Anything Could Happen

Les débuts de Flying Nun Records, label néo-zélandais des Clean et des Bats, contés par Matthew Goody dans un livre somme.

Chris Knox et le producteur Doug Hood (dans le miroir) et son TEAC 4-pistes

 

Matthew Goody
Matthew Goody

Matthew Goody vient de frapper un grand coup. Et par surprise de surcroît. On ne s’attendait pas vraiment à un livre sur le label Flying Nun. On s’attendait encore moins à un livre sur les débuts du label néo-zélandais, à l’origine du « Dunedin Sound« . Needles & Plastic, le bel ouvrage de Goody, fait le focus tout en faisant un plan large (d’où l’intérêt) sur la période 1981 – 1988 du label néo-zélandais. Et nous plonge dans les abysses de la scène de Christchurch et d’Auckland. On croise des silhouettes connues, on discerne des histoires que l’on croyait connaître… Et surtout on découvre une kyrielle de groupes totalement inconnus qui donnent une nouvelle importance aux Clean et aux Bats, puisque les intérêts de leurs livrets d’épargne se retrouvent investis dans les disques des singles des Bird Nest Roys et des EPs des Able Tasmans.Needles & Plastic Flying Nun Records 1981-1988Richement documenté, parfaitement mis en page, Needles & Plastic: Flying Nun Records 1981-1988 apporte de riches connaissances sur le début de Robert Shepherd en tant que patron de label. Le seul souci est qu’on ne souhaite qu’une seule chose en lisant la dernière page du livre : espérer posséder un jour Needles & Plastic: Flying Nun Records 1989 – 1997.

Pour commencer… Quelles questions aimerais-tu que l’on te pose quant à l’écriture de ce livre ?
Matthew Goody : Je te laisse le soin de choisir les questions. J’aime voir les réactions des gens face au livre et voir comment il les fait chercher de la musique qu’ils ne connaissaient pas avant. Il y a aussi un espoir sous-jacent avec ce livre ; j’espère qu’il va attirer l’attention sur certaines personnes importantes qui ont façonné l’histoire de Flying Nun et qui n’ont peut-être pas reçu l’attention qu’elles méritaient. Je pense notamment à des personnes comme Chris Knox et Doug Hood. Ils ont été essentiels à l’histoire du label.
Il y a aussi des écrivains comme Russell Brown ou Rob White qui ont documenté ce qui se passait à une certaine époque. J’ai aussi en tête David Swift et Richard Langston qui ont écrit sur ces groupes et qui ont permis au label d’avoir un éclairage en Europe. J’espère donc que ce livre mette en lumière toutes ces personnes de l’ombre qui ont permis la naissance de cette effervescence musicale en Nouvelle-Zélande grâce à leur présence dans cette communauté artistique.

Tu avais des modèles quand tu as commencé à écrire ce livre ?
Matthew Goody : Je n’avais pas vraiment de modèle pour être honnête. Je savais ce que je ne voulais pas faire : je ne voulais pas faire une histoire orale, je ne voulais pas faire beaucoup d’interviews qui auraient apporté de la nostalgie ou de l’amertume sur une histoire vieille de quarante ans. Je voulais utiliser la grande richesse des archives et écrire l’histoire à partir de celles-ci. Je voulais que les disques forment le squelette du livre. Ils sont au centre de cette histoire car c’est à travers eux que j’ai rencontré le label. J’ai aussi aimé l’idée que vous n’aviez pas besoin de le lire du début à la fin dans l’ordre. Si vous le souhaitez, vous pouvez commencer le livre en vous concentrant sur un groupe ou sur un album. Je dois reconnaître que certains livres m’ont inspiré… Des livres comme Our Band Could Be Your Life ou comme ceux de Julian Cope. Je pense par exemple à Japrocksampler. Ces livres sont très importants pour moi. Les travaux de Bruce Russell des The Dead C ont également joué un rôle important, avec son travail sur la compilation Time To Go pour Flying Nun, et certains de ses écrits, qui ont reconnu cette période de 81 à 88 comme un moment important dans la grande histoire du label et musique alternative néo-zélandaise.

À travers ce disque, ne fais-tu pas l’histoire de ton pays ?
Matthew Goody : La Nouvelle-Zélande est un petit pays et il est difficile pour une maison de disques comme pour les groupes de faire quelque chose de stable sur le long terme car l’argent finit toujours par être un problème. De plus, le public est relativement restreint. Les grands groupes, comme les grands labels, vont à l’étranger pour survivre. Roger Shepherd était parfaitement conscient de l’importance de l’Europe pour aider son label. Et puis, quand les États-Unis se sont intéressés à lui, les choses devenues encore plus importantes dans les années 90.

Les locaux du label Flying Nun
Les locaux du label Flying Nun (en 1987, apparemment)

En parlant de l’aide étrangère, John Peel a visiblement sauvé le label de la faillite. On peut revenir sur ce moment ?
Matthew Goody : C’est l’un des grands rebondissements ironiques de l’histoire de Flying Nun. En 1983, le label s’apprêtait à publier Fall In A Hole un album live des Fall, et cela a immédiatement causé une importante pression économique sur l’entreprise lorsque Mark E. Smith a soudainement décidé que Flying Nun n’était pas autorisé à le sortir. Les locaux de Flying Nun se sont retrouvés envahis d’exemplaires du disque car ils ne pouvaient pas être vendus. Certaines personnes ont réussi à en emmener en Europe. the fall fall in a holeJohn Peel l’a programmé dans son émission diffusée à la BBC et en Allemagne (pour les soldats) pendant un mois. Les propriétaires de Normal Records ont été intrigués et ont rapidement commencé à travailler avec Flying Nun pour sortir d’autres albums. Le N.M.E a commencé à publier des chroniques des disques de Flying Nun et Peel a programmé des groupes comme The Chills et The Great Unwashed. Fall In A Hole aurait dû couler le label… Et au final, il lui a donné une visibilité incroyable en Europe. À la fin de l’année 1985, les Chills tournaient en Angleterre et ils avaient un contrat de distribution avec Creation Records. À partir de ce moment là, Flying Nun a décollé en Europe. Le label a ainsi pu passer les années 80 et se diriger vers les années 90.

The Chills
The Chills

Quelle a été ta méthode de travail ? As-tu commencé… depuis le début ?
Matthew Goody : Je voulais que les disques forment l’épine dorsale du livre et j’ai structuré les chapitres de manière à ce que chaque disque apparaisse dans l’ordre dans lequel il a été publié. Avant d’écrire, j’ai passé des années à déterrer des archives pour façonner les histoires. J’ai passé des années à parcourir des microfilms de vieux journaux, des fanzines, des communiqués de presse, des magazines, etc. J’ai constitué un énorme fonds d’archives qui a permis de donner le ton de cette histoire. En ce qui concerne l’écriture, j’ai commencé par les introductions de chaque année qui ont un point de vue global sur l’histoire de Flying Nun. Ensuite, j’ai écrit les entrées de chaque disque et je les ai tissées ensemble. Pour des groupes qui ont beaucoup de disques, comme les Chills ou les Verlaines, j’ai écrit le tout d’une seule traite. Cela a permis de les emboîter correctement et de raconter l’histoire de ces groupes. C’était un gros puzzle que j’ai dû assembler au fur et à mesure. C’était très difficile de rester organisé mais tout s’est mis en place à la fin.

The Verlaines
The Verlaines

Combien de temps t’a pris ce travail ?
Matthew Goody : Il a fallu environ huit ans du début à la fin. La plupart de ce temps a été consacré à la recherche. Les événements de la vie m’ont beaucoup gêné aussi, donc j’ai eu de longues périodes où j’ai dû arrêter d’écrire pour faire autre chose. Mais j’ai persisté et je suis revenu sans cesse sur ce projet. Lorsque j’ai terminé le texte, je pensais naïvement que j’avais pratiquement terminé… Il m’a fallu une autre année pour classer toutes les archives iconographiques et écrire toutes les légendes. Cela a donc pris beaucoup plus de temps que prévu, mais j’ai eu la chance d’avoir un éditeur patient qui m’a fait confiance.

Comment as-tu collaboré avec le graphiste (Seven) ?
Matthew Goody : Mon éditeur, Auckland University Press, a recruté Gideon Keith, un graphiste de la société Seven. J’avais quelques concepts généraux sur l’aspect du livre notamment sur l’utilisation des images. Gideon est un grand graphiste, il a fait d’excellentes propositions qui ont permis au livre d’avoir l’aspect qu’il a aujourd’hui.

Hamish Kilgour The Clean
Hamish Kilgour des Clean chez lui, 1983 / Photo : Alec Bathgate, extraite du livre

Que faisais-tu entre 1981 et 1988 ? As-tu consciencieusement acheté chaque disque du label ?
Matthew Goody : Je n’étais qu’un jeune enfant et je n’ai découvert Flying Nun que bien plus tard. Je me suis trouvé beaucoup de points communs avec les écrits de Johan Kugelberg qui racontent la fascination des gens qui passent à côté d’une scène, d’un mouvement culturel : je suppose que c’est moi. Je suis aussi le reflet de l’histoire de ce label qui a su trouver à travers le monde une communauté de fans assez importante. Je suis un Canadien assez dingue du label pour écrire un livre… Cela reflète la façon dont les disques du label ont eu une influence importante sur la scène musicale américaine dans les années 1990 avec des groupes comme Pavement, Yo La Tengo, Cat Power etc… car c’est essentiellement à travers ces groupes que j’ai découvert Flying Nun. Et difficile de résister à la première écoute d’un groupe comme The Clean.


Needles & Plastic: Flying Nun Records 1981-1988 de Matthew Goody est disponible en Europe via Third Man Records.

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