un refrain, elles peuvent changer une vie (ou au moins quelques années d’une vie et entre nous, ce n’est déjà pas si mal). Il y a les titres de chansons qui semblent en annoncer la couleur (et parfois la douleur), mais on ne l’apprendra qu’un peu plus tard, ce sont souvent des chausse-trappes. Il y a toujours ces titres de chansons qui, croit-on, font des clins d’œil appuyés à un univers qu’on croyait être le seul à partager – parce que dès avoir lu All-Time Biggest Fans, sont venus à l’esprit ces quelques mots-là : “I’m your biggest fan cos’ you don’t give a damn”… Il y a, de part et d’autre de la Manche, ces ainés qui ont baissé la garde dès les premières notes, deux types pas nés de la dernière pluie et auxquels (après tout) on a le droit de reprocher beaucoup mais sans doute pas la presque perfection de leurs gouts musicaux et de leurs coups de cœur – Étienne Daho et Richard Hawley. On a connu pire comme thuriféraires. Et il y a James Leesley. Continuer la lecture de « Studio Electrophonique, Happier Things (Violette Records) »
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Lonny, Ex-Voto (Horizon)
Dès le premier coup d’œil, sans même en avoir écouté la moindre note, il y a des disques dont on devine qu’ils ne vont pas nous décevoir. Dont on devine qu’on va en tomber amoureux. Des disques où il n’y aura pas de chansons qui mentent, de chansons qui prennent la fuite sans crier gare, de chansons qui s’étirent pour mieux cacher le vide.
Au départ, il y a donc une pochette. Une peinture, un portrait façon plan américain – découvert un matin de peu de lumière au détour d’un post par le graphiste responsable de ce petit miracle. Un portrait qui est celui d’une jeune femme, dont le regard grisé et la bouche légèrement entrouverte laissent entendre qu’elle est perdue dans ses pensées – et pas forcément roses, les pensées. Au départ, il y a aussi un titre. Ex-Voto, un joli mot parce qu’après tout, au-delà de sa consonance religieuse, il symbolise l’espoir – l’espoir que certains vœux, parait-il, finissent par s’accomplir. Ce sont ces signes-là qui font qu’on se dit que “ce disque-là, il est pour moi”. Continuer la lecture de « Lonny, Ex-Voto (Horizon) »
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IndieSide, l’élégance vraie

Si beaucoup d’entre nous sont devenus avec le temps familiers de la Movida, peu savent qu’au début et au mitan des années 1990 la scène indépendante espagnole a connu une effervescence assez folle, où le bruit, les mélodies, les structures indie, la techno intelligente et la mélancolie fricotaient avec candeur et insouciance… Un joli projet de livre de photos a pour ambition de rappeler tout cela. Continuer la lecture de « IndieSide, l’élégance vraie »
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The Parrots, Dos (Heavenly Recordings / PIAS)
La dernière fois que j’ai vraiment prêté attention à leurs chansons, c’était en 2019, dans la moiteur d’un été madrilène, pendant un festival où je m’étais rendu avec une femme pour voir The Cure. Je ne connaissais pas grand-chose de ces gars-là : une reprise très addictive d’un hit reggaeton (!) – Soy Peor, le temps d’une version à faire passer les Happy Mondays pour les Petits Chanteurs à la Croix de Bois –, des accointances avec les filles de Hinds – voir et revoir le clip de Davey Crockett (une reprise de Thee Headcoats, je le précise car sinon Etienne et Bertrand, parmi les meilleurs d’entre nous, pourraient avoir envie à très juste titre de me casser le figure alors que je suis plutôt un pacifiste) – et le fait qu’un ami pour la vie était tellement persuadé de leurs talents qu’il s’est entiché de leur destinée – et cet ami-là s’est rarement trompé pour ces choses-là (et pour d’autres aussi). Continuer la lecture de « The Parrots, Dos (Heavenly Recordings / PIAS) »
Catégories borne d'écoute
The Reds Pinks & Purples, Don’t Come Home Too Soon (Tough Love Records)
Il y a des groupes comme ça. Des groupes qui sont comme taillés sur mesure, des groupes dont on sait déjà qu’ils ne nous décevront pas – et entre nous, il n’y a que des groupes pour réussir ça. Xavier, l’ami qui m’a fait écouter les chansons de ce type-là pour la première fois (parce que oui, pour celles et ceux qui n’auraient vraiment pas suivi, cette histoire, c’est avant tout l’histoire d’un homme seul, Glenn Donaldson), aurait sans doute résumé tout cela mieux que moi, aurait bien mieux dit la fausse légèreté de ces mélodies qu’on connait par cœur avant même de les avoir écoutées… Mais voilà, Xavier n’est pas là et c’est à moi de rappeler que justement, en matière de cœur, The Reds, Pinks & Purples ne fait jamais les choses à moitié, comme sur ce nouveau single à peu près parfait pour ponctuer l’été indien et annonciateur d’un quatrième album à paraitre le 4 février 2022.
Alors, en trois minutes et treize secondes (environ), quand bien même on s’était juré qu’on ne se laisserait plus prendre, Don’t Come Home Too Soon (ce titre, une fois encore) porte haut les couleurs de la mélancolie en donnant une idée assez précise de comment auraient pu sonner certaines des plus belles chansons de The Field Mice (toutes, donc) reprises par St. Christopher. C’est vous dire la splendeur des ébats.