Les 15 et 16 mai derniers, Ryley Walker était de passage en France, d’abord à Lyon, au Sonic, puis du côté de la Pointe Lafayette, à Paris. Très différents, ces deux concerts auront permis de rappeler que l’Américain est toujours l’un des plus brillants représentants de la nouvelle scène du rock psychédélique, mais aussi d’évoquer son excellent Course in Fable, produit par John McEntire et sorti au printemps 2021. Continuer la lecture de « Ryley Walker : L’Homme pressé »
Étiquette : Lieu : Etats Unis
Catégories mardi oldie
Angel Olsen, Half Way Home (Bathetic, 2012)
Fétiches et gris-gris de la grisaille.
Qu’il est bon et doux de se demander quel disque nous plaît, de tenter de replonger dans les délices et les affres qui, ensemble ou séparément, simultanément ou des siècles plus tard, nous ont permis d’entendre tel disque et de l’écouter et d’y écouter, enfin, cette expérience ineffable, l’intime – tout ce qui nous tient.
À côté de moi dans le train, tandis que j’écris ces lignes, une personne lit Éloge du risque d’Anne Dufourmantelle et je souris de la coïncidence : on risque tout chaque fois que l’on écoute un disque – et c’est formidable de faire et refaire ce pari, consciemment ou non, sur ce tout, sur ce que le disque va permettre (ou non), ce que l’on va pouvoir vivre (ou non) en l’écoutant – l’intimité. Continuer la lecture de « Angel Olsen, Half Way Home (Bathetic, 2012) »
Catégories Chronique en léger différé
Toro Y Moi, Mahal (Dead Oceans)
Depuis 2010, Chaz Bundick a publié une demi-douzaine d’albums sous le nom de Toro Y Moi. Porté par la vague Chillwave aux côtés de Neon Indian ou Washed Out, le musicien californien a très vite pris les distances avec le genre et navigué au gré de ses intuitions. Chaque disque constitue alors un instantané de ses marottes personnelles. L’album What For? avait, par exemple, marqué les esprits en 2015 par ses accointances rock seventies et powerpop. Si Toro Y Moi a annoncé que Mahal était en quelque sorte sa suite, l’album creuse certainement un sillon différent. À bord d’un Jeepney philipin, branché sur un ancestral poste de radio, l’album bourlingue dans les demeures abandonnées d’un rock psychédélique progressif cher à Todd Rundgren, frayant avec le funk des Isley Brothers. Continuer la lecture de « Toro Y Moi, Mahal (Dead Oceans) »
Catégories interview
DIIV : dix ans déjà
« Oshin » fête ses 10 ans aujourd’hui avec une réédition chez Captured Tracks
Captured Tracks propose aujourd’hui une réédition deluxe d’Oshin, le premier album de l’un des groupes les plus emblématiques de son roster, DIIV. En 2012, l’influent label new-yorkais — grâce auquel nous avions déjà découvert Beach Fossils ou Wild Nothing — en faisait les nouvelles coqueluches du rock indé. Dix ans et deux albums plus tard (Is The Is Are en 2016 et Deceiver en 2019), Zachary Cole Smith et sa bande sont toujours aussi attendus, et c’est avec une pointe de soulagement que nous avons appris, au fil de cette conversation partagée à Lyon en mai dernier, que leur quatrième effort ne devrait plus trop tarder. Quelques heures avant leur concert au Ninkasi Gerland et dans un échange plus proche du bavardage que de l’interview, trois des quatre membres ont laissé s’échapper, entre les lignes, quelques indices sur ce qui nous attend… Continuer la lecture de « DIIV : dix ans déjà »
Catégories mardi oldie
Nancy & Lee, Id. (Reprise Records, 1968)
Déjà responsable de la réédition de l’ensemble du catalogue du label LHI Records et de celle de la foisonnante discographie solo de Lee Hazlewood, le label californien Light In The Attic a également commencé, l’an dernier, à s’attaquer à l’œuvre de Nancy Sinatra et semblait donc voué à en arriver, tôt ou tard, au fondamental Nancy & Lee, chef-d’œuvre de pop baroque et de country trépidante daté de 1968 et aujourd’hui considéré comme l’un des disques les plus marquants et influents des années soixante. Continuer la lecture de « Nancy & Lee, Id. (Reprise Records, 1968) »
Catégories billet d’humeur
« Running Up That Hill » : la nouveauté cannibalisée par le rétro
Succès surprise de ces derniers mois, Running Up That Hill de Kate Bush a fait une entrée fracassante dans le Top 10 américain, pour la première fois, 36 ans après sa sortie. L’exploit n’est pas mince. La chanson avait, à l’époque, atteint la 34ème place du Billboard 100, la voici désormais en quatrième position, et en première en haut des charts anglais. Devenue virale suite à une synchronisation dans la saison en cours de Stranger Things, la chanson est en passe de connaître un destin similaire à Dreams de Fleetwood Mac, autre prouesse inattendue. Cette nouvelle intrusion du passé dans le présent ne manque pas d’interpeller. Stereogum a d’ailleurs écrit un article intéressant sur le sujet, posant de bonnes questions, à défaut de toujours proposer les réponses les plus probantes. L’article présente ainsi le phénomène : « la croissance actuelle du marché vient d’anciennes chansons. » Rachel Brodsky, l’autrice, ajoute : « le prochain succès viral pourrait être littéralement n’importe quoi. Le problème est que cela implique aussi des sorties anciennes. » Pour le dire autrement, le passé, de tout son poids, exerce une concurrence démesurée sur le présent. Continuer la lecture de « « Running Up That Hill » : la nouveauté cannibalisée par le rétro »
Catégories selectorama
Selectorama : Adam Miller
“Ancré dans la grande tradition des poètes impressionnistes de la six-cordes, The Durutti Column, Felt à l’époque de Deebank ou les Cure du début…” C’est amusant : il y a des biographies qui laissent deviner à quel point on risque de s’enticher d’un disque qu’on n’a pas encore écouté… Il y a des parcours qui favorisent aussi le coup de cœur. Ce n’est pas le nom qui est le plus souvent revenu à l’heure de tresser des lauriers au groupe d’avant – avant quoi ? Avant cette échappée en solitaire qui a vu le jour dans les frimas d’un mois de février covidé – et pourtant… L’homme en était le fondateur et l’unique membre au tout début du XXIe siècle. C’est lui aussi qui a souhaité faire évoluer l’histoire d’un post-punk sans fioriture ni concession vers une new-wave aussi fragile que du crystal ; une new-wave comme alanguie sur fond de rythmiques moites pour mieux danser sous des boules à facettes éventrées. Avec la parfaite Ruth Radelet – cette fille dont la voix tient dans un mouchoir (© 2007) – et Johnny Jewel – le faiseur de sons et codirigeant du label au nom parfait, Italians Do It Better, Adam Miller a fait de Chromatics l’un des groupes le plus importants de la décennie passée – métamorphosant quelques-unes de nos chansons de chevet (Into The Black de Neil Young, The Sound Of Silence de Simon & Garfunkel, Ceremony de New Order, On The Wall de The Jesus And Mary Chain…), signant l’un des plus bel hymne à (faire) l’amour (In The City, ad lib…) et la bande-originale étoilée de nuits qui étaient toujours plus belles que les jours – et dont on aurait voulu qu’elles durent toute la vie. Continuer la lecture de « Selectorama : Adam Miller »
Catégories chronique nouveauté
Market, The Consistent Brutal Bullshit Gong (Western Vinyl)
Il y a de cela quelques jours à peine, nous discutions avec quelques camarades boomers des souvenirs encore vivaces de nos premières rencontres respectives avec l’œuvre de The Smiths. Des multiples impressions saisissantes ressenties à cette époque lointaine, domine encore, pour ce qui me concerne, le choc provoqué par une prise de parole totalement singulière, où la contemplation attentive des émois les plus intimes finit par ouvrir sur l’étendue d’un monde. Et puis cette instabilité constante, cette absence de point d’appui musical évident ou explicitement référencé qui prolonge la sensation étrange d’écouter simultanément plusieurs stations de radio. Les passions adolescentes se sont estompées depuis bien longtemps : Market n’aura évidemment jamais l’importance vitale de Morrissey et de ses compagnons. Mais on retrouve, en tous cas, quelques réminiscences de cet égotisme inspiré, parfois un peu bavard, et de ces incertitudes formelles dans ce disque. Et c’est déjà suffisant. Continuer la lecture de « Market, The Consistent Brutal Bullshit Gong (Western Vinyl) »