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Vu d’ici : sous la neige et le printemps

L’entre-deux tours entre l’Ohio et la France.

Photo : Adrienne Lenker (Big Thief) via sa page Facebook
Photo : Adrienne Lenker (Big Thief) via sa page Facebook

Tenir pour fil conducteur d’une écriture le temps – météorologique – qu’il fait m’intrigue pas mal : c’est toujours de temps dont il s’agit, le temps dehors et les tempêtes intimes, les légères brises, les gels et les chaleurs qui font par leur collection que l’on se dira plutôt en été, ou plutôt en hiver. Dehors, et dedans. Ni dehors, ni dedans : là. Ici. Maintenant.
Du temps, des moments, leur apparition et leur disparition.
J’étais pour une dizaine de jours et des circonstances familiales dans l’Ohio, d’où j’ai suivi les résultats du premier tour des élections présidentielles, les journées précédentes, les journées suivantes, en compagnie d’ami·es et de la famille de ma compagne.
Il y avait d’importantes dissonances météorologiques ici comme dans le là-bas d’alors, en France, les pieds dans la neige et les récoltes au tombeau pour la deuxième année de suite.
Il y avait aussi les questions, les discussions, l’immense curiosité – les rouages de la baroque élection à deux tours de suffrage universel de la Cinquième République méritant un nombre d’explications pas moins élevé que les rouages de la baroque élection à un tour de suffrage indirect des États-Unis.
Chacun ses scandales, et ses vertus, et ses peurs. Continuer la lecture de « Vu d’ici : sous la neige et le printemps »

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The Apartments, hier, aujourd’hui et demain.

Alphaville (1965) de Jean-Luc Godard
Alphaville (1965) de Jean-Luc Godard

Ce matin même, je réécoutais In And Out The Light – ai-je d’ailleurs cessé de l’écouter ? – quand mon cœur s’est, comme à chaque écoute, emballé lorsque la voix de Peter Milton Walsh a lâché ces mots magnifiques : « If I could, l’d put some blue sky in your head ». Pendant un instant, je n’étais plus sûr des mots que j’entendais, – est-ce head que j’entends ou est-ce hair ? -. C’est comme si un coup de pinceau s’était posé sur cette toile musicale – head est effacé, le pinceau pose hair -, la phrase devient alors : « If I could, l’d put some blue sky in your hair ». La lumière de la chanson se transforme, elle devient plus douce – ou différente – mais reste toujours aussi belle. Les images, les souvenirs, changent eux-aussi, nous sommes ensemble, elle et moi, nos regards sont entremêlés, nos cœurs aussi, et avec le revers de ma main, j’écarte avec tendresse ses cheveux… Continuer la lecture de « The Apartments, hier, aujourd’hui et demain. »

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Darklands, 34 ans plus tard.

The Jesus And Mary Chain viennent de clore leur tournée Darklands, section26 y était en famille.

The Jesus And Mary Chain
The Jesus And Mary Chain à La Rodia, Besançon / Photo : Michel Valente

Si on avait dit aux frères Reid, lors des premiers concerts des Jesus and Mary Chain au printemps 1983, qu’ils se produiraient encore sur scène près de quarante ans plus tard, la chose leur aurait certainement semblé tout à fait improbable. On peut même trouver miraculeux que les deux enfants terribles d’East Kilbride soient encore debout aujourd’hui après avoir traversé tant de tempêtes. Les innombrables engueulades allant parfois jusqu’à la violence physique, les récurrentes descentes aux enfers dans les affres de l’alcoolisme et la fatigue engendrée par une vie d’excès en tout genre auraient dû avoir leur peau. La séparation du groupe en 1998 n’aura pourtant été qu’une pause, et depuis leur reformation en 2007, les démons du passé semblent avoir été définitivement exorcisés. En témoignent leur présence régulière sur scène et la sortie de Damage and Joy en 2017, leur premier disque en presque vingt ans.

A écouter : Transmission#68, un entretien avec Jim Reid réalisé par l’équipe de Section26 et Nicolas Sauvage à La Rodia à Besançon lors du passage de la tournée Darklands de The Jesus And Mary Chain.

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IndieSide, l’élégance vraie

Montse, l’auteur, Luis, Antonio Luque et quelques autres, un soir de mars 1995 / photo : Nathalie Paco

Si beaucoup d’entre nous sont devenus avec le temps familiers de la Movida, peu savent qu’au début et au mitan des années 1990 la scène indépendante espagnole a connu une effervescence assez folle, où le bruit, les mélodies, les structures indie, la techno intelligente et la mélancolie fricotaient avec candeur et insouciance… Un joli projet de livre de photos a pour ambition de rappeler tout cela. Continuer la lecture de « IndieSide, l’élégance vraie »

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Mendelson, Le Dernier Disque

Mendelson
Mendelson lors de l’enregistrement de ce dernier album.

C’est une vieille histoire.

Susurrée, de vieux trucs censément parlants, de vieux trucs censément beaux. Sauf que tout, toujours, est vieux, donc je peux enlever ce mot.

Quand Je ne veux pas mourir nous explose les tympans sur une compile de rentrée des Inrocks – tiens – on a déjà fini – de ne pas être vieux – de ne pas être – on a déjà conscience que – disparaître – ce n’est pourtant que le lycée, encore.

J’ai toujours aimé Mendelson, l’idée de Mendelson, et pourtant ces histoires de deux batteries, de contrebasse, de tout ça, m’ont toujours – un peu – fait chier. On s’en fout, c’est vrai, il y a du zim boum et du boum boum, il y a des basses fréquences pour élargir le spectre, ça suffit et le reste ressort de – si j’ai la flemme de l’empathie – ressort de l’indulgence. Sauf qu’avec des paroles pareilles, on ne peut pas – on ne peut pas jouer au free rock – au free truc – on ne peut pas jouer à l’adulte.

Mais, quand même, c’est beau. Continuer la lecture de « Mendelson, Le Dernier Disque »

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« Pourquoi aimes-tu Billie Eilish ? »

Tel Bartelby, je préférerai ne pas. Ne pas quoi ? Ne pas écouter Billie Eilish. Je ne me sens pas légitime – « T’es pas trop vieux pour ça ? » – et puis, les vieux réflexes qui reviennent, et qui me fatiguent : y chercher – et trouver ? – des échos du passé, jouer le donneur de leçon, voire le vieux con – « C’était mieux avant » -. Pour ces raisons, j’ai préféré, pendant longtemps, laisser à cette jeunesse à laquelle je n’appartenais pas, ses disques, ses chansons et n’écouter que des choses qui faisaient le lien avec les disques qui m’avaient, on va dire, construit. Je ne sais plus ce qui m’a alors conduit à m’intéresser à Billie Eilish mais je me souviens très bien de la réaction de ma fille, surprise forcément, quand elle s’est aperçue que j’écoutais I love you, moi qui n’avais jamais témoigné la moindre émotion, ni le moindre intérêt, aux musiques qu’elle écoutait. Elle aurait pu être écœurée – à sa place, à son âge, si j’avais surpris mes parents en train d’écouter un de mes disques, je l’aurais été – mais ce dont je me souviens c’est son sourire. Nous sommes tous les deux sur le canapé, je lui rappelle alors ce moment. Face à nous, sur l’écran, la photo d’une Vierge aux yeux baignés de larmes.

NDLR : Pour une meilleure lecture de cet article, nous vous conseillons d’écouter simultanément l’album dont le lien se trouve à la fin de l’article.

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Christian Lee Hutson & Shamir reprennent « Just Like Heaven » de The Cure

Anges du bizarre, bords de falaise & considérations émotives autour d’un joyau pop bien connu.

Il y a de ces soirs où on écoute d’une oreille distraite les nouveautés du moment, juste par ennui ou par errance totalement contemporaine, sur YouTube par exemple et principalement. Dans le grand fourre-tout du zapping incessant, on essaie tant bien que mal d’entretenir sa foi, son désir de trouver au détour d’un clic une lumière éclatante et vibrante. La quête est peut-être trop ambitieuse, l’abandon est à deux doigts de se produire. Et pourtant, à défaut du rayon puissant d’un phare dans la nuit des temps mornes dont la permanence nous désespère, une petite lumière se pointe là comme ça, pas vraiment géniale mais si douce qu’elle réactive soudain la pompe à sang. Continuer la lecture de « Christian Lee Hutson & Shamir reprennent « Just Like Heaven » de The Cure »

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Bruxelles, ma belle

Un souvenir de 1973 : les Stones au Forest National.

The Rolling Stones, Forest National de Bruxelles, le 17 octobre 1973. Photos : Alibert/Palisson
The Rolling Stones, Forest National de Bruxelles, le 17 octobre 1973. Photos : Alibert/Palisson

Il y a quelques mois mon cher papa me raconte au téléphone qu’il a retrouvé dans ses archives des photos rares du fameux concert des Stones au Forest National de Bruxelles d’octobre 1973 — mi blagueuse, mi sérieuse, je lui dis : « chiche de nous écrire un article ! » Entre temps, des confinements et des mesures gouvernementales à géométrie variable bouleversent le fil du temps et retardent la publication de ce billet d’humeur… mais voilà que l’actualité nous rattrape et emporte sans crier gare Charlie Watts, « le génie du toujours un peu avant ou un peu après » (Étienne Greib dixit). On peut l’apercevoir ici nuque longue toute seventies et sourire complice dirigé vers Jagger, ce souvenir photographique suspendu à l’éternité en guise d’hommage à lui et à toutes celles et ceux dont les oreilles ont un jour vibré au son de sa rythmique rien qu’à lui.

The Rolling Stones, Forest National de Bruxelles, le 17 octobre 1973.
The Rolling Stones, Forest National de Bruxelles, le 17 octobre 1973. Photos : Alibert/Palisson

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