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La Chemise

Au sujet de la sortie du coffret Deluxe de « Power, Corruption & Lies » de New Order

La chemise
La chemise / Photo : Étienne Greib

Il y a environ 25 ans, je collaborais à un fanzine top délire dont l’intitulé Panzerfaust has Sex W/ Bobby Briggs laissait entendre qu’on en avait suffisamment rien à foutre – et pourtant, la vie nous prouverait le contraire – pour tout se permettre.
Douce ironie des post slackers associés à la malévolence des riot grrrls, nous étions d’une idiotie rare et encore juvénile malgré nos quarts de siècle. Je me souviens que j’avais fait un petit mot d’humeur sur le coffret des Pet Sounds Sessions des Beach Boys qui sortait à l’époque (Pfiou, time flies, comme ils disent au pub) où j’ironisais fièrement sur le comportement parfaitement rétrograde qui allait devenir le moi d’après. Continuer la lecture de « La Chemise »

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Landfill Indie : retour sur l’indie-rock des années 2000

The Cribs
The Cribs / Photo : Steve Gullick

Depuis quelques mois, le débat sur le Landfill Indie resurgit dans les pages (virtuelles) de la presse anglaise, notamment chez Vice, The Guardian, ou le NME (qui le défend bien sûr). Le nom attribué à ce genre a de quoi surprendre, Landfill signifiant littéralement décharge. Dans la grande tradition des genres aux noms moqueurs (Shoegaze, Krautrock), le nom s’imposera-t-il définitivement ? Peut-être comme de nombreuses autres insultes, il sera porté en étendard par ceux qui en ont été victime. Continuer la lecture de « Landfill Indie : retour sur l’indie-rock des années 2000 »

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L’Italie me manque

ou l’écoute de façon continue de « Immensità » d’Andrea Laszlo de Simone

Il n’y aura pas d’Italie cet été, et pour me consoler de l’absence de mes paysages familiers, j’écoute de façon continue le dernier album d’Andrea Laszlo de Simone, Immensità, sorti au début du printemps 2020. De façon continue et en boucle tant l’album est court. Il ne comporte que quatre titres et dure vingt-cinq minutes et quelques secondes. ll n’y aura pas d’Italie mais il y a la mer, celle de Marseille d’abord, celle de Corse bientôt après les onze heures de traversée nocturne qui doivent me mener à Ajaccio, retrouver les miens. Continuer la lecture de « L’Italie me manque »

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The Damion inside me

Retour sur un album de Tim Hardin, « Suite for Susan Moore and Damion » (1969)

Tim & Damion Hardin

Comment peut-on à ce point, et en toute mauvaise foi, s’accrocher à une promesse, comme d’autres à un rêve ? Depuis le temps que je ressasse tout ça, il est pourtant à peu près clair que jamais je ne me déciderai à rendre visite à Damion.

Damion et moi avons sensiblement le même âge. Je suis né une poignée de jours avant l’accident de moto de Dylan, et lui peu de temps après. Il passa d’ailleurs ses premières années près de Woodstock, à quelques encablures de là où un Bob Dylan convalescent portait le deuil de sa Triumph 500 fracassée. Ensuite, la majeure partie de son enfance eut pour cadre Hanover, New Hampshire. Dans le pli des 70’s, 220 miles tout au plus nous séparaient. A 8-9 ans, nous avions les mêmes jeux, probablement la même vie, à l’absence d’un père près. Continuer la lecture de « The Damion inside me »

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À la recherche du poptimisme

Frank Zappa

« Les journalistes de rock sont des gens incapables d’écrire qui interviewent des gens incapables de parler pour des gens incapables de lire » avait dit un jour Frank Zappa. Cette phrase prend un sens particulier dans le contexte actuel. Si le journalisme musical a accompagné pendant de nombreuses années la pop en témoignant sur son époque, il semble aujourd’hui être dans une phase de transition (si on est gentil) voir amener à disparaître (si on est pessimiste). Pendant longtemps, en plus d’être un observateur, un des rôles du critique était d’être un guide d’achats. Cette fonction n’a plus lieu d’être en 2020 tant la musique est facilement accessible avant d’éventuellement l’acheter (autre geste déclinant). Ce questionnement s’ajoute à un autre : le poptimisme. Au cœur de la critique des objets culturels (cinéma, musique, littérature…), cette approche influence la manière dont nous percevons les œuvres. Le poptimisme est un vrai trait de notre époque. S’opposant au rockisme, elle influe les sujets et leurs traitements, définissant les contours de la critique en 2020. La récente liste des meilleurs albums de la décennie du vénérable site Pitchfork en est une éclatante démonstration tant elle diffère de l’occurrence précédente. Le concept est pourtant assez ancien, de même que le débat autour. Peut-être surtout cantonné à la sphère anglophone, à notre tour de mettre une pièce dans la machine et voir ce qu’il en sort. Continuer la lecture de « À la recherche du poptimisme »

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« He went in the piano » : note sur l’obsession, note sur une démo de « Surf’s Up »

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Brian et son piano, 1971.

Grâce au mode aléatoire qui agite le quotidien — rencontres impromptues de telle heure et telle œuvre —, il se trouve que je découvrais pour la première fois la démo de la piste des Beach Boys, Surf’s Up, dite « solo version » — ce qualificatif…  — alors que je tournais les dernières pages de l’essai Pierre Sky l’Enchanté de Sébastien Smirou (Marest Éditeur). Le soleil se posait en fines bandes sur le gazon en filant dans la dentelle des frondaisons. C’était le Jardin du Luxembourg et au loin, les sifflets des gardiens du Sénat résonnaient. C’était un soir d’été. J’ai voulu pleurer. Je n’y suis pas parvenu. C’est resté à l’intérieur. La voix, qui ressemble à la voix que j’avais dû avoir avant de muer, terminait : « a children song… » Il s’en suivait des vocalises qui assuraient ensuite l’intégralité de la mélodie. Le piano, sur Surf’s Up, n’offre qu’une variation d’accords en boucle, une stricte modulation qui constitue le cercueil de la chanson. Un nuage fin passe dans le ciel de Paris, c’est quasiment du répit. Et enfin, Brian, qui dit, penaud, let’s hear that : l’accident est gravé sur les sillons du studio. Continuer la lecture de « « He went in the piano » : note sur l’obsession, note sur une démo de « Surf’s Up » »

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What’s your pleasure?

Extrait de la vidéo de Jessie Ware « What’s your pleasure ? » (Dance version)

C’est déjà la fin de juillet et je n’ai pas dansé. Je n’ai posé le pied sur aucun dancefloor, je n’ai vu tourner aucune boule à facettes, je n’ai transpiré sous aucun néon. Je n’ai enfilé aucun top glitter, aucun microshort, aucun talon pailleté. A la place, j’ai juste porté un masque. Parfois je me demande si cela arrivera à nouveau, pouvoir danser serrés les uns aux autres, les yeux fermés, la bouche entrouverte, le corps tout entier tendu vers les pulsations d’une chanson qui fait d’une foule en extase un seul corps humide dans la chaleur de la nuit. Continuer la lecture de « What’s your pleasure? »

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Le fond de la pop #1 : « la maladie de notre temps »

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Träumend / Miriam Cahn

Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit

Fugue de mort, Paul Celan.

Il y a toujours la possibilité d’une circulation dans la solitude. La solitude, dès lors qu’elle creuse son propre puits, dresse une carte dont les écailles et les archipels sont autant des souvenirs que des bruits, autant des inquiétudes que des couleurs. Or, la grande stupeur qui nous prend quand on s’y agenouille tient à cela : elle fait tenir sur un plan unique une boucle qui désordonne la vie. À sa fin, si nous l’atteignons jamais, sur le dernier rivage de son lac noir, tout se mêle. L’entrelacs de dimensions qui habitent ce puits bave. Ses composantes s’effondrent les unes dans les autres. La vie entière tient à des tâches d’acrylique dans l’eau : désordre. Elles nous apparaîtront plus tard, laiteuses et fondues, dans la texture de quelques nuits, à la lisière d’un souvenir d’enfance, sur le seuil d’une phrase où tout se brouillera. Il faudra alors les rendre à leur ventre, à leur liqueur séminale, à la solitude. Continuer la lecture de « Le fond de la pop #1 : « la maladie de notre temps » »