The Brothers Steve, Dose (Big Stir Records)

C’est l’une des nombreuses vertus de la somme imposante que Simon Reynolds a consacrée à ce genre musical – Shock And Awe (2016, traduction française publiée chez Audimat l’an dernier) – que de souligner à quel point le Glam s’articule, dans bon nombre de ses embranchements foisonnants, avec le monde de l’enfance et les plaisirs encore naïfs de l’imaginaire. Les trois minutes réglementaires de la chanson pop comme point d’accès privilégié à un arrière-monde plus lumineux, plus coloré et dont l’inauthenticité même garantit la valeur toute particulière. C’est un peu de cette quête passionnée des artifices insouciants que l’on retrouve dans le second album de The Brothers Steve.

Au commencement de ce petit volet de l’histoire se trouvait Tsar, un groupe de Los Angeles qui, entre 1998 et 2005, était parvenu à canaliser toute l’énergie tapageuse et vibrionnante d’une scène locale où s’étaient côtoyés, quelques années auparavant, le gratin de la power pop et du hair metal. Une sorte de bataille au sommet, magistralement orchestrée, entre Mötley Crüe et Redd Kross qui, en dépit de deux albums très réussis – Tsar, 2000 et Band-Girls-Money, 2005 – et d’une tournée de prestige en première partie de Duran Duran – un hasard ? sans doute pas tout à fait – n’avait pas permis à cette formation d’échapper à l’anonymat et à l’oubli. Presque miraculeusement, Jeff Whalen, le leader et principal auteur, et quelques-uns de ses camarades d’antan – la section rythmique composée de Jeff Solomon et Steve Coulter – ont refait surface il y a environ trois ans, rejoints par Os Tyler et Dylan Champion – sous une nouvelle dénomination fraternelle. Sans vergogne ni prétention, ils ont ainsi repris leurs petites affaires très exactement là où ils les avaient prématurément interrompues. C’est bien ce que confirme, dans la foulée de #1, 2019, cette seconde Dose de rappel. Certes, le registre de référence s’est quelque peu élargi pour intégrer désormais quelques touches bien maîtrisées de psychédélisme – Next Aquarius –  ou même une déclinaison très réussie de ces chroniques sociales incarnées à la Eleanor Rigby dont les groupes britanniques se sont fait une spécialité depuis près d’un demi-siècle – Mrs Rosenbaum.

Il n’en demeure pas moins que le cœur de cet album bat plus qu’amplement au rythme cadencé des martellements binaires autrefois impulsés par Marc Bolan et tous ses disciples. C’est dans ce glam de pacotille et ces scansions un peu balourdes que The Brothers Steve excelle tout particulièrement. Avec une conviction dépourvue de toute feinte, il enchaîne les hymnes de fête foraine – Wizard Of Love, Sugarfoot – avec un enthousiasme communicatif et sans nuances. Au fil des tubes, transparaît encore un peu de ces passions de fin d’enfance pour la matérialité des mots, ressassés à la manière des comptines, comme on mâche un chewing-gum, jusqu’à épuisement du sens – « Get it on, squeaky Kong » entend-on à plus soif sur Better Get Ready qui conclut judicieusement l’album par une ouverture sur l’absurde. En l’absence de toute préoccupation audible pour le bon goût, la maîtrise technique et formelle parvient donc, heureusement, à s’effacer au profit de cette exaltation transitoire que seul peut ressentir un pré-ado d’une douzaine d’années, tout aussi passionné à l’idée de revêtir son déguisement bariolé d’Halloween que par l’acquisition de sa première veste de costume noire, chic et cintrée. C’est ce que restitue le mieux The Brothers Steve : un peu de cette vérité aussi fugace que précieuse qui se niche au beau milieu des paillettes.


Dose par The Brothers Steve est disponible sur Big Stir Records.

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