Marie et les Garçons, id. (Celluloid, 1980)

Comme de nombreux autres groupes français des années 60/70, Marie et les Garçons a publié peu de disques. Deux EPs de son vivant pour être exact : l’album Marie et les Garçons (1980) est sorti à titre posthume. Cette modeste discographie ne permet guère de mesurer l’influence du groupe lyonnais sur le rock francophone. Aux côtés des Olivensteins ou d’Asphalt Jungle, Marie et les Garçons représentent une idée du punk, esthète et ouverte. Cela leur a valu certaines inimitiés et réactions très négatives de la part du public, mais aussi une place dans nos cœurs aujourd’hui. Formé en 1975, au Lycée Saint-Exupéry, le groupe s’appelle initialement Femme Fatale, nom trouvé en urgence pour assurer la première partie des futurs Starshooter au concert de fin d’année du bahut. Leur blase définitif leur est suggéré quelques mois plus tard par Marc Zermati de Skydog. Il fait référence à la batteuse du groupe, Marie Girard, ossature de la formation aux côtés d’Erik Fitoussi et Patrick Vidal, guitaristes et compositeurs principaux.

Marie et les Garcons
Marie et les Garcons / Photo : Liliane Vottori

Jean-Pierre Charriau à la basse complète le line-up classique du groupe. Marie et les Garçons a également pu compter dans ses rangs Philippe Girard (le frère de Marie) ou Jean-Marc Vallod, tous deux partis rejoindre Electric Callas. L’album débute sur les cinq morceaux studio des deux EPs. Le premier disque est enregistré en France en 1977 et publié par Michel Esteban sur son label Rebel Records. Les trois chansons manifestent d’une obsession précise, celle d’un rock défendu par le Velvet Underground ou les Modern Lovers. Elles sonnent comme autant de classiques : violentes, élégantes, hargneuses et fières, elles sont des décharges électriques qui vous disloquent le cerveau. À Bout de Souffle célèbre la rencontre des Seeds avec Lou Reed. Les guitares grincent et dérapent pendant que Patrick Vidal débite son texte avec morgue. Mardi Soir aurait pu figurer sur Talking Heads: 77. Marie et les Garçons est dans son époque ; la France pas nécessairement. Le groupe s’exile d’ailleurs pour faire produire son second single par nul autre que John Cale, véritable référence de la formation française. Il enregistre ainsi à New York les excellentes Attitudes et Re-Bop. Cette dernière est certainement la plus connue du répertoire du groupe lyonnais. Plus pop qu’à l’accoutumée, elle garde cependant cette distance si chère à Marie et les Garçons. Sur une rythmique presque sixties et guillerette, le groupe martèle un texte minimaliste. Le contraste entre mélodie, production et paroles trouble. Cette instabilité est une porte vers de multiples interprétations. Le groupe semble ainsi laisser à l’auditeur la possibilité de choisir sa propre lecture de leur musique, comme si nous étions confrontés à un tableau de Rothko.

Les autres enregistrements studios de Marie et les Garçons confirment l’état d’esprit aventureux qui anime alors la formation. Au minimalisme de Tokyo Pékin et inflexions dub de P4 N2, répond le funk désarticulé de Décision ou Partis Pris. Ce morceau préfigure la future orientation du groupe : les Garçons se séparent de Marie et se lancent dans la disco déviante sur Divorce en 1979, avec toujours l’appui de Michel Esteban et son nouveau label, ZE recordsMarie et les Garçons est ainsi complété par une face B enregistrée en concert en 1977, dans la période rock du groupe. Les Lyonnais y reprennent notamment l’immense  Roadunner, une déclaration d’amour sans équivoque au rock new-yorkais et son cousin de Boston. Marie et les Garçons est autant un album frustrant qu’un formidable témoignage sur un des meilleurs groupes français de rock de son époque. Les sources disparates des enregistrements éreintent toute possibilité de cohérence et donc de pouvoir fonctionner comme un tout. Pourtant Marie et les Garçons est un document indispensable, il capte, dans ses meilleurs moments, un des meilleurs héritiers (tous pays et époques confondus) du Velvet et un grand représentant du rock hexagonal. Marie et les Garçons furent de ceux capables de faire vibrer la langue française comme nul autre. Leur intensité était différente des autres groupes punk français, à l’énergie pure et directe, car Marie et les Garçons préféraient prendre des détours et se promener dans des contrées bien plus téméraires que nombre de leurs camarades de promotion.


L’album éponyme de Marie et les Garçons est sorti chez Celluloid en 1980.

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