Climats #25 : Belong, Emma Becker

This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe

Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.

Les incendies hivernaux

Il me fallait trouver un album roussi aux feux de la passion. Une musique de chambre vide, blanche ou seulement trop exposée à la lumière, trop vibrante. Trop vivante ? Sans doute l’excès de retrouver la joie du désir – celui qui emporte tout – peut conduire à sa propre destruction. Common Era de Belong fut ce disque là. Cette musique d’éblouissement, d’aveuglement – de saturation. Michael Jones et Turk Dietrich expérimentent l’euphorie. Et l’euphorie alimente son double secret – la mélancolie. Ces deux excès se retrouvent dans cette merveilleuse chanson qu’est A Walk. Rythmique à la Curecirca 1981 – guitares brouillées comme des larmes rappelant un My Bloody Valentine encore plus sauvage et archaïque que l’original. C’est intense, violent et pur à la fois. Belong ne dura pas : deux albums, comme des urnes pleines de cendres et l’oubli. Mais dans cet oubli, se conserve la rage. C’est ce qui rend fascinante la musique de ce groupe qui ne semble que proposer une cold wave anecdotique et pourtant… cela bouillonne, cela fermente et fomente les grandes émotions. Incontrôlable donc comme l’écriture d’Emma Becker, tout ceci semble se dissoudre dans la quête effrénée de son propre désir.

Les dernières pluies

Il y aura ce texte, à la prochaine rentrée littéraire, nommé L’Inconduite. Ce roman d’Emma Becker m’a rendu éconduit et inconfortable. J’ai commencé par la haine en le lisant. Haine d’un miroir ? Peut-être. Cette vanité, ce fiel rugueux emportant les lignes, ce cul omniprésent… Becker va loin dans une forme magnifiée de la détestation de soi. Elle note, rend des comptes, décrit les bites consommées, vocifère sur ses amants et rend absent son propre fils, pourtant il est là entre bien des phrases. Le désir passe par les mots. Emma Becker a beau se confronter au réel mais ce qui irradie son désir – c’est le symbolique. Et puis de la haine, je suis passé à une certaine compréhension de ce texte. Je l’entends dans son courage et son exposition. Il y a fort à parier qu’Emma Becker sera dans une forme d’inconfort par cette mise à nu. Et c’est bien là, ce qu’elle a cherché. Ne pas s’arrêter et ne pas savoir conduire une vie. Mais conduire une vie – c’est se permettre. Becker se permet à peu près tout d’un point de vue littéraire. Elle conforte le principe de réalité dans sa sale habitude – cette façon scandaleuse de tuer les rêves. Cela rend si triste. Car si on rit durant ce roman, on mesure le chagrin de cette inconduite, aussi.


Common Era par Belong est sorti le 21 mars 2011 sur le label Kranky.
L’Inconduite par Emma Becker sortira le 18 août chez Albin Michel.

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