S’il m’a fallu du temps pour aborder cette compilation disponible via bandcamp, c’est qu’il y une raison, enfin, plusieurs. Plusieurs pièces d’un puzzle que mon cerveau a mis du temps à assembler, le temps que plusieurs planètes s’alignent. Je vous raconte : d’un côté, une amie me demande quel groupe je ferais jouer dans un grand raout organisé par l’institution pour laquelle elle travaille dans ma ville européenne. Elle me demande si Sinaïve serait ok, je lui dis, en bon crypto impresario qui prendrait un pourcentage au passage (je plaisante, hein), que bien sûr. Mon amie insiste sur le fait que le groupe remplisse des critères de jeunesse et slash ou que ses membres soient inscrits à l’université. Je réfléchis ensuite des heures, des nuits, à quel autre groupe pourrait bien faire l’affaire si jamais le néo trio ne pouvait assurer la date. Panne plus ou moins sèche. Parallèlement, j’échange avec un ami qui s’occupe de la programmation d’une salle de bonne taille dans notre même ville. C’est le privilège de l’âge, pas mal d’amis sont aux commandes, c’est amusant. On échange sur une première partie possible (importante, dont on reparlera) et il me dit, tiens, pour Groupie, tu devrais écrire quelque chose sur Beatrice Melissa, un duo électro pop. Continuer la lecture de « V/A, Bienvenue au Club 1 (Bienvenue au Club) »
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Boo Hewerdine, Understudy (Reveal Records)
Pour tenter de restituer l’enthousiasme éprouvé à l’écoute d’un album, l’exercice critique consiste, la plupart du temps, à articuler tant bien que mal des arguments particuliers avec le registre générique de l’événement. Pour évoquer, à la fois, ce qui surgit de manière étonnante en modifiant la situation préalable et ce qui doit être considéré comme important, par sa valeur discriminante. Quel que soit le point de vue dont on le considère, ce nouvel album de Boo Hewerdine a tout d’un anti-événement. D’abord parce que, selon toute vraisemblance, il n’altèrera pas le flux tranquille d’une carrière au long cours, entamée dans les marges presque confidentielles il y a bientôt quarante ans. En groupe (The Bible, State Of The Union), en duo avec Eddi Reader ou Chris Difford et le plus souvent en solo : Hewerdine n’a jamais cessé d’accumuler régulièrement les jalons d’une œuvre dont un récapitulatif indispensable a permis, l’an dernier, de saisir quelques-uns des éléments obscurs et essentiels – Selected Works, 2021. Comparé aux épisodes précédents, ce qui semble être son quinzième album solo – à ce degré de profusion, les décomptes comportent sans doute une marge d’erreur – ne contient donc rien de radicalement neuf. Il n’apparaît pas non plus comme le point culminant qui dispenserait de tout retour attentif sur le long parcours qui l’a précédé. Ni révélation, ni chef d’œuvre ultime dans cet ensemble quatorze nouvelles chansons trop tranquilles. Et pourtant, sans la moindre prétention tapageuse à l’attention, elles ont fini par s’incruster dans le quotidien, évinçant au passage bon nombre de leurs concurrentes aux charmes plus immédiats ou plus clinquants. Continuer la lecture de « Boo Hewerdine, Understudy (Reveal Records) »
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Simon Love, Love, Sex & Death (Tapete Records)
Certains artistes ont le don très rare de ne jamais décevoir. C’est le cas de l’indispensable Simon Love, qui vient tout juste de nous livrer son troisième album solo Love, Sex & Death, sorti sur Tapete Records. Depuis ses premiers pas avec son groupe The Loves, il y a plus de 20 ans, le londonien n’a jamais changé d’obsession : écrire des tubes pops au classicisme assumé, dans le sillage des Beatles, des Kinks, des Monkees ou encore de Bob Dylan, sans renier bien sûr l’héritage britpop. Et comme tous les petits maîtres, Simon Love a su, en s’inspirant de ses idoles sans jamais les singer, développer son propre univers, fait d’humour décalé, d’autodérision, de textes doux-amers et de mélodies immédiatement accrocheuses. Continuer la lecture de « Simon Love, Love, Sex & Death (Tapete Records) »
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KG, Ein mann ohne feind (October Tone / Médiapop Records)
Il existe une contrée foutraque où ne résonne aucune loi, où la réalité n’est que celle que l’on se créé, où les stratégies sont forcément obliques. Bienvenue au pays des merveilles de Rémy Bux alias KG qui distille lentement mais surement et depuis déjà trente ans une electro-noise-lo-fi et dont le dernier album Ein mann ohne feind sort sur les labels associés October Tone et Mediapop Records, l’autre prescripteur pointilleux de chemins de traverses mulhousien.
Quelques décennies donc que le manitou de Sausheim, son village d’origine dans la banlieue mulhousienne qui abrite sa maison et son studio, multiplie les projets sous-marins des plus crédibles aux plus improbables, de l’initial et bruitiste Sun Plexus avec le guitariste Sébastien Borgo jusqu’à la formation à choix multiple de Ich Bin, embarquant parfois deux frères potaches survoltés aux blagues dignes des meilleurs feuilletons de Placid et Muzo, en passant par des activités d’ingénieur du son pour le label soigné et strasbourgeois Herzfeld, sans compter, à coup sûr, d’autres activités non cartographiées. Continuer la lecture de « KG, Ein mann ohne feind (October Tone / Médiapop Records) »
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Jeremy Ivey, Invisible Pictures (Anti-)
Il n’en faut pas nécessairement beaucoup pour sceller un pacte intime et inaltérable avec une poignée de chansons et leur auteur. En l’occurrence, il a suffi d’un titre et d’un refrain, à l’orée de ce troisième album de Jeremy Ivey. « My family tree is on fire / I don’t belong here / I’m an orphan child / But I’m better on y own. » Il y a quelque chose qui résonne avec une profondeur immédiate dans cette évocation teintée d’ironie d’une irrémédiable déconnexon générationnelle, sur fond de country-rock bringuebalant. On peut en partager, pour une large part, l’ambivalence complexe lorsque la défaillance des aînés préfigure le drame de la perte. Et y entendre à la fois un constat tragique, un souhait par défaut plus que par dépit, et un exutoire pour tenter de conjurer les béances de la généalogie. Continuer la lecture de « Jeremy Ivey, Invisible Pictures (Anti-) »
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Peter Doherty & Frédéric Lo, The Fantasy Life Of Poetry & Crime (Strap Originals)
Faute avouée est-elle toujours à moitié pardonnée ? Avec Peter Doherty, malgré une très sérieuse anglophilie musicale, je n’avais connu jusqu’à présent que des rendez-vous manqués. Même sa liaison avec Kate Moss ne m’avait pas convaincu de m’intéresser de plus près à ses chansons avec ou sans (je suis) Libertines – parfois à raison sans doute, mais j’imagine bien souvent à tort. Il existait jusqu’ici une seule exception notable, ce single de Wolfman si joliment intitulé For Lovers, une de ces ballade dépenaillées dont on ne sort jamais tout à fait indemne. Avec le Français Frédéric Lo, en revanche, on s’est souvent retrouvés : pour Crèvecœur bien sûr (Inutile Et Hors d’Usage jusqu’à la fin des temps), pour le beau disque avec Bill Pritchard (la très jolie balade Luck, en duo avec Étienne Daho ; la pop sautillante de Digging For Diamonds, qui reste dorénavant comme l’un des meilleurs titres de Madness circa 1985) et puis, pour quelques passions partagées aussi – l’album Voilà Les Anges de Gamine, au hasard et en souvenir d’une soirée d’automne clermontoise, passée accoudés à un bar de la vieille ville. Continuer la lecture de « Peter Doherty & Frédéric Lo, The Fantasy Life Of Poetry & Crime (Strap Originals) »
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Jazzoux, Quand Le Jus de Rythme… (In Paradisum)
La dernière et toute récente édition du festival Sonic Protest a pu confirmer l’excellente santé d’une scène aux frontières souvent délicates à cerner : entre bruitisme et arythmie, improvisation néo-free et recherche électronique, elle assume avec une souveraineté radicale le multiple héritage des musiques expérimentales. Au sein de cette constellation, Amédée de Murcia (Somaticae, Balladur, OD Bongo) et Claire Gapenne (Terrine, Headwar, Me Donner) en incarnent avec brio le versant free-beat, noise et industriel. Activistes et pivots d’une mouvance toute entière dévouée au culte du feedback, de la distorsion et du bug analogique/numérique, c’est avec un projet commun, Jazzoux, qu’ils nous reviennent ici. Marquant par la même occasion le retour de l’excellent label In Paradisum, ce disque au titre improbable, Quand Le Jus De Rythme…, impose une sorte de No Techno sauvage et abrasive. Continuer la lecture de « Jazzoux, Quand Le Jus de Rythme… (In Paradisum) »
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Daniel Rossen, You Belong There (Warp / Kuroneko)
De l’estime, certainement. De l’admiration, parfois. Les sentiments que nous avaient inspirés jusqu’à présent les contributions cumulées de Daniel Rossen aux œuvres de Department Of Eagles ou de Grizzly Bear n’avait jamais dépassé, il faut bien l’avouer, ces considérations teintées d’intellectualisation un peu distante et qui constituent généralement autant d’obstacles insurmontables à l’expression spontanée de la passion musicale authentique. Celle qui, à l’instar du sentiment amoureux, ne saurait se nourrir de la seule reconnaissance des qualités objectives de l’être élu. Il demeurait toujours comme un écart infranchissable, une pointe d’ennui mêlée d’incompréhension ou de déception à l’écoute de ces bibelots sonores, brillants et sophistiqués, devant lesquels, tragiquement, on ne pouvait s’empêcher d’attendre ce qu’ils étaient incapables d’offrir : un peu d’évidence, un semblant de relâchement formel ou tout simplement un refrain. Rien n’a vraiment changé et ce premier album solo ne contient, en apparence, rien qui soit susceptible de satisfaire davantage ces attentes inadéquates. Et pourtant tout est différent. Continuer la lecture de « Daniel Rossen, You Belong There (Warp / Kuroneko) »