De salles de concert en disquaires (notons également le rayon chat du supermarché), Elsa Kuhn ne manque jamais un détour par un magasin de couture. Feutrine et fils de toutes les couleurs sont la base de son œuvre : des albums de légende réinventés par sa main précise, avec un soin du détail incroyable. Depuis son atelier-cocon de Bastille, elle prête son inspiration à ceux dont la musique est, comme pour elle, essentielle à leur vie. Après une exposition au Yeah Festival l’an passé, la voici en région parisienne pour l’édition 2023 du BBMix, qui accueille ce week-end A Certain Ratio et Arab Strap à Boulogne-Billancourt. En guise de présentation quatre étoiles, nous vous proposons le texte d’introduction à son livre publié aux éditions Le Boulon, signé par JD Beauvallet. Comme le disait notre bien-aimé Etienne Greib, également en préface de ce livre : « Ce n’est pas rien. »
Si vous lisez Section26, vous savez combien on a adoré l’arrivée de Stéphane Milochévitch dans le paysage francophone de la chanson d’ici, sous le nom de Thousand bien sûr, avec deux disques Le tunnel végétal(2018) et Au paradis (2020) et cette suite qui en est une sans l’être, La bonne aventure, sous son propre nom. C’est toujours sur le label Talitres, fidèle refuge bordelais de cette aventure qui prend des proportions inespérées (un article du journal Le Monde, des passages sur France Inter…), mais compréhensibles tant l’ex-Thousand donne le vertige avec sa chanson incroyablement personnelle et sa façon d’écrire kaleïdoscopique : télescopage d’images, d’expressions, de mots, de couleurs, sans cesse en mouvement, toujours différent d’une écoute à l’autre. On avait évidemment envie de lui poser quelques questions, avant son premier concert parisien au Point Ephémère sous son nouveau patronyme, jeudi 23 novembre. Continuer la lecture de « Stéphane Milochévitch : « L’important est de rester soi-même à tout prix » »
Soleils noirs, le cinquième album des Marquises, est sorti vendredi dernier, et il ne semble pas exagéré de dire qu’il s’agit du disque le plus aventureux, le plus radical (et là le terme de radicalité très souvent utilisé à tort et à travers semble approprié) du collectif lyonnais ou, devrais-je dire pour être plus exact, de Jean-Sébastien Nouveau, cette fois seul maître à bord ou presque. Presque car les deux longues compositions de vingt minutes chacune sont traversées par les nappes de violon de la musicienne Agathe Max. Il faut prendre le temps d’écouter ce disque élégiaque tranquillement et d’une traite- c’est préférable- car une écoute inattentive pourrait faire croire que les deux morceaux se ressemblent ou sont trop proches. Proches ils le sont dans la tension qui les parcourt, et pourtant il me semble que l’un est l’envers de l’autre. Continuer la lecture de « Les Marquises, Soleils Noirs (Les Disques Normal) »
Alain Pacadis, c’était le “Reporter de l’underground”, celui qui avant tout le monde et mieux que quiconque avait su capter l’énergie du punk et l’amener jusqu’en France, chroniquer les nuits folles et scintillantes du Palace ou des Bains-Douches pour embarquer tout lecteur des articles de nightclubbing (dans Libération) avec lui vers la fin des seventies, de concerts branchés en soirées disco décadentes, entrer en bonne compagnie entre les enfers et paradis artificiels. L’homme a marqué de son empreinte les années 1980, musicalement et journalistiquement, incarnant l’exubérance de la mode et les folies du nightclubbing. Mais comme tout être intense, il peut avoir plusieurs visages dont un plus intime, plus réservé, moins connu puisque moins mondain. Et ce (premier) roman nous offre cette délicieuse Face B d’Alain Pacadis, en évitant la biographie amalgamant les stéréotypes, en nous plongeant dans une vie trouble, claire, touchante, via une écriture étonnante et très littéraire. Continuer la lecture de « Charles Salles, Alain Pacadis, Face B (La Table Ronde) »
« Dans ma vie j’ai du prendre plus de 6000 doses de LSD. » Au moins c’est clair dès le début, Gary Young aura du mal à s’extraire de l’image d’un histrion toxique et intoxiqué. Que ce documentaire va toutefois tenter de dissiper en partie, mais pas assez. Imaginez, vous êtes Stephen Malkmus, branleur génial en banlieue californienne, vous faites ou voudriez faire un groupe, vous faites la chose plus ou moins par-dessus la jambe et là, vous tombez sur votre mauvais génie. Un freak, un vieux hippie aguerri aux choses du métier. A son niveau, mais le niveau rejoint le génie en jachère de ses nouveaux petits protégés. Continuer la lecture de « Musical Ecran 2023 / « Louder Than You Think, a Lo-Fi History of Gary Young and Pavement » de Jed I. Rosenberg »
« Des regards tout mous de demi hommes, d’enfants de 30 ans, de demi hommes, pas comme les hommes d’avant, ceux dont on parlait dans les films »
Là où il semblait que son précédent effort Saint Guidon, paru en 2019, cherchait à arrondir les angles en trouvant une hypothétique et fantasmée voie de sortie vers une sorte de variété apaisée, La porte s’ouvre vers un territoire moins balisé et pas moins intéressant. Clairement défini par son introduction comme un disque de rupture amoureuse, il permet une catharsis âpre à son auteure qui – on s’en doutait – n’est pas là pour jouer les demoiselles en détresse. Continuer la lecture de « Charlene Darling, La porte (Disciples) »
Le collectif TRUC continue son petit bonhomme de chemin dans les marges des marges, en toute discrétion, comme s’ils sortaient d’une aventure d’une série inédite de Franquin, genre des aventuriers à la Spirou et Fantasio à la recherche d’enregistrements perdus d’un gaffophone oublié. C’est ce qui nous vient en tête quand on échange avec eux à propos de ce numéro nouveau de leur série de compilations cassette. Ce coup-ci, ils se sont mis en tête de sortir une Golden Cassette, tentative humble et fauchée de donner une suite, sinon une alternative à ce disque en or envoyé par la NASA par les sondes Voyager dans les années 1970, et contenant des enregistrements sonores de notre planète. Ceux qui lisaient Pif Gadget quand ils étaient petits ont sans doute garder précieusement une petite plaque de métal doré avec un homme et une femme à poil faisant un salut poli et distant à destination de nos amis extraterrestres. Bref, TRUC a réuni des artistes du monde entier pour faire le point sur notre époque, un petit polaroid qui se développera en partie au Cirque électrique le 10 novembre à Paris. Ne manquez pas le lancer de la cassette dans le ciel, à l’aide de ballon gonflé à l’hélium, c’est tellement plus poétique que des lanceurs à carburants. Continuer la lecture de « Le collectif TRUC lance sur orbite une Golden Cassette ! »
Peter Milton Walsh / Photo : Sébastien Faits-Divers
Samedi 4 novembre 2023, sous un ciel d’automne noir d’encre, Peter Milton Walsh avait posé sa guitare aux Vinzelles, un lieu dont on dit depuis quelque temps qu’il rend possible l’impossible – mais pour croire à cela peut-être faut-il y avoir vu Frédéric Lo et Bill Pritchard jouer dans la moiteur du printemps l’album Parce Que…. Ou peut-être faut-il avoir été parmi la centaine de personnes présentes samedi dernier à ce concert, pour lequel l’artiste Australien était juste accompagné à la perfection par le guitariste Antoine Chaperon. Parce que ça a été le genre de concert dont on ne peut pas sortir indemne – et dont on sait qu’il y aura forcément un avant et un après. (Ici, je pourrais sans doute parler de The Cure 1984, New Order 1985, Echo & The Bunnymen 1987, Nick Cave 1988, The Go-Betweens 1989 […], Peter Milton Walsh 2009, mais on pourrait y passer plusieurs soirées).
Si l’on avait quand même pas mal fantasmé (avouons-le) sur ce moment – qui durera plus d’une heure et demie, avec des chansons nouvelles, des classiques métamorphosés par la voix d’un Walsh au meilleur de sa forme et quelques anecdotes pince-sans-rire –, la réalité a été bien plus belle que les fruits de notre imagination. Mieux que cela : la réalité sera même beaucoup plus belle que ce que notre mémoire plus ou moins neuve nous offrira dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois. Car ce concert a été filmé par Sébastien Faits-Divers, un passionné d’images et de musique qui avait déjà croisé la route de The Apartments à Lyon il y a cinq ans – c’était aussi l’automne, la pluie et la mélancolie de couleur bleue. Sébastien a dévoilé aujourd’hui un premier extrait de ce moment comme suspendu, une version bouleversante d’une chanson écrite par Walsh à l’âge de 25 ans. Une version bouleversée qui vient prendre rendez-vous avec l’éternité.