Cœur Sacré, un hommage de Frédéric Lo à Daniel Darc (Universal Music France / Virgin Music France)

On se lasse de tout sauf d’aimer. Si j’avais pu lui parler, une minute, rien qu’une toute petite minute, j’aurais aimé lui dire ça à Daniel Darc, ces quelques mots. Puis, je me serais comme on dit éclipsé, ça aurait été ma manière à moi de lui rendre hommage. Dix ans qu’il n’est plus là, dix ans qu’il est devenu ce que j’aime appeler un fantôme doré et certains ont choisi aujourd’hui, pour lui rendre hommage, de reprendre ses chansons et nous devons les remercier. Reprendre des chansons milles fois écoutées, ancrées en nous à jamais – Chercher Le Garçon, La pluie Qui Tombe, Les Armées De La Nuit –, quand je l’ai appris, un soir aux Vinzelles, de la bouche de Frédéric Lo, je n’ai pas su quoi en penser. Et puis, je me suis souvenu de ces mots de Daniel Darc – “Je suis la fleur dans la poubelle, ne me laissez pas me faner” – et puis, j’ai vu, et entendu, Frédéric Lo et Bill Pritchard chanter – I Remember Oh So Well –  et puis, j’ai vu, et entendu, Frédéric Lo et Peter Doherty chanter – Without Use & All Used Up – et puis, je me suis dit qu’avec Frédéric Lo aux commandes, on risquait de fréquenter la beauté et puis, je me suis mis à attendre ce disque et puis, ce disque est arrivé, il s’appelle Coeur Sacré.

C’est Daniel Darc qui ouvre le disque avec Cœur Sacré, cette chanson offerte à Thierry Amiel. Le chant, les arrangements, tout donne ici l’impression que Darc semble vouloir endosser, pour la dernière fois, le costume qu’il portait à l’époque de Taxi Girl tant cette chanson semble avoir été écrite en 1980. Frédéric Lo clôture le disque avec Jamais, Jamais qui sonne comme un au revoir à un ami, à son ami. Il semble lui dire ces mots : “Qu’y a-t-il d’autres dans mon présent si ce n’est cette abondance du passé, si ce n’est cette absence ?” Poignant. Entre ces deux moments, ils donnent l’impression, celles et ceux qui sont sur ce disque, de chanter non pas pour nous, non pas pour eux mais pour lui. Étienne Daho d’abord, nous offre, pardon lui offre, sa version de Je suis déjà parti qu’il transforme en un inédit somptueux de Françoise Hardy. Depuis quand n’avait-on pas été aussi ému par Étienne Daho ? Chercher le Garçon. Ils ne pouvaient faire autrement mais que pouvaient-ils en faire ? Et si on en faisait un film ? Elli Medeiros et Benjamin Biolay, dans les rôles principaux, deux êtres perdus dans les rues de Paris. Ambiance fin de soirée, gueule de bois à venir, pensées sombres et La Pluie Qui Tombe. Quand j’écoute cette version, je ne peux pas croire que Jean-Jacques Burnel ne connaisse pas cette photo où un Daniel Darc timide se fait dédicacer un livre par Leonard Cohen, tant la voix de Burnel semble être habitée par ce dernier, manière, si belle, de leur rendre hommage. Il y a aussi des sommets de douceur dans ce disque hommage. Dans I remember Oh So Well, le si talentueux Bill Pritchard a su retrouver la beauté de Je Me Souviens, Je Me Rappelle pour donner une autre lumière, plus douce, à cette chanson si forte, de Daniel Darc. Pritchard a-t-il déjà raté quelque chose ? Et que dire de Peter Doherty sur Without Use & All Used Up si ce n’est que sa version est d’une tendresse folle. Quant à la belle timidité d’Alex Beaupain sur Rouge Rose participe à ces moments de douceurs. Dans Les Armées De La Nuit, Dominique A redevient, et nous avec, cet adolescent qui marchait dans les rues sans même un regard. Depuis quand n’avait-on pas été aussi ému par Dominique A ? Il en y a d’autres des belles surprises, Stupeflip et sa belle arrogance sur Paris, Lou Doillon – accompagnée par Robert Wyatt — et sa version envoûtante de What’s The Point — Ça Sert  À  Rien en VF sur Amours Suprêmes.

Je me répète mais ils donnent l’impression, celles et ceux qui sont sur ce disque, de chanter non pas pour nous, non pas pour eux mais pour lui et sur Mes Amis, j’imagine Jane Birkin, souriante, chanter cette chanson pour Daniel Darc. Pour lui, rien que pour lui. Sur son visage, imaginer un sourire. Apercevoir des larmes. Peut-être.

Et si ce disque n’est pas de l’amour, alors dites moi ce que c’est.


Cœur Sacré, un hommage de Frédéric Lo à Daniel Darc est sorti chez Universal Music France / Virgin Music France

Signalons aussi la sortie du livre Close Up Daniel Darc par Marc Dufaud chez Le Boulon.

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