Ce n’est pas parce que je n’habite pas à Bordeaux que je vais me priver des conseils du disquaire du coin, Martial de Total Heaven. Un peu de prosélytisme, des rappels pour les étourdis, sur les réseaux, ça ne nuit à personne, la preuve, j’arrive deux mois après la bataille, mais on s’en fiche. L’EP, Distorsion de Pierre Gisèle est sorti fin janvier et je viens juste de tomber dessus. Pierre Gisèle est une chanteuse issue du collectif Flippin Freaks dont j’avais survolé les sorties jusque là sans accrocher, si ce n’est le J’ai raté ma vie du groupe Teeth, parce que ça parle de dentition, et que ça me touche.
Bonne surprise du coup d’entendre Ornella (la jeune femme a repris les deux prénoms de ses grands-parents comme pseudo, elle le raconte entre autres choses à la radio) issue de Teeth justement, sauter le pas vers une poésie minimale, quotidienne et fraîche sur son premier EP. Et ça ne nuit pas du tout à la lecture de sa musique, claire comme de l’eau de roche, bien au contraire : on y retrouve ce truc bancal d’acharné qu’on trouvait chez les étudiants de l’université libre d’Olympia qui enregistraient dans les années 90 (et jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs) pour le label K Records (via Nirvana que cette communauté de grunge dingos revendiquent à fond); on y retrouve aussi la spontanéité et la proximité de la scène anti-folk des années 2000. Distorsion se laisse dévorer comme un doudou passionnant pour tous ceux qui ont grandi en écoutant des pages de journaux intimes adaptées en chansons et traduites en 4-pistes avec un minimum de moyens mais un maximun de coeur (et sans se poser trop de questions). Il ne se dépare pas non plus d’une certaine noirceur qui traverse l’œuvre et qui traduit bien, on s’en doute, l’état mental de la jeunesse (contestataire, notamment à travers un grinçant Tous les policiers) de notre pays à qui on répète en boucle qu’ils assistent à la fin du monde. On peut leur retourner que tant qu’ils en tireront des œuvres aussi belles et romantiques, tout espoir n’est pas perdu.
