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Mo Troper, Dilettante (Bobo Integral)

Dilettante. Le mot est lâché. Comme un paradoxe, si on entend par là l’incapacité d’accomplir, par défaut de volonté ou de ténacité, le travail artistique jusqu’à son terme. Quatre albums – et même un peu plus – en cinq ans : Mo Troper n’est manifestement pas de ceux qui rechignent à l’effort. Généralement adepte de la basse fidélité, le musicien de Portland s’était même risqué pour son précédent album – Natural Beauty (2020) – à gommer quelques aspérités sonores et à peigner quelques-unes des mèches rebelles de ses chansons ébouriffées. Le résultat était en tout point remarquable – du Jellyfish en cure d’austérité budgétaire, pour résumer – mais était passé à peu près totalement inaperçu en plein printemps confiné. Déçu et sans doute un tantinet frustré, Troper s’en est retourné à ses premières passions bricolées. En Dilettante, donc, au sens le plus noble du terme, puisqu’il s’agit ici de vivre plusieurs vies pour composer plusieurs albums à la fois. S’engager dans l’impulsion du moment, accompagner en amateur la sensation isolée ou l’impression éphémère qui s’élèvent au rang d’expérience artistique. Et ce vingt-huit fois de suite. Vingt-huit, c’est bien le nombre de morceaux enregistrés à domicile en moins d’une semaine qui composent donc ce kaléidoscope musical touffu et fascinant. Continuer la lecture de « Mo Troper, Dilettante (Bobo Integral) »

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Andrew Taylor And The Harmonizers, Andrew Taylor And The Harmonizers (Rock Indiana)

Écouter les mêmes notes ; ressasser les mêmes mots : depuis vingt ans, Andrew Taylor compose des chansons magnifiques et trop peu de gens s’en soucient. Le résumé des épisodes précédents tient donc en une seule sentence lapidaire et ce n’est sans doute la publication de ce nouvel album, vendredi prochain, qui infléchira radicalement la suite du récit. Rien ici n’est fait pour déjouer l’implacable réalisme des prévisions ni même les attentes des rares impatients, déjà séduits par l’œuvre considérable du petit maître écossais et de tous ses alias – Dropkick, The Boy With The Perpetual Nervousness. Continuer la lecture de « Andrew Taylor And The Harmonizers, Andrew Taylor And The Harmonizers (Rock Indiana) »

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Peter Holsapple (The dB’s) : « Je crois que quand R.E.M. a triomphé, nous avons tous triomphé. »

Peter Holsapple / The dB's
Peter Holsapple / The dB’s

The dB’s est toujours apparu comme un groupe interstitiel, de ceux dont l’œuvre, considérablement sous-estimée pendant bien des décennies, se niche dans ces anfractuosités confidentielles qui échappent à bien des classifications réductrices : entre les genres – ni totalement punk ou new-wave, ni vraiment power-pop ; entre les époques ou les scènes. C’est sans doute ce qui a conféré au quartette fondé à New-York en 1978 par Chris Stamey et Peter Holsapple ce statut un peu particulier. Un groupe culte, sans doute. Mais surtout, un maillon essentiel dans la succession des générations qui structure l’histoire de la musique américaine. C’est en effet dans les premiers albums des dB’s – et particulièrement dans les premières démos du groupe, saisissantes de vitalité, rééditées cet automne sur I Thought You Wanted To Know 1978-1981 – que se trouvent à la fois les prolongements du garage-rock des années 1960 et de ces mélodies qui ont surgi sous les doigts d’adolescents encore sous le choc de la British Invasion et les prémisses de l’indie-rock des années 1980. Après avoir contribué à briser quelques barrières, Holsapple et ses camarades se sont fait déborder ensuite – avec une complaisance confraternelle souvent appréciable – par les jeunots qui se bousculaient sur leurs traces de R.E.M. à Yo La Tengo. Il ne leur en tient aucun grief, bien au contraire. Et c’est avec une bonhomie enjouée qu’il accepte de revenir sur un engagement musical qui s’étale désormais sur six décennies. Continuer la lecture de « Peter Holsapple (The dB’s) : « Je crois que quand R.E.M. a triomphé, nous avons tous triomphé. » »

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Mark Tranmer (Gnac) : Discographie commentée

Mark Tranmer
Mark Tranmer

Depuis plus de trois décennies, Mark Tranmer est demeuré présent dans bon nombre des histoires musicales qui ont compté à nos yeux. Des histoires de petite dimension : celles, si précieuses, qui sont faites de souvenirs intimes ou collectifs ; celles qui occupent une place considérable dans une vie où l’essentiel semble, un peu plus chaque jour, constitué de l’assemblage de ces détails. La première fois, il était sur scène un soir de février 1990 – le premier concert partagé avec ma future femme, cela compte forcément – pour le festival Sarah Records. Quelques années plus tard, il y a eu ce concert de The Montgolfier Brothers – ce duo si mémorable avec feu Roger Quigley qu’Alan McGee avait comparé à une version de Durutti Column avec Ian Curtis au chant – sur une péniche parisienne où le public était presque exclusivement constitué d’amis futurs et de relations à venir, dont bon nombre de collaborateurs de la Revue Pop Moderne et de soutiens, proches ou lointains, des années de passion musicale partagée, jusqu’à ce jour. Continuer la lecture de « Mark Tranmer (Gnac) : Discographie commentée »

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Sous Surveillance : Alex Pester

Alex Pester
Alex Pester

Qui ?

Une bouille d’angelot à peine sorti de l’adolescence ; un talent d’un autre âge : à vingt ans, Alex Pester compose, arrange et interprète seul des chansons comme on ne croyait plus pouvoir en entendre. Un vieux Mac de 2011 équipé de GarageBand, quelques instruments : il ne lui en a pas fallu davantage pour commencer à dessiner les contours d’un univers intime aux frontières du folk et de la pop baroque. Il semble y jouir d’une liberté presque sans limite, comme en témoignent les quatorze minutes de Love On Our Shoulders, cette suite invraisemblable publiée il y a quelques semaines où les violoncelles classiques s’entremêlent aux fragments instrumentaux émancipés tout droit sortis d’un vieux disque de Soft Machine. Selon ses propres dires, son épiphanie personnelle a eu lieu lorsque, à treize ans, il a déniché une copie de Bryter Layter de Nick Drake (1970), égarée dans les rayons d’un grand magasin Sainsbury’s. Continuer la lecture de « Sous Surveillance : Alex Pester »

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Rachel Love (Dolly Mixture) – Amour éternel

Rachel Love
Rachel Love

Au début, elles étaient trois. Trois lycéennes de Cambridge toutes pressées de s’insinuer dans les interstices musicaux entrouverts par le séisme du Punk. Sous le nom de Dolly Mixture, Debsey Wikes (basse), Rachel Love (guitare) et Hester Smith (batterie) ont hissé à des hauteurs durablement appréciables l’étendard d’un amateurisme adolescent et éclairé, laissant derrière elles un héritage dont la maigreur quantitative – une poignée de singles et une double compilation de démos publiée à titre posthume – n’a cessé de contraster, plus intensément encore au fil des décennies, avec l’importance esthétique. C’est, en effet, dans cette fusion originale entre la féminité flamboyante et assumée des Shangri-La’s et l’énergie mélodique rafraichissante des Buzzcocks ou des Undertones qu’une bonne partie des disciples autoproclamés de ce trio éphémère ont commencé à puiser, quelques années plus tard, une bonne partie de leur inspiration. Continuer la lecture de « Rachel Love (Dolly Mixture) – Amour éternel »

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Ian M Bailey, Songs To Dream Along To (Kool Kat Musik)

Comme souvent, tout est affaire, ici, de proximité et de connections fortuites. Entre les co-auteurs de cet album, en premier lieu, mais pas uniquement. Il y a quelques mois, Daniel Wylie évoquait au cours d’une interview estivale l’imminente publication d’un album cosigné avec un certain Ian Bailey. De ce dernier, on ignorait à peu près tout : quelques maigres indices ça et là, dont un album publié avec Charlotte Newman au sein de The Lost Doves – Set Your Sight Towards The Sun, 2020. L’automne est arrivé et Songs To Dream Along To avec lui, comme annoncé. On y reconnait d’emblée la patte coutumière du leader de Cosmic Rough Riders, son sens toujours captivant de l’accroche mélodique chaleureuse. Au-delà de ces retrouvailles ponctuelles avec la familiarité d’une œuvre chère, il y a quelque chose d’immédiatement accueillant dans cette première collection de onze chansons qui semblent toutes habitées par l’esprit de ceux qui ont construit, au fil des décennies, ces improbables ponts musicaux transatlantiques entre l’Ecosse et l’Amérique. De Teenage Fanclub à Dropkick, ils peuplent tous notre Panthéon personnel qui abrite donc un nouveau venu. Continuer la lecture de « Ian M Bailey, Songs To Dream Along To (Kool Kat Musik) »

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The Brothers Steve, Dose (Big Stir Records)

C’est l’une des nombreuses vertus de la somme imposante que Simon Reynolds a consacrée à ce genre musical – Shock And Awe (2016, traduction française publiée chez Audimat l’an dernier) – que de souligner à quel point le Glam s’articule, dans bon nombre de ses embranchements foisonnants, avec le monde de l’enfance et les plaisirs encore naïfs de l’imaginaire. Les trois minutes réglementaires de la chanson pop comme point d’accès privilégié à un arrière-monde plus lumineux, plus coloré et dont l’inauthenticité même garantit la valeur toute particulière. C’est un peu de cette quête passionnée des artifices insouciants que l’on retrouve dans le second album de The Brothers Steve. Continuer la lecture de « The Brothers Steve, Dose (Big Stir Records) »