2019, c’est pour moi une année à placer sous le signe de l’Espagne. Parce que Madrid dans la chaleur étouffante du mois de juillet (“neuf mois d’hiver, trois mois d’enfer”, insiste le dicton), ses musées, son Retiro, le quartier de Malasaña, les verres de Rioja, The Cure à presque minuit ; parce que les retrouvailles avec Joan qui, depuis la dernière fois que l’on s’est vu en chair et en os (plus d’une décennie, je crois), est devenu un personnage clé de la scène indé de là-bas et d’ailleurs aussi ; parce que quelques jours plus tard, l’exposition sur La Movida aux Rencontres photographiques d’Arles, ce mouvement qui pour moi est sans doute mon mouvement punk, celui que j’ai en tout cas vécu au plus près – même en habitant un peu loin. Continuer la lecture de « Décima Víctima, le crime était parfait »
Ça commence par quelques notes de banjo et cela se confond avec toutes les images que l’on peut avoir des chansons de Sufjan période Seven Swans (2004). Composée probablement à cette même époque, rien ne diffère jusqu’à l’intrusion d’une légère inversion dans les thèmes chrétiens : « Silent night, nothing feels right ».
That Was the Worst Christmas Ever !tourne en boucle dans mes petits écouteurs alors que j’attends, glacé de solitude et de colère, à la frontière israélienne dans un bus un peu boiteux où cohabite plus ou moins bien quelques rares touristes et des arabes israéliens qui rentrent à Jérusalem-Est. Nous sommes le 24 décembre et je suis seul comme un con à Bethléem. Continuer la lecture de « À Bethléem, le 24 décembre »
Un live en vidéo pour les 40 ans de carrière du groupe anglais
And Also The Trees / Photo : Sébastien FD
C’est le 15 mai 1984. C’est le parvis du Zénith à Paris, un mardi soir avec beaucoup de gens en noir. C’est The Cure qui revient deux ans après l’Olympia, l’implosion presque en direct, le renvoi de Simon Gallup, la guérison par des singles pop, la sortie récente d’un nouvel album marqué par la drogue et le psychédélisme. C’est l’excitation palpable du public présent avant que les lumières ne s’éteignent, mais c’est aussi le public qui se pose une vraie question : « Qui en première partie ? » Pour beaucoup, ce doit être And Also The Trees, un groupe anglais dont le nom est parvenu jusqu’aux plus érudits car depuis quatre ans, il est parfois associé à celui de The Cure. Scènes partagées, une cassette confidentielle publiée en 1982 produite par Robert Smith et Mike Hedges, un premier single, paru un an plus tard, et un premier album, sorti en 1984, produit par Lol Tolhurst : ça laisse quand même beaucoup de probabilités. Mais finalement, à 20h30 presque tapantes, c’est la silhouette de Smith qui se dessine dans la pénombre et les lumières blanches de la salle parisienne… Continuer la lecture de « And Also the Trees : Nouvel horizon »
Il avait hésité. C’est ce qu’était encore la vie de mon père, à 40 ans : une hésitation. C’était avant le chômage, et la certitude d’avoir définitivement perdu. Il avait hésité puis laissé sa main choisir : ce ne serait pas le disque de Madness qu’il ramènerait à la maison, également sur les rayonnages du supermarché où il avait fait halte en quittant le bureau, mais The Age of Plastic, le premier album d’un duo britannique, The Buggles, dont le premier single Video Killed The Radio Star allait bientôt faire pivoter l’axe de rotation de la Terre, et dont la pochette graphique semblait tendre des passerelles de fils colorés vers ses Rotring et sa planche à dessin, ses outils d’ouvrier. Continuer la lecture de « I Love You (Miss Robot) – The Buggles »
La date, c’est le 22 mai 1996. Tu as tout juste quinze ans, autant dire pas grand-chose – tu peux le dire maintenant, même si c’est faux –, et la grand-messe c’est Nulle Part Ailleurs, chaque soir. Tout est en train de se passer, ou tout va se passer. Philippe Gildas agite un magazine avant le groupe du soir, tu es dans la distinction – le vélo, pas le foot, le Velvet, pas les Red Hot – pour des raisons d’agencements et de hasards. Tu es prêt. C’est une semaine importante, dans quatre jours Blur va passer à Taratata, va inviter Terry Hall pour un duo et ton grand-frère va acheter Parklife peu après, à la bourre donc mais enfin, à la bonne heure, Trainspotting est à Cannes, c’est maintenant. La grande mue, les cheveux courts, la pop. Continuer la lecture de « The Go-Betweens : 4 minutes pour changer ta vie »
A propos de « For the Beauty », le nouveau titre des Tindersticks.
Un film, sur grand écran. Les images sont en noir et blanc. La scène se passe dans un appartement, une lumière faible nimbe la pièce principale d’un halo hésitant. C’est une chambre, un lit double, des draps blancs, un couvre-lit sombre. C’est la nuit et une femme se tient dans la pénombre. Près de la fenêtre entrouverte. On entend monter les bruits de la ville, comme étouffés et pourtant présents, une sirène de police, un chien qui aboie, des voisins qui se disputent. Continuer la lecture de « No treasure but hope »
« L’avenir de la musique !? Le passé est tout ce que nous avons. Le futur est tellement ennuyeux… » Je me souviens que cette réponse du génial Ariel Rosenberg m’avait soufflé, alors que je réalisais ma première véritable interview — qui plus est avec l’idole qui m’avait donné envie d’écrire sur la pop moderne. Cette assertion inattendue, évidemment provocatrice, était bien aux antipodes du cool tel qu’il était défini en cette année 2010 alors que le monde connecté faisait encore mine de croire, chaque mois, à l’embryon d’une nouvelle révolution musicale. Continuer la lecture de « Ariel Pink’s Haunted Graffiti : Le pot aux roses »