Françoiz Breut, Vif ! (62 Records / PIAS)

Dans un univers fait de mille éclats et oscillant entre urbanisme bitumé et terres fertiles, Françoiz Breut déplie depuis vingt-sept ans son leporello poétique teinté de surréalisme et de ligne claire, que du très normal pour cette Bruxelloise d’adoption sans doute branchée depuis toujours sur le circuit alternatif de l’entre deux.

Son huitième album Vif !, sorti le 19 avril, convoque à la fois Desnos, Queneau ou Pérec pour les paroles et des univers sonores pop aux demi-teintes psychédéliques. Après avoir arpenté le bitume dans l’album précédent, Flux-Flou de la Foule, sorti en 2021 (PIAS), Françoiz change de décor et prend sa loupe d’entomologiste pour explorer librement une autre forme de vie.

Sous les feuillages de ce nouvel album, Françoiz plonge ses mains dans la terre et y égrene la vie et ses cycles, l’amour, l’organique, l’infiniment petit servent de territoire pour la composition de ses douze chansons en formes de vignettes facétieuses abordant la place du corps dans la nature et faisant ode au vivant, à ce qui grouille, nous accueille et nous habite et qui nous survivra (Lichens, Sous-bois la nuit, Un pépin), douze miniatures assemblée et arrangées par ses fidèles musiciens Marc Mélia (claviers), François Schulz (basse-guitare) et Roméo Poirier (batterie). Les instruments ont été déshabillés du superflu tout comme la voix de Françoiz qui se fait toujours plus claire, coulant de source et se frayant le bon chemin dans les sous-bois du partage et de l’échange des idées « ce qu’il y a toujours de plus important dans un projet commun ». De son rapport instinctif au chant, à la musique, à l’art et finalement à la création, François fait naitre un nouvel univers fait de sensorialité, de sensualité, de mystère à toutes les échelles. Chaque morceau est une petite fresque symphonique portée par les bruissements de la nature, du frôlement des feuilles à l’envol des spores. Thème prétexte pour planter le décor d’une création toujours à la croisée des chemins. L’artiste enjouée creuse ainsi des galeries dans son humus et se met en scène dans le clip de Crever l’asphalte où se déploie un univers qui n’est pas sans rappeler celui imaginé par Michel Gondry pour le Human Behavior de Björk, au siècle passé ; un univers où on éprouve la joie d’une jardinière aux beaux jours discutant avec les lombrics et les araignées et plaçant minutieusement ses jeunes pousses en rang d’oignon.

Depuis les Beaux-Arts de Nantes et les virées rock à Londres, Françoiz Breut a maintenu un environnement propice à la découverte, à l’ouverture sur tous types d’art, et aux rencontres : Dominique A d’abord qui lui proposa de chanter sur le Twenty-two bar, faut-il encore le citer, et qui fut sans doute la porte d’entrée dans ses univers imprévisibles et fragmentés mêlés de chant, musique, illustration ou théâtre, au choix, Françoiz n’aime peut-être rien mieux que de changer de place ; d’une pièce d’Émilie Capliez inspirée par le personnage de Little Nemo au livre-disque Le Grand déménagement, une histoire de Charleroi (un quartier de Bruxelles) écrite par Mathieu Pierloot où elle réunissait à la fois les chansons et les images, tout devient finalement prétexte à la création, à l’expression d’un regard singulier et personnel où la langue est maîtresse, celle qui articule et celle qui donne corps aux images. « Lorsque j’entre en studio, je dois à chaque fois sauter du pont et ma voix est juste un instrument parmi les autres, on compose la musique, à partir d’improvisations tous ensemble, parfois ça part de petites mélodies sur les textes que je propose, bricolées autour d’un clavier , j’aime m’accrocher au rythme, à la pulsation , jouer avec les mots. Le français n’est pas facile pour ça, c’est une langue dure, rigide, difficile qu’on doit réussir à apprivoiser. » Un exercice de style parfaitement réussi.


Vif ! par Françoiz Breut est sorti sur les labels 62 Records / PIAS.
Elle jouera le 30 Avril aux Nuits Botaniques au Grand Salon à Bruxelles.

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