On n’y croyait plus. Trop longtemps, ce groupe est resté le secret le mieux gardé de la scène musicale américaine : concerts distillés au compte-goutte, disques livrés avec parcimonie. Depuis ses premiers balbutiements en 2001, il n’en avait sorti que deux – Un CD constitué de cinq morceaux, débarqué sans crier gare au crépuscule de l’année 2003 (et remerciements éternels à Etienne Greib pour avoir attiré notre attention sur We’re Still The Weaker), puis un maxi vinyle, fort de deux nouveaux titres, distribué en catimini quelques mois plus tard. C’était à la fois peu et en même temps, tellement suffisant. Suffisant pour créer une incroyable dépendance, susciter une curiosité quasi-maladive. Qrcrui pouvaient donc bien être ces types ayant trouvé l’un des noms les plus géniaux de l’histoire du rock, de ceux qui donnent juste ce qu’il faut d’indices sur leurs aspirations et ambitions artistiques, sans non plus les étaler au grand jour ? Qui étaient les auteurs de ces chansons à la grâce diffuse, au charme suranné, aux mélodies entêtantes, un pied ancré dans le passé, le regard désespérément tourné vers le futur ? Leur origine, Austin, Texas, ne dévoilait rien du mystère. Leurs accointances, un peu plus. Continuer la lecture de « I Love You But I’ve Chosen Darkness, Fear Is On Our Side (Secretly Canadian, 2006) »
Étiquette : Lieu : Etats Unis
Catégories sunday archive
Chromatics, Night Drive (2007)
Où il sera forcément question de réinvention. Un art qu’ils ne sont pas si nombreux à dominer dans le milieu de la musique moderne. Sans prendre trop le temps de la réflexion, on pense immédiatement à The Beloved, quatuor anglais post-new-wave métamorphosé en duo hédoniste sur un album, le bien nommé Happiness (1990), qui pour avoir tutoyé d’un peu trop près le soleil, n’aura jamais la descendance qu’il aurait été en droit d’espérer. Ou Simian, autre groupe “classique”, adepte d’une pop déstructurée baignée de psychédélisme ouaté auquel peu de gens rendront Justice avant que deux de ses membres, Messieurs James Ford et Shaw, ne se décident à investir dans une Mobile Disco. Aujourd’hui, ces deux-là comptent parmi les producteurs les plus réputés de la planète et leurs noms suffisent à emplir les dancefloors. Et comme le hasard fait parfois bien les choses, dans leurs derniers coups de cœur, ces deux-là citent souvent Chromatics… Continuer la lecture de « Chromatics, Night Drive (2007) »
Catégories Chronique en léger différé
The American Analog Set, For Forever (Hometown Fantasy)
2024 commence à peine et c’est déjà l’heure du bilan des bilans. A peine achevé l’exercice rituel des palmarès de fin d’année, les doutes et les regrets affluent inéluctablement. On en revient à tous ces albums que l’on n’a mal écoutés ou pas assez, ceux qui ont mis un peu plus de temps que les autres à parvenir jusqu’au cœur parce qu’ils ont débarqué tardivement – fin octobre pour celui-ci – et qu’ils réclament davantage d’attention pour que leur importance cruciale finisse par s’imposer clairement. Un brasier à combustion lente, donc. Mais, après tout, The American Analog Set n’a jamais brillé par son aisance dans les sprints. Même au cours de sa première vie, celle qui s’était achevée en 2005 et dont les souvenirs avaient fini ensevelis sous l’indifférence. Continuer la lecture de « The American Analog Set, For Forever (Hometown Fantasy) »
Catégories billet d’humeur
Chère Madame Del Rey,
Chère Madame Del Rey,
Comment allez-vous ?
Nous espérons que la douceur californienne vous a permis de savourer des fêtes de fin d’année plastiques, les auréoles californiennes de rigueur, plages et montagnes, océans et continents, autoroutes et voisinages à perte de vue, à perte de soi. Nous espérons aussi que l’accordeur a pu passer pour le piano, que la gazinière fonctionne de nouveau et que, malgré les événements, effusions et autres tempêtes qui ne manquent jamais d’animer la fin de décembre, vous avez pu vous asseoir un peu, chaque jour, pour coller de nouveaux mots à d’autres, de nouvelles mélodies à d’autres, cet art qui vous est unique, et que vous continuez de vouloir le partager avec le monde, les autres mondes que le vôtre, à la faveur d’éventuels albums. Continuer la lecture de « Chère Madame Del Rey, »
Catégories Chronique en léger différé
Guided By Voices, Nowhere To Go But Up (Guided By Voices Inc.)
Meet Me in the Bathroom de Lizzy Goodman a quelques mérites, dont les deux principaux sont de rappeler le rôle fondamental des Jonathan Fire*Eater et le culte voué par les Strokes aux Guided By Voices. Nick Valensi et les autres membres du groupe n’ont de cesse de le rappeler dans les pages de ce livre : ils voulaient juste sonner comme les Guided By Voices lorsqu’ils ont commencé à jouer ensemble. Pourtant, en 2000, le groupe de Robert Pollard est totalement dans la sauce. Les Guided By Voices ont quitté Matador, leur label historique, pour TVT Records, le label des débuts de Nine Inch Nails. Et c’est le début de la fin du Guided qui se retrouve avec Rob Schnapf ou Ric Ocasek en studio. Deux disques putassiers et c’est le retour à la maison-mère un an plus tard pour faire des disques plus recommandables. Continuer la lecture de « Guided By Voices, Nowhere To Go But Up (Guided By Voices Inc.) »
Catégories selectorama
Selectorama : Karina Gill (Cindy, Flowertown)

« Il y a quelquefois dans les personnes ou dans les choses un charme invisible, une grâce naturelle qu’on n’a pu définir, et qu’on a été forcé d’appeler le je ne sais quoi. » remarquait Montesquieu dans son Essai sur le goût. C’est justement ce charme qu’on retrouve dans la musique de Karina Gill et les groupes auxquels elle participe, dont la beauté discrète et naïve ne peut que ravir l’âme des amateurs de pop intime et artisanale. Depuis 2018, sous les avatars de Cindy, de Flowertown ou de Hospital, souvent accompagnée par son acolyte Mike Ramos, la Californienne a su conquérir son auditoire avec ses chansons délicates, dont l’ami Xavier Mazure avait remarqué en 2021 dans les colonnes de Section 26 la troublante ressemblance avec l’univers de Slumber Party, groupe qu’on ne s’est jamais consolé d’avoir vu disparaître des écrans radars. Continuer la lecture de « Selectorama : Karina Gill (Cindy, Flowertown) »
Catégories mardi oldie
Fugazi, The Argument (Dischord Records, 2001)
Il y a vingt ans déjà, les membres de Fugazi annonçaient faire une pause d’une durée indéterminée. Deux ans auparavant sortait ainsi leur septième (ou neuvième si nous comptons 13 songs et Instrument Soundtrack) album : The Argument. Celui-ci conclut une saga entamée une douzaine d’années plus tôt, avec deux EPs (Fugazi et Margin Walker), définissant le son de l’underground nord-américain de l’époque. Avant d’être un pivot de la scène post-hardcore des années 80-90, Fugazi est surtout la rencontre de quatre musiciens exceptionnels, issus de la fantastique scène de Washington DC. Continuer la lecture de « Fugazi, The Argument (Dischord Records, 2001) »
Catégories chronique nouveauté
Harp, Albion (Bella Union / PIAS)
Tim Smith n’a aucun problème avec Radiohead. Dans une vieille interview dont j’ai oublié la source, il avait même le culot de déclarer : « J’écoute beaucoup plus Jethro Tull que Radiohead ; seulement faire des chansons de la trempe de celles de Jethro Tull c’est complètement hors de portée pour moi. » On connait de visu et in situ le sens de l’humour souvent fastidieux des texans, ça n’en pose pas moins le problème. Parce qu’on voudrait bien aimer plus que de raison ce disque, le premier en solo de l’ex-leader de Midlake, attendu par les fans (dont je ne suis pas mais certains amis chers, si) comme le messie depuis une éternité. Il parait que sur The Courage Of Others (2010) le dernier album de Midlake avec Tim Smith, il avait été évoqué Pentangle et Fairport Convention. Du peu de souvenirs qu’il m’en reste, l’écoute du disque avait du me mettre en rogne en ces augures puissantes mais rarement atteintes. Continuer la lecture de « Harp, Albion (Bella Union / PIAS) »