Musical Ecran 2023 / « Louder Than You Think, a Lo-Fi History of Gary Young and Pavement » de Jed I. Rosenberg

Gary Young
Gary Young

« Dans ma vie j’ai du prendre plus de 6000 doses de LSD. » Au moins c’est clair dès le début, Gary Young aura du mal à s’extraire de l’image d’un histrion toxique et intoxiqué. Que ce documentaire va toutefois tenter de dissiper en partie, mais pas assez. Imaginez, vous êtes Stephen Malkmus, branleur génial en banlieue californienne, vous faites ou voudriez faire un groupe, vous faites la chose plus ou moins par-dessus la jambe et là, vous tombez sur votre mauvais génie. Un freak, un vieux hippie aguerri aux choses du métier. A son niveau, mais le niveau rejoint le génie en jachère de ses nouveaux petits protégés.

Cool dude, venez enregistrer dans mon studio. Vous n’avez pas de batteur ? Vous avez de la chance, vous venez d’en trouver un génial et c’est moi. Haut les cœurs.
En quelques mois un projet totalement désordonné, voire jemenfoutiste se retrouve en première ligne de l’indie rock US. Et il faut se souvenir de l’immense respiration qu’a été l’irruption de Pavement à l’époque. Alors que le succès justifié de Nirvana a remis toutes les lumières sur une Amérique en mal d’humanisme, l’industrie a déjà levé quelques pathétiques garennes qui font pitié. A peu près adoubés par le politburo du kool (Sonic Youth, pour ne pas les nommer), Pavement replace l’artisanat au centre des débats, sans oublier d’écrire de très très grandes chansons. Slanted & Enchanted (Big Cat, 1992), leur premier album, est à raison un classique instantané. Les anglais en raffolent d’emblée, l’influence de The Fall chez un groupe de petits cons yankee a, elle aussi bien fait son travail de sape. Ici c’est plus modeste mais grosse hype indie surélevée par une apparition légendaire aux Transmusicales de Rennes (à la même affiche que Cell, Magnapop, Sugar et Sonic Youth), en Décembre 1992. Il n’est rien de dire que nous étions toustes à bloc sur ce groupe et les frasques de son (excellent) batteur n’y furent pas pour rien.

Gary Young, Stephen Malkmus, Scott Kannberg, Mark Ibold
De gauche à droite, Gary Young, Stephen Malkmus, Scott Kannberg (derrière) et Mark Ibold Photo : David Corio

Que fait Gary Young ? N’importe quoi mais il est super cool. Lors d’un concert à Londres la légende veut qu’il ait accueilli chaque spectateur avec un toast tout chaud sorti d’une machine louée pour l’occasion. A Rennes, nous devrons nous contenter d’un bout de carton, déchiré d’un stock récupéré on ne sait où en plein milieu de la salle Omnisport, deux jours avant une rave mythique (Underground Resistance, 808State) où nous croiserons et Dominique A et les futurs Daft Punk. Mais à ce moment précis, et le documentaire nous y replonge avec joie, Pavement est le groupe le plus dac du monde, nous sommes fans et du coup, nous voilà cool aussi. Trop défoncé, trop présent, trop en décalage avec de jeunes gens qui, n’y ayant jamais cru se retrouvent pourtant à l’orée d’une carrière, Gary Young est devenu un problème. Un percussionniste de renfort (Steve West) est déjà là pour pallier aux facéties, inconséquences et autres cabrioles (Gary Young faisait hyper bien le poirier, on ne pourra jamais lui retirer ça) mais avant même la sortie du second classique Crooked Rain, Crooked Rain (Big Cat, 1994), il est prié de ne plus les importuner. Triste destin du type sans qui rien ne serait advenu. Comme l’hôpital s’est un peu foutu de la charité, il sort un album solo qui s’appelle Hospital*, s’habille en arbre pour le single Plantman qui semble trouver un petit public. Le documentaire s’arrête là. Et nous montre sa vie d’alcoolique raisonnable, avec une épouse dévouée. Gary Young est mort à 70 ans, le 17 Aout 2023 à Stockton. Presque trente ans qui passent à la trappe. Mais vu l’état du personnage, on se doute bien que ce n’est pas glorieux, c’est bien dommage nonobstant.


Louder Than You Think, a Lo-Fi History of Gary Young and Pavement est diffusé ce jeudi 16/11 à 19h 45 au Théâtre Molière à Bordeaux dans le cadre de Musical Ecran.
*dans mon souvenir, un possible The Madcap Laughs pour les nineties, je ne l’ai a ce jour jamais réécouté, mais jamais revendu.

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