New Order (A Life), #6

Ou comment la musique de New Order infuse dans nos vies.

Andy Wahrol, Lips (1975)
Andy Wahrol, Lips (1975), courtesy of Danziger Gallery

L’histoire se referme. 1987, 1988 et une renaissance contrariée : celle de New Order, sous le soleil d’Ibiza, lors de l’enregistrement de Technique. Décalage horaire permanent et paradis artificiels. Vanishing Point. C’est l’ombre de Nico, qui apparaît au détour d’une route escarpée, quelques semaines avant son décès accidentel. C’est le temps des fractures, de toutes les tensions intestines qui auront provisoirement la peau du groupe et de son unité, à jamais bancale désormais. C’est la fin d’une décennie pendant laquelle la légende et l’œuvre de New Order se seront construites sur les cendres de Joy Division, à l’aide des guitares autant que des machines, accompagnées d’une bonne dose d’inconscience et d’impréparation. L’histoire se referme, pour s’ouvrir bientôt, et une part d’adolescence avec elle, lorsque je poserai à nouveau un disque de New Order sur la platine. Règne de l’imaginaire, éternel retour  : comment définir ces sensations qui, toujours, reviennent par la seule grâce de la musique ? Quel passage se frayer ? Comment faire pour que se joignent à nouveau le passé et le présent ?

L’histoire se referme et je repense à The Perfect Kiss, à son clip donnant à voir les images en gros plan de quatre jeunes gens modernes, aux visages légèrement maquillés, appliqués sur leurs instruments. Images de studio, mêlant improvisation et, pour une fois, préparation minutieuse. Repoussant la formule du play-back, les membres du groupe se cherchent d’abord du regard, avant qu’une première partie de basse ne lance véritablement le titre, bientôt suivi par un séquenceur. Ce qui frappe d’abord, c’est la jeunesse de Barney, Peter, Gillian et Steven, leur extrême concentration, sous la lumière d’Henri Alekan, chef opérateur qui collabora durant sa longue carrière avec Renoir, Abel Gance ou plus tard avec Raoul Ruiz. Intimidé peut-être par le dispositif, jouant sans filet, le groupe semble y donner son meilleur, y compris son chanteur, déployant sa chanson avec une rare puissance émotionnelle. When you’re alone at night / You search yourself for all the things / That you believe are right

L’histoire se referme, et c’est comme un parfum léger qui envahit l’espace. Lumière éteinte, je regarde par la fenêtre. Des toits et des lumières, dans d’autres appartements. Bref sentiment de solitude, tout est transformé. Now, I know / The perfect kiss is a kiss of death.

Tout est transformé. Et demain, New Order.


The Perfect Kiss est le premier single extrait de Low-Life, troisième album de New Order, qu’il précède de quelques semaines. Sorti le 13 mai 1985, le titre fait l’objet d’un clip vidéo parmi les plus célèbres du groupe, réalisé par Jonathan Demme, et dont la photographie est assurée par le chef-opérateur Henri Alekan. Tony Wilson, tête pensante de Factory Records, nourrit l’espoir de renouveler le succès commercial de Blue Monday, mais le titre n’atteindra que la 46e place des charts anglais. The Perfect Kiss figure sur la compilation Substance 1987 dans deux versions remixées, dont l’une, rebaptisée Kiss of Death, est essentiellement instrumentale.

Relisez la série entière en 6 épisodes New Order (A life) écrite par Hugues Blineau pour Section26.

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