Tout l’été, les morceaux qui ont sauvé notre adolescence.
« Eureka » de Jim O’Rourke sur le clavier de Chevalrex.
Valence. Hiver 1999. Je suis en 1ère littéraire dans un lycée en périphérie de la ville, une classe de vingt-cinq filles et trois garçons. J’habite à dix minutes en voiture. Tous les matins, mon père m’y conduit. En vrac, les yeux encore collés, les cheveux en épis, j’interromps la matinale de RTL en glissant mes cassettes dans l’autoradio. Nous écoutons les groupes que j’écoute déjà en boucle à la maison et dont les images tapissent les murs de ma chambre, Pavement, Smog, Little Rabbits, Cat Power ou Dominique A. Avec leurs chansons, leurs voix singulières, ces musiciens laissent entrevoir à l’adolescent solitaire que je suis une possibilité : trouver sa voie, sa musique, sa langue. Continuer la lecture de « Stranger Teens #28 / Guest : Chevalrex »
2021, année post pandémie (nous y serions, de fait, encore de plain-pied), pré-électorale avec de grosses gouttes inquiétantes qui coulent de nos tempes à nos pieds. L’angoisse molle est devenue prégnante, se carapatant tel un hérisson, mi-douceur recluse, mi-picots acérés. Il nous reste donc, et toujours et merci bien, l’improbable mais gigantesque évasion de nos disques de l’année. S’échapper, tisser un lien avec le cosmos, prendre la poudre d’escampette ? Plutôt deux fois qu’une, en effet. De déconstructions victorieuses (Dean Blunt, incontestable, Aquaserge, enfin bouleversants) en retour inespérés (Arab Strap, Cheers mate(s) ou encore Saint Etienne, jamais aussi beaux qu’en roue libre), d’un Cap Canaveral à priori improbable mais qui fait finalement l’unanimité (Floating Points et Pharoah Sanders), c’est bien la porte des songes, de l’intime, de l’eminemment personnel qui semble remporter les suffrages, en en attendant d’autres, bien plus préoccupants. Quelques valeurs sûres jamais fiables (Low, importants mais moins que la dernière fois), toujours vertes (Mica Levi, reine du passe passe glorieux) de nouveau arrivants (Dry Cleaning, Bobby Would aussi bien sur disque qu’IRL) et des valeurs sures (Sufjan, toujours premier de la classe, salut Agnan) et au final un semblant de diversité, libre, démissionnaire (Mendelson, adieu et merci pour tout). Celle qu’on nous vendra surement au rabais dans les mois à venir (à moins de 160 boules, tkt) et ce pourquoi nous sommes là pour faire office de PASSEURs et savourer de concert (sous réserve) DE LA MUSIQUE PAS COMME LES AUTRES, pour faire un clin d’oeil à ceux qui se la coulent parfois douce à Biarritz, sachez qu’en 2022, en marge ou en direct du chaos, nous resterons, même en apesanteur et même s’il faut partir très très loin, fidèles au poste (ACR en force).
Etienne Greib
01. DEAN BLUNT, Black Metal 2 (Rough Trade) 02. FLOATING POINTS, PHAROAH SANDERS & THE LONDON SYMPHONY ORCHESTRA, Promises (Luaka Bop) 03. BOBBY WOULD, World Wide World (Saddle Creek) 04. ARAB STRAP, As Days Get Dark (Rock Action Records) 05. DRY CLEANING, New Long Leg (4AD)
Retour sur la route des tournées pour les montréalais SUUNS, partis défendre ce cinquième album The Witness face à un public enfin retrouvé. En presque 15 ans d’existence, le groupe est désormais devenu un trio après le départ du claviériste Max Henry, présent depuis leurs débuts. Cette fois, ils ont travaillé en symbiose avec leur époque, en auto-enregistrant et autoproduisant ces huit titres pendant l’année noire, en 2020. Le résultat dénote, surprend, et nous envoie dans une sorte d’écho à ce monde parallèle vécu, où tout s’est ralenti et confiné. Mélodies minimales et éthérées, tempos ralentis, tout prête à l’introspection. Pour ce nouveau chapitre, ils ont accepté de nous livrer quelques-unes des clés de leur univers.
Découverts par Michel Records sur leur terre natale québecoise, le quatuor Bleu Nuit avait sorti un premier album avant la vague en 2019, Le Jardin des Mémoires, par l’entremise des parisiens Requiem Pour Un Twister. De retour avec un second album, Metal sortira le 5 novembre chez le label strasbourgeois October Tone. Toujours en français dans le texte – saluons ce qui parait toujours comme une audace -, le single Météore atterrit en premier lieu pour planter le décor. C’est probablement, comme pour beaucoup d’artistes, les conditions d’écriture qui l’ont conditionné. L’exiguïté d’un studio minuscule en temps de pandémie a noirci le propos, toujours entre art-rock, post-punk et new wave, avec cette petite touche pop qui n’est pas pour déplaire.
Métal de Bleu Nuit sortira le 5 novembre chez October Tone.