Par quel bout le prendre pour le dire ? Des disques écoutés dès leur sortie, ça arrive de moins en moins. Il y a toujours quelque obsession à creuser, toujours du temps pour arriver ici ou là et, avouons-le, une résignation agréable : depuis le moment où j’ai saisi que je n’aurai pas assez d’une existence pour écouter tous les bons disques, voir tous les bons films, lire tous les bons livres etc., la vie s’écoule sous des jours meilleurs.
Quelques semaines avant la sortie de son nouvel album, Inferno (Tapete/Differ-Ant), et au lendemain de la diffusion d’un programme radiophonique entièrement consacré à son oeuvre, il est temps de ressortir de nos archives l’interview de Robert Forster réalisée en septembre 2015, quelques heures à peine avant que l’ancien co-leader de The Go-Betweens assiste au grand retour sur une scène parisienne de son compère de jadis, Peter Milton Walsh. En cette occasion mémorable, nous avions fait le point avec lui, sous forme de mots-clefs, sur une carrière qui s’étale désormais sur cinq décennies et dont les récents prolongements ne cessent de surprendre agréablement.
Il y a un an, nous chroniquions dans le fanzine Mushroom l’excellente cassette des Lyonnaises de Tôle Froide. Depuis le mini-album a été réédité, il y a quelques mois, en vinyle par AB Records, Et Mon Cul C’est Du Tofu? (Stratocastors) et Le Turc Mécanique (Balladur, Oktober Lieber). Une occasion unique de redécouvrir la pop électrisante de Pauline, Morgane et Leslie, pont aussi étonnant que grisant entre post-punk et variété française. Nous sommes ravis d’avoir pu les convier à un Selectorama à leur image : précis, mêlant classiques aux hérauts de l’underground actuel. Si leur concert qui devait avoir lieu ce samedi 25 janvier est malheureusement annulé, on espère les revoir bientôt à Paris où elles sont plutôt rares, hormis une date qu’elles avaient partagé avec un autre groupe que nous adorons : En Attendant Ana.
C’était en décembre 2016, au Nouveau Casino, que nous les avions vu à Paris pour la dernière fois. Le quintet de Brighton, propulsé en 2011 par The Horrors, venait de nous gratifier d’un troisième LP, Clear Shot, leur plus riche en date, confirmant une audace qui n’allait pas tarder à les placer au-dessus de leurs aînés. C’est désormais chose faîte avec Happy in the Hollow, attendu le 25 janvier chez Tough Love Records – Ulrika Spacek, Part Time ou Girls Names complétant l’écurie du label londonien au bon goût difficile à égaler. Un ouvrage frappant par la variété des influences qui le composent. L’esprit krautrock, évidemment, dicte toujours la conduite : rythmiques hypnotiques et abondance de synthétiseurs portent la voix rassurante de Tom Dougall. Ce sont ces incursions nouvelles du côté de l’acid folk et de la surf qui, en occasionnant les plus belles réussites de l’album (The Willo, You Make Me Forget Myself), le hissent sur un autre palier. J’ai retrouvé Tom Dougall, chevelure ombrageuse et regard fuyant, accompagné de Max Oscarnold, bassiste de The Proper Ornaments dernièrement recruté, dans un bar du XIIe. Derrière la timidité du leader s’est très vite dévoilée une verve de passionné. Ensemble, ils se sont livrés sur leurs aspirations et leur quête ultime en tant que musiciens : la recherche de leur identité propre.
Lorsqu’en 2016, je prétendais que Eyes On The Lines était le meilleur album de tous les temps de l’année paru ce mois-ci et encore, pfiou, bien au-delà, on me fit volontiers passer pour un candide de première catégorie. Non seulement Steve Gunn venait de signer son premier album véritablement électrique (et sur un gros label – Matador – qui plus est, le faquin, le traître, le parvenu), mais de plus, j’avais probablement vaqué à mes occupations lorsque l’homme s’était produit en de nombreuses occasions dans notre bonne capitale sous les bonnes auspices de l’ami Maxime Guitton, plus en tant que digne représentant surdoué d’une école acoustique qui irait de John Fahey à David Grubbs. Bref, j’étais complètement à côté de la plaque, je n’en restais pas moins ébahi. Continuer la lecture de « Steve Gunn, The Unseen In Between (Matador) »