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« He went in the piano » : note sur l’obsession, note sur une démo de « Surf’s Up »

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Brian et son piano, 1971.

Grâce au mode aléatoire qui agite le quotidien — rencontres impromptues de telle heure et telle œuvre —, il se trouve que je découvrais pour la première fois la démo de la piste des Beach Boys, Surf’s Up, dite « solo version » — ce qualificatif…  — alors que je tournais les dernières pages de l’essai Pierre Sky l’Enchanté de Sébastien Smirou (Marest Éditeur). Le soleil se posait en fines bandes sur le gazon en filant dans la dentelle des frondaisons. C’était le Jardin du Luxembourg et au loin, les sifflets des gardiens du Sénat résonnaient. C’était un soir d’été. J’ai voulu pleurer. Je n’y suis pas parvenu. C’est resté à l’intérieur. La voix, qui ressemble à la voix que j’avais dû avoir avant de muer, terminait : « a children song… » Il s’en suivait des vocalises qui assuraient ensuite l’intégralité de la mélodie. Le piano, sur Surf’s Up, n’offre qu’une variation d’accords en boucle, une stricte modulation qui constitue le cercueil de la chanson. Un nuage fin passe dans le ciel de Paris, c’est quasiment du répit. Et enfin, Brian, qui dit, penaud, let’s hear that : l’accident est gravé sur les sillons du studio. Continuer la lecture de « « He went in the piano » : note sur l’obsession, note sur une démo de « Surf’s Up » »

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EggS reprend « Three Whishes » de Television Personalities (inédit)

EggS / Photo : Photo : Maëlys Favory

Rendre hommage à un groupe n’est jamais chose aisée, qui plus est quand ladite formation s’appelle Television Personalities, dont tout le monde connaît l’engouement souterrain. Un aficionado français répondant au nom de Pastel de Nada sur son label Jour de Pluie a eu l’excellente idée, pendant le confinement, de réunir 25 formations ou projets solo (Belgique, France, Australie, Royaume Uni, États-Unis) pour proposer une compilation hommage. Avec l’aide de Et Mon Cul C’est Du Tofu ? pour l’Europe et Paisley Shirt Records aux USA, ce beau projet verra le jour pour la fin de l’année. EggS, quatuor parisien dont l’amour pour les TVP’s est bien connu (d’eux, déjà) nous gratifie d’une reprise de Three Wishes, un single paru en 1982 extrait de They Could Have Been Bigger Than The Beatles, enregistrée en prise live sur Tascam. Exercice réussi haut la main, on a donc hâte d’avoir le support physique entre les mains.

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En Attendant Ana, Juillet (Trouble In Mind)

En Attendant Ana avait fait forte impression avec leur premier disque Lost and Found en 2018. Publié par deux labels français, Buddy Records et Montagne Sacrée, l’album avait été réédité par la suite par la structure chicagoane Trouble In Mind, connue notamment pour avoir hébergé Jacco Gardner, les Limiñanas ou Morgan Delt. Ce Debut LP offrait une des plus belles démonstrations d’indie-pop entendues en France ces dernières années, un équilibre parfait entre les mélodies et l’énergie. Les Franciliens reviennent deux ans plus tard avec Juillet, toujours sur le même label. Continuer la lecture de « En Attendant Ana, Juillet (Trouble In Mind) »

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Sous Surveillance : Karaté Chatte

Karaté Chatte / Photo : Baptiste Le Quiniou

Qui ?

Claire : Batterie et chant
Emeline Massip : guitare et chant
Clément Vano : Guitare et chant
Emma Pavoni : synthé et chant
Marcelean : basse

Où ?

Marseille Continuer la lecture de « Sous Surveillance : Karaté Chatte »

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Les Calamités, À Bride Abattue (New Rose)

Tout l’été, les albums qui ont échappé aux radars des plateformes de streaming.

En 1987, la chanson Vélomoteur souffle un vent de fraîcheur pop sur les ondes de FM libéralisée. Souvent considérées comme un one hit wonder d’une époque qui en compte un paquet (Partenaire Particulier, Patrick Coutin, Chagrin d’Amour, Élégance, Bandolero etc.), les Calamités avaient pourtant démarré cinq ans plus tôt quelque part dans la Bourgogne, à Beaune, petite ville d’une vingtaine de milliers d’habitants. L’histoire débute en effet quand Odile Repolt, Isabelle Petit et Caroline Augier décident de monter un groupe. Mike Stephens (qui remplace un certain Watson) les rejoint pour former le line-up classique du groupe tel qu’il apparaît sur leur mini-album À Bride Abattue (1984). Continuer la lecture de « Les Calamités, À Bride Abattue (New Rose) »

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Radio Hito reprend «Dommage que tu sois mort» de Brigitte Fontaine (inédit)

Radio Hito / Photo : Vasantha Yogananthan.

Navigatrice aux ports d’attache et aux talents multiples, Y.-My Nguyen développe depuis plusieurs années des propositions sonores singulières qui tentent de trouver le lien juste entre le calque sensible d’un cheminement personnel et celui d’existants d’une diversité surprenante. Elle a sorti sous le nom de Radio Hito en mars dernier Non Solo Sole, son premier album cassette sur le label animé par TG Gondard, MIDI Fish, qui conjugue avec élégance — et souvent en italien — la voix des poètes et la sienne, et qui fait dialoguer nappes électroniques et mélodies savantes de claviers en lutte tendre entre l’ombre et la lumière. Elle ressuscite ici le plus grand poète vivant après Artaud et Rimbaud, c’est-à-dire Brigitte Fontaine, avec cette reprise de Dommage que tu sois mort.

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Le fond de la pop #1 : « la maladie de notre temps »

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Träumend / Miriam Cahn

Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit

Fugue de mort, Paul Celan.

Il y a toujours la possibilité d’une circulation dans la solitude. La solitude, dès lors qu’elle creuse son propre puits, dresse une carte dont les écailles et les archipels sont autant des souvenirs que des bruits, autant des inquiétudes que des couleurs. Or, la grande stupeur qui nous prend quand on s’y agenouille tient à cela : elle fait tenir sur un plan unique une boucle qui désordonne la vie. À sa fin, si nous l’atteignons jamais, sur le dernier rivage de son lac noir, tout se mêle. L’entrelacs de dimensions qui habitent ce puits bave. Ses composantes s’effondrent les unes dans les autres. La vie entière tient à des tâches d’acrylique dans l’eau : désordre. Elles nous apparaîtront plus tard, laiteuses et fondues, dans la texture de quelques nuits, à la lisière d’un souvenir d’enfance, sur le seuil d’une phrase où tout se brouillera. Il faudra alors les rendre à leur ventre, à leur liqueur séminale, à la solitude. Continuer la lecture de « Le fond de la pop #1 : « la maladie de notre temps » »

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Rock alternatif : le long remord

Berurier Noir, 7 février 1987, Salles des Fêtes d’Arcangues / via leur tumblr

Le confinement a eu ses effets indésirables. Nous allons évidemment devoir survivre à la vague des romans auto-introspectifs de circonstance, sans oublier tous ces albums réalisés « chez soi » qui se prendront pour des Basement Tapes ou du DIY. Pour beaucoup de ma classe d’âge, qui gravitent désormais dangereusement autour de la cinquantaine – car je ne suis pas un cas isolé –, ces deux mois et demi se révélèrent également un terrible moment pour revisiter notre si petite histoire, notre autobiographie musicale façon Haute Fidélité (ce livre terrifiant parce que si mauvais et tellement juste). Ressortir les vieux dossiers, solder les comptes personnels et inévitablement subir la visite des vieux souvenirs qui ne s’invitent jamais quand il le faut… Et découvrir tardivement qu’on ne choisit pas les disques de sa jeunesse. Parce que quelque part, nous appartenons à une génération sacrifiée, celle qui eut entre 15 ans et 25 ans dans les années 1980 et pour qui le rock alternatif fut un passage obligé, un rite initiatique (pardon Claude Lévi-Strauss ou Marcel Mauss), que cela plaise ou non, que cela fasse ou non joli dans une discussion entre érudits pré-deezer que nous sommes tous devenus. Ou bien que cela sonne creux pour les lecteurs des Inrocks ou de la RPM. Continuer la lecture de « Rock alternatif : le long remord »