Un jeudi après-midi de septembre, en fin d’après-midi, Pierre René-Worms semble parfaitement détendu, quelques heures avant le vernissage de son exposition Patrouille de Nuit au Confort Moderne, concentré idéal de ce que l’on peut espérer de la vivacité d’un centre culturel dédié à la musique, logé dans une ville de la taille de Poitiers. Assis dans le jardin en compagnie d’un Perrier, il confie revenir d’un shooting en Afrique qui s’est terminé tard le matin, très tard. Le décalage entre une vie peuplée d’images africaines et son existence passée à côtoyer des légendes du rock en devenir est au coeur de cette riche exposition, menée par le vibrant directeur des lieux Yann Chevalier et conçue en collaboration étroite avec l’œil bienveillant de sa commissaire associée, Georgia René-Worms. De panneaux géants de planches contact où la flamboyance d’une période révolue (fêtes au Palace, défilés extravagants) avoisine l’absurdité des rencontres de cette période (Amanda Lear et Georges Brassens ou Dalida et Village People sur une même pellicule) en tirages photographiques rassemblant principalement la première période de son travail jusqu’à 1987, Pierre René-Worms retrace humblement l’histoire du rock du milieu des années 70 à la fin des années 80. Du festival punk de Mont-de-Marsan en 77 à Joy Division quartier des Halles à Paris et la scène rennaise, si tant de groupes devenus légendaires sont passés derrière son objectif, offrant des images persistantes, vibrantes d’une émotion sans pareil, c’est certainement pour sa formidable propension à se fondre dans l’existence modeste de ces groupes encore presque inconnus et totalement accessibles. Décadrer la photo de presse, sortir de son carcan, et emmener son sujet ailleurs, tout en révélant l’arrière plan fascinant de leur univers. De lieux insolites en situations étonnantes, ces groupes en devenir deviennent amis, parfois photographiés à côté d’anonymes, devenant eux-mêmes témoins d’une époque en pleine explosion créative. Pour Pierre René-Worms, désormais revenu à ses premières amours, la photo en lien avec l’Afrique, tout est une affaire de liberté et de fidélité, qui transparaît tout le long de cette heure d’entretien qu’il nous a accordé. Continuer la lecture de « Pierre René-Worms : « J’ai été là au bon moment » »
Freud a écrit que l’interprétation des rêves est la voie royale qui mène à la connaissance de l’inconscient. Si certains partagent cet avis qui commence à dater, de mon côté, je proposerai plutôt une écoute de I’ve Been Trying To Tell You, le nouvel album de Saint Etienne. Ce disque déroute, séduit, provoque l’incompréhension et fait certainement débat. Mais au fond, on s’en moque car vous seul pouvez en écrire la chronique. I’ve Been Trying To Tell You ne se partage pas. Il s’écoute en solitaire, au calme, sans aucune distraction. C’est un rêve éveillé qui vous racontera une histoire différente à chaque écoute. Une écoute peu attentive fera penser à de la chillwave, mais cela semble réducteur au regard des intentions de départ du groupe. Ce disque est en effet une œuvre sur la mémoire. Il s’accompagne d’un film réalisé par Alasdair McLellan. Composé quasi exclusivement de samples de titres pop commerciaux sortis entre 1997 et 2001, I’ve Been Trying To Tell You se veut le reflet de la période pleine d’espoir allant de l’élection de Tony Blair jusqu’aux tragiques événements du 11 septembre. L’optimisme se mélange à la noirceur avec subtilité sur ces huit pistes où l’on entend très peu la voix de Sarah Cracknell qui a préféré s’effacer pour rendre les morceaux plus suggestifs. Pete Wiggs nous explique dans cet entretien comment cet album et son concept a pris le dessus sur le groupe plutôt que l’inverse. Il se plonge également dans quelques souvenirs pour parler des trente ans de la sortie de Foxbase Alpha, nous parle de sa passion naissante pour le prog rock et de son fils, grand fan du groupe Suede. Avec la sortie de cet album ovni, Saint Etienne confirme ce qu’ils affirmaient en 1991 : Nothing Can’t Stop Us. Continuer la lecture de « Saint Etienne : « On aurait adoré qu’Andy Weatherall écoute notre album » »
Alberto et Tom ont joué ensemble pendant un temps avec différentes personnes, s’essayant à plusieurs styles, mais c’est depuis leur rencontre avec Dylan qu’ils s’entendent « très bien, parce que nous trois sommes assez étranges et avons cette urgence de jouer et de foutre le bordel« .
Où ?
East London, mais ils sont espagnol, argentin et britannique.
Il a bien fallu s’y résigner ; il est plus rare de s’en réjouir : à chaque découverte, à chaque coup de cœur, le triomphe posthume de Duchamp dans notre discothèque est un peu plus manifeste. La plupart des albums qui parviennent à s’extraire du flot continu de la surproduction musicale contemporaine semble, en effet, s’apparenter davantage à ces ready-mades, où le recyclage de fragments existants et clairement référencés l’emporte souvent sur l’impulsion créative. Il faudrait d’ailleurs, se repencher un jour sur le génie de Bryan Ferry – le premier à revendiquer explicitement cette filiation esthétique – mais ce sera une autre histoire plutôt qu’une digression. Que reste-t-il alors à apprécier ? La manipulation plus ou moins sommaire des originaux sur lesquels une nouvelle signature est apposée n’est que de peu d’intérêt. Tout se joue bien souvent dans la pertinence des choix puisque, à défaut d’innover radicalement, l’artiste se pose au moins en responsable de ce qu’il récupère et de ce qu’il écarte. De ce point de vue, la cohérence obsessionnelle est à presque à la portée du premier venu. Et les copistes monomaniaques, hyper spécialisés dans l’exhumation des vestiges d’un unique genre homogène ont fini par creuser leur propre tombe dans leurs chantiers de fouilles archéologiques. Motorists est, heureusement, d’une toute autre trempe. Continuer la lecture de « Motorists, Surrounded (We Are Time / Debt Offensive / Bobo Integral) »
On ne sait pas toujours de quoi est faite la réalité. Lorsque cet album sort, le 16 juin 1997, l’ouverture de son packaging médicamenteux et le décollement de l’opercule en alu du blister laissent planer dans toute la pièce l’aura opiacée de Jason Pierce et l’arbre généalogique chargé du groupe. Ladies and Gentlemen We Are Floating in Space est le troisième album studio de Spiritualized. A la fois vaporeux et terriblement ancré dans la matérialité physique de la musique, on y trouve des apparitions du Balanescu Quartet et du London Community Gospel Choir. Qualifié d’album space rock psychédélique, il atteindra pourtant la quatrième place des charts britanniques, au plus fort de la période Britpop. Continuer la lecture de « Spiritualized, Ladies and gentlemen we are floating in space (Fat Possum) »
Fondé à Los Angeles autour de Nic Vicario des regrettés Autistic Youth ainsi que de Public Eye et Crisis Man, Smirk nous envoie dans les cordes après un premier long format rassemblant deux cassettes éditées aux quatre coins du monde par des labels comme Twintoe Records à Berlin, Drunken Sailor pour l’Europe et Feel It pour les États-Unis. Paru en début de semaine dernière chez l’excellent Total Punk Records, cet EP présente sept morceaux tout neufs, aux guitares saillantes et rythmiquement très efficaces, un combo basse/ batterie groovy et une voix qui enveloppe le tout d’une couche d’anxiété. Amateurs.trices des Spits et autres Minneapolis Uranium Club, cet EP agité est fait pour vous.
Ce fut d’abord une simple annonce de type strictement commerciale il y a quelques saisons, pour un site proposant à nouveau des t shirts officiels, des badges et des planches de skate, pas grand chose en fait mais l’espoir d’une reformation inespérée pointait alors et agita pendant une semaine ou deux le landerneau. On connaissait désormais tout des circonstances (suicide du manager, inévitables problèmes de substances) du sabotage d’un des groupe les plus influent de tous les temps, on savait aussi l’impossibilité chronique des trois anciens compères à se mettre d’accord depuis sur quoi que ce soit. Il aura donc fallu toute la passion, la prévenance, la diplomatie et la pugnacité des gens de chez Numero Group, pour parvenir enfin à réaliser après plus d’une décennie de recherches et de tractations parfois houleuses, cette anthologie des premiers enregistrements de la formation de St Paul, ville natale de F. Scott Fitzgerald, capitale de l’état située à l’Est de Minneapolis, Minnesota et dont les contemporains furent à l’échelle locale furent The Replacements et Prince, excusez du peu. Soit la réédition de Metal Circus (1983), Land Speed Record (1982) et Everything Falls Apart(1983) et des deux singles attenants Statues (1980), In A Free Land (1982). Soit quatre LP ou trois CD sous la forme d’un coffret comprenant pas moins de soixante neuf morceaux dont quarante sept jamais publiés à ce jour. Sans toutefois savoir si ce traitement d’archives d’un luxe certain concerne également et légalement la suite de la discographie, encore plus passionnante d’Hüsker Dü parue à l’époque sur le label SST. (update septembre 2021, pas de news) Continuer la lecture de « Hüsker Dü, Savage Young Dü (Numero Group / Differ-Ant) »