All I can do is offer up my own anecdotal evidence. Alison Bechdel, The Secret to Superhuman Strength
Ça n’a pas fait un pli, ni deux, ni pléthore : quand j’ai écouté pour la première fois, de nombreux mois après sa sortie, An Overview on Phenomenal Nature, le titre y était pour beaucoup, ambiance empirique, phénoménologique, et je me suis pris à rêver – durant les rares secondes avant le premier clic, avant la première écoute – du compte rendu d’une epoche musicale, sans bien savoir précisément où ça pourrait mener, et donc précisément attiré par cette imprécision.
Pour clôturer ces festivités et l’année désormais écoulée, nous avons remplacé durant la trêve des confiseurs de décembre notre playlist de nouveautés mensuelle par un best of de l’année. Un dernier coup d’oeil dans le rétroviseur, passons à la suite sans trop se retourner et regardons devant nous, comme depuis un certain temps, au jour le jour. On fonce et on verra après. Très belle année de la part de toute l’équipe de Section26.
Écoutez cette playlist sur votre plateforme favorite : YouTube, Deezer ou Spotify et en version mixée sur Mixcloud. Et aussi, sur agnès b. radio.
NDLR : Les playlists ne comportent pas l’intégralité des titres de cette sélection.
Lorsqu’un groupe que l’on respecte publie un album de remixes, ça sent généralement le sapin. Dans le cas précis d’A Certain Ratio, on parlerait plutôt d’un sapin de Noël. Si, sur la longueur de leur carrière, les mancuniens se sont plutôt montrés réfractaires à cet exercice, préférant avec la générosité qui les caractérise publier des inédits sur leurs EPs, on ne peut que les féliciter de ce changement d’avis. Malgré la diversité des remixes, on sent à l’écoute de Loco Remescaladaque l’on reste dans l’univers du groupe. Comme si, de The Lounge Society à Skream, en passant par The Orielles, chaque remixeur avait voulu rendre hommage à un groupe qu’ils respectent plus que tout.
A Certain Ratio jouera au Festival BBMix ce vendredi 24 novembre au Carré Bellefeuille à Boulogne Billancourt.
Pendant de nombreuses années, Dean Wareham a été une icône new-yorkaise. Une icône d’abord musicale : étudiant à la Dalton School de New York, il rencontre Damon Krukowski et Naomi Yang avec qui il forme, en 1987, à l’université Harvard, Galaxie 500. Quatre ans et trois chefs-d’œuvre plus tard (Today, 1998 ; On Fire, 1989 ; This is Our Music, 1990), le groupe se dissout et Wareham recrute un ex-The Feelies et un ex-The Chills pour fonder Luna, deuxième trio mythique. A partir de 2005, tout en composant pour lui-même ou aux côtés de sa femme Britta Phillips pour le duo Dean & Britta, il s’impose aussi dans le cinéma indépendant new-yorkais : des réalisateurs purement brooklyniens comme Noah Baumbach ou Greta Gerwig font appel au couple pour composer la bande originale de leurs films, et il apparaît en tant qu’acteur dans une dizaine de films et séries (y compris, entre deux réalisations pointues, un épisode de New York, police judiciaire). De quoi régulièrement oublier que depuis 2013, c’est dans la capitale-même du cinéma, Los Angeles, qu’il évolue. Son nouvel album, le troisième en solo, est là pour nous le rappeler.
Il aura fallu près d’un mois pour commencer à digérer cette rétrospective quasi-intégrale de l’œuvre initiale de The Beau Brummels : huit volumes remplis à ras-bord – plus d’une trentaine de morceaux sur certains CD’s – qui composent un récit chronologique exhaustif – et pour partie inédit d’une petite épopée. Il y a pourtant bien des raisons valables de consacrer quelques heures d’attention au legs de ce groupe que l’on considère souvent comme secondaire. Réévaluer son importance relative, sans doute. Mais, après tout, cet aspect de la besogne a été déjà préalablement amorcé depuis que, au début du siècle, le jeu érudit des réhabilitations rétrospectives a conduit les amateurs de l’archéologie du folk-rock à panthéoniser au moins deux des albums les plus novateurs et donc remarquables du quintette de San Francisco : Triangle (1967) et Bradley’s Barn (1968). Continuer la lecture de « The Beau Brummels, Turn Around : The Complete Recordings, 1964-1970 (Now Sounds) »
2021, année post pandémie (nous y serions, de fait, encore de plain-pied), pré-électorale avec de grosses gouttes inquiétantes qui coulent de nos tempes à nos pieds. L’angoisse molle est devenue prégnante, se carapatant tel un hérisson, mi-douceur recluse, mi-picots acérés. Il nous reste donc, et toujours et merci bien, l’improbable mais gigantesque évasion de nos disques de l’année. S’échapper, tisser un lien avec le cosmos, prendre la poudre d’escampette ? Plutôt deux fois qu’une, en effet. De déconstructions victorieuses (Dean Blunt, incontestable, Aquaserge, enfin bouleversants) en retour inespérés (Arab Strap, Cheers mate(s) ou encore Saint Etienne, jamais aussi beaux qu’en roue libre), d’un Cap Canaveral à priori improbable mais qui fait finalement l’unanimité (Floating Points et Pharoah Sanders), c’est bien la porte des songes, de l’intime, de l’eminemment personnel qui semble remporter les suffrages, en en attendant d’autres, bien plus préoccupants. Quelques valeurs sûres jamais fiables (Low, importants mais moins que la dernière fois), toujours vertes (Mica Levi, reine du passe passe glorieux) de nouveau arrivants (Dry Cleaning, Bobby Would aussi bien sur disque qu’IRL) et des valeurs sures (Sufjan, toujours premier de la classe, salut Agnan) et au final un semblant de diversité, libre, démissionnaire (Mendelson, adieu et merci pour tout). Celle qu’on nous vendra surement au rabais dans les mois à venir (à moins de 160 boules, tkt) et ce pourquoi nous sommes là pour faire office de PASSEURs et savourer de concert (sous réserve) DE LA MUSIQUE PAS COMME LES AUTRES, pour faire un clin d’oeil à ceux qui se la coulent parfois douce à Biarritz, sachez qu’en 2022, en marge ou en direct du chaos, nous resterons, même en apesanteur et même s’il faut partir très très loin, fidèles au poste (ACR en force).
Etienne Greib
01. DEAN BLUNT, Black Metal 2 (Rough Trade) 02. FLOATING POINTS, PHAROAH SANDERS & THE LONDON SYMPHONY ORCHESTRA, Promises (Luaka Bop) 03. BOBBY WOULD, World Wide World (Saddle Creek) 04. ARAB STRAP, As Days Get Dark (Rock Action Records) 05. DRY CLEANING, New Long Leg (4AD)
The Jesus And Mary Chain viennent de clore leur tournée Darklands, section26 y était en famille.
The Jesus And Mary Chain à La Rodia, Besançon / Photo : Michel Valente
Si on avait dit aux frères Reid, lors des premiers concerts des Jesus and Mary Chain au printemps 1983, qu’ils se produiraient encore sur scène près de quarante ans plus tard, la chose leur aurait certainement semblé tout à fait improbable. On peut même trouver miraculeux que les deux enfants terribles d’East Kilbride soient encore debout aujourd’hui après avoir traversé tant de tempêtes. Les innombrables engueulades allant parfois jusqu’à la violence physique, les récurrentes descentes aux enfers dans les affres de l’alcoolisme et la fatigue engendrée par une vie d’excès en tout genre auraient dû avoir leur peau. La séparation du groupe en 1998 n’aura pourtant été qu’une pause, et depuis leur reformation en 2007, les démons du passé semblent avoir été définitivement exorcisés. En témoignent leur présence régulière sur scène et la sortie de Damage and Joy en 2017, leur premier disque en presque vingt ans.
A écouter : Transmission#68, un entretien avec Jim Reid réalisé par l’équipe de Section26 et Nicolas Sauvage à La Rodia à Besançon lors du passage de la tournée Darklands de The Jesus And Mary Chain.
”Je suis incapable de dire pourquoi j’aime tant cet album.”
L’ami qui m’a fait découvrir ce disque – Lavender – , a un jour, écrit ces mots alors qu’il postait, pour la troisième ou quatrième fois, la vidéo de Sailin’ On. À l’ami, à vous, j’avais envie de dire ceci.
Peut-être pour la voix, toute en douleur retenue. Peut-être.
Peut-être pour cette harmonie parfaite entre la voix et les instruments, comme des cœurs entremêlés. Peut-être.
Peut-être pour ces notes de claviers qui surgissent comme des gouttelettes stagnantes, en perles, et qui demeurent en suspension. Peut-être.
Peut-être parce que c’est un disque de nuit et que ce sont des disques que l’on ne s’explique pas. Peut-être.
Peut-être qu’après certaines écoutes qui peuvent amener très loin dans les émotions, il faut alors se palper pour s’assurer d’être vivant. Peut-être.
Peut-être parce que Lavender est d’ores et déjà le mot de passe de ceux qui ont le goût d’une certaine suspension du monde. Peut-être.