Vanille, La clairière (Bonbonbon)

Certaines personnes ont pour mission de remettre de la tendresse et une pincée de féerie dans nos cœurs, d’y apporter un rayon de lumière pour sortir des bois sombres et touffus. La clairière, deuxième album de l’autrice-compositrice-interprète canadienne Rachel Leblanc, connue sous son nom de scène Vanille, embarque des balades pop-folk aux airs faussement simplistes et désinvoltes. Ce deuxième album, signé avec le label indépendant Montréalais Bonbonbon, ne se prive pas de mélancolie et aborde discrètement des sujets teintés d’amertume tels que ceux de l’oubli et de la rupture amoureuse. Connue pour des chansons rock indé adulescentes, Vanille offre ici un disque mature où se côtoient folk sixties façon Shirley Collins, Vashti Bunyan ou Bridget St John et certains accords pop-rock qui ne sont pas sans rappeler les débuts de Lush, période Sweetness and light ou Etheriel.

VanilleLa clairière, c’est également là où Rachel Leblanc reprend les rênes de sa créativité. En décidant d’assurer la direction artistique de l’album “Puisque ce nouvel album est beaucoup plus symbolique pour moi en tant qu’autrice, j’ai décidé de le réaliser moi-même. En tant que femme dans l’industrie de la musique, je suis souvent contrainte au rôle d’interprète. […] J’ai cependant la certitude que mon sens du goût, ma vision artistique claire ainsi que l’équipe compétente que j’ai assemblée me permettront d’arriver au bout de mes ambitions.” Elle parvient à créer un monde riche, à la fois idyllique et nostalgique, un lieu refuge sauvage et bigarré. Un peu comme si Miki Berenyi et Michel Legrand s’épousaient dans un film de Jacques Demy.

Il faut aussi être un peu confortable dans sa folie, dans sa complexité et sa sensibilité, pour embrasser des univers apparemment naïfs tel que celui de M’as-tu vu passer ? où une pop sixties revisitée évoque April March et où les inflexions vocales en cordes fines et résonnances nasales sont inspirés des tous premiers France Gall. Pour mettre en forme cet univers baroque convoquant aussi Waterhouse, Fitzgerald et Hildegarde von Bingen, Rachel s’est entourée de l’artiste Kaël Mercader pour styliser la pochette et de la technique du producteur réputé Alexandre Martel ainsi que d’une panoplie de musiciens. Enregistré au studio Wild en plein cœur de la forêt québécoise sous le rayonnement bucolique de la première neige de novembre, l’album assume son versant folk puisque Vanille a troqué sa guitare électrique contre une acoustique et s’est fait accompagner de raffinés et élégants ensembles de flûtes traversières, de clarinette basse et de saxophone ténor saupoudrés d’instruments inhabituels tels que l’autoharpe et le clavecin qui contribuent à créer son univers fantaisiste. La dimension acoustique est renforcée par les carillons, shakers, cloches, et autres tambourins qui ajoutent de l’impact à des chansons comme le central et ironique À bientôt.

Instinctives, narratives et imagées, les chansons sont volontairement dépouillées. À ce propos, Vanille dit : “Les mois d’isolement forcés (…) m’ont confrontée à plusieurs difficultés émotives et physiques. Pour m’aider à faire face à ces nouvelles réalités anxiogènes sans perdre la tête, j’ai voulu composer des chansons qui me permettaient de voyager mentalement dans des lieux de paix, de calme et de grandeur ; mes états d’âme et mes angoisses urbaines se mélangent avec une fascination pour la simplicité de la vie de campagne et un nouveau fétichisme des grands espaces.” Histoires d’amour déchues, déracinement et détachement se reposent dans cette Clairière favorisant un retour à soi élargi qui enfante une Rachel Leblanc plus confiante, plus assumée dont le dernier morceau de l’album Quand la neige tombe laisse présager une suite plus brute, affirmée et prometteuse.


La clairière par Vanille est sorti chez Bonbonbon.

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