Selectorama : Astrel K

Astrel K
Astrel K / Photo : Lewis Lonly

The Foreign Department, titre du nouvel album d’Astrel K, c’est certainement la Suède, où l’anglais a déménagé il y a quelques années suite à la perte de la maison dans laquelle les membres d’Ulrika Spacek, dont il fait partie, vivaient et travaillaient. Un exil sentimental, où il commence à composer en solo, la nuit. Il s’échappe des structures complexes et déconcertantes du groupe pour une bedroom pop luxuriante, riche en émotions et en textures qui pourrait aisément se classer auprès de ses compatriotes de Stereolab ou Broadcast, portée par sa voix aérienne.

Astrel K aux Balades Sonores à Paris
Astrel K aux Balades Sonores à Paris, le 26/03. Photo : Sacha du Bourg-Pas-Net

Accompagné de musiciens de Stockholm (dont Lili Holényi, Milton Öhrström, Niklas Mellberg, Tomas Hellberg) ou Paris (une partie du disque a été enregistrée chez Vincent Hivert d’En Attendant Ana, ce qui explique la présence de Camille Fréchou à la trompette sur deux titres), il révèle une fois encore un univers très intime, entre mélancolie assumée et titres plus rythmés. La beauté de son univers transperce, entre éclaircies pop au psychédélisme diffus et lumière d’hiver chasse-spleen. Lors de son passage pour un showcase aux Balades Sonores à Paris la semaine dernière, il nous a confié avoir beaucoup aimé l’exercice de ce Selectorama, qu’il a choisi et rédigé un matin au réveil.

01. THE HIGH LLAMAS, Fly Baby Fly


C’est le premier titre que j’ai eu envie de choisir, en tant que grand fan des arrangements de cordes de Sean O’Hagan dont j’ai découvert le travail par l’intermédiaire de Stereolab. Il a fait pas mal d’arrangements cuivres/cordes pour eux, et j’ai trouvé un plaisir supplémentaire dans son travail avec les High Llamas. J’ai eu envie que mon album The Foreign Department soit en quelque sorte une expérience à la forme classique et riche, comme une main tendue à Sean pour qu’il y participe. J’aime penser que je suis un peu allé dans sa direction avec mes arrangements cuivres/cordes sur ce disque. Sur une note plus personnelle au sujet de ce morceau : étrangement, j’ai travaillé en tant que replay operator pour les sports à la télévision suédoise, et j’étais souvent très stressé sur le trajet de chez moi à la chaîne, et j’écoutais ce titre pour me calmer… Ça a plus ou moins marché, en tous cas, ce n’est pas faute d’avoir essayé.

02. THE BEACH BOYS, I Know There’s An Answer (Hang On To Your Ego)


Comme je le disais précédemment, j’avais envie que The Foreign Department soit luxuriant et texturé, et il n’y a pas de meilleur exemple d’arrangements de cordes et d’harmonies incroyables que Pet Sounds. Ce morceau a toujours été l’un de mes favoris pour son atmosphère presque étrange, car il est à la fois joyeux et mélancolique. C’est exactement le genre de juxtaposition que j’ai eu envie d’imaginer sur mon disque. Quand je travaillais dessus, c’était amusant de penser que j’étais dans ma « période Pet Sounds« , même si j’admets être tout à fait conscient que lorsqu’un artiste déclare cela, ils perd en général la tête sur la véritable qualité de sa musique, donc j’espere ne pas suivre ce cliché. C’est une chanson et un album très connus, donc j’ai pensé plutôt inclure cette version antérieure à la sortie du disque avec des paroles alternatives, sans doute intéressante pour ceux qui ne l’avaient peut-être encore jamais entendue.

03. J Dilla, Wawes


J’ai choisi ce morceau parce que c’est une chanson incroyable sur un album incroyable, dont on m’a dit qu’il avait été composé alors qu’il savait qu’il allait mourir jeune. J Dilla était un génie, et ses ajouts de samples sont si créatifs et complexes. Celui-ci en particulier sonne tellement en-dehors de son époque dans ses petits cuts parasites, et semble vraiment paver la route pour des artistes futurs comme Flying Lotus. J’ai eu le plaisir d’écouter ce disque en vinyle récemment, et même s’il y a un certain nombre de 7’’ qui obligent à faire des allers-retours sur la platine, la qualité du son est dingue.

04. Miles Davis Quintet, It Never Entered My Mind


Une grande partie de ce disque a été composée dans des moments assez difficiles et tristes pour moi, et j’ai écouté un peu plus de jazz que d’habitude. Je luttais souvent avec le silence, ce qui a une tendance à bizarrement calmer mon esprit fugace, c’est étrange et parfois chaotique, peut-être un peu comme la Ritaline est utilisée pour le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Je me souviens de cette chanson débarquée un peu à l’improviste, et qui a créé un moment assez calme de rupture émotionnelle chez moi. Je n’ai pas beaucoup plus de choses à dire sur cette chanson, c’est très sensible, et je l’ai presque visualisée depuis comme un meme, ce qui me fait rire et ressemble à un cliché, mais je ne suis par conséquent peut-être pas si seul que ça dans mon ressenti sur ce titre.

05. Cat Power, No Sense


Dans cette période dont je parlais, j’ai beaucoup réécouté ce disque. Je l’avais déjà précédemment beaucoup écouté dans une autre période de ma vie, et c’était très plaisant d’y retourner. La performance de Cat Power, ses paroles et sa façon de chanter sur cet album sont vraiment spéciales. C’est un disque qui vous hante, et lorsqu’on pénètre dans ce monde, il est difficile d’en sortir. Ce qui m’a d’ailleurs donné envie de faire une reprise d’un autre morceau de ce disque, Say, que j’ai sortie en fin d’année dernière. (NDLR : A écouter ici)

06. Babyfather, Meditation


J’ai vécu avec ce disque pendant près de deux mois au moment où j’ai terminé mon nouvel album, et il m’a donné beaucoup d’espoir pour écrire de la musique dans le futur. Quand on habite en dehors de son pays natal, c’est amusant comme certaines musiques peuvent vraiment te ramener à Londres, et te faire sentir finalement toujours assez proche de là-bas. Ce disque, c’est presque comme changer de fréquence entre une radio pirate et une myriade de voix qui semblent n’être que Dean Blunt en réalité. Mes deux titres préférés sur l’album sont toutes les deux des collaborations avec Arca, mais lorsque je pense aux deux dans leur ensemble, celui-ci se dégage plus. Dean Blunt est un roi de la contre-culture, qui sera sûrement plus connu à l’avenir et idéal pour vous rappeler de ne pas trop réfléchir ou travailler lorsque vous faites de la musique.

07. Aphex Twin, Ageispolis


Je n’ai pas trop tendance à faire de DJ Sets, mais à chaque fois que j’ai pu en faire l’an dernier, je passais ce morceau. Il flotte, et c’est dur de ne pas avoir le sourire aux lèvres avec cette ligne de basse. Difficile d’imaginer qu’on puisse créer une musique aussi accomplie à un si jeune âge, et même si c’est moins complexe et semblable à l’IDM que ses travaux récents, ça jette vraiment les bases d’une carrière incroyable.

08. Aya, Dis Yacky


Alors que le disque que j’étais en train de créer est quelque peu mélancolique, j’avais vraiment besoin d’écouter d’autres types de musiques quand je composais. Aya est un artiste électronique complètement sous-côté, et lorsque j’utilise le mot artiste, je le pense vraiment. Le design sonore de ce disque est fou, et I’m Hole est certainement l’un de ces disques qui vous emportent, dans le sens à vous bouger le cul en direction du studio pour essayer d’innover. Ceci dit, lorsque je le joue ou le montre à des gens, ils réagissent la plupart du temps de façon négative, ahah.

09. Talk Talk, New Grass


S’il  y a un disque qui se place comme une colonne vertébrale à mon disque, c’est surement celui-ci. Je l’avais téléchargé sur mon compte Spotify au moment où je travaillais sur mon nouveau disque, et Spotify m’a dit que je l’avais beaucoup écouté. Je voyage souvent, et je l’écoute généralement au décollage et pendant le vol en avion. J’ai toujours adoré Spirit Of Eden, mais je trouve que celui-ci le dépasse. Je viens d’ailleurs juste de réaliser que les batteries ont été samplées sur Rabbit in Your Headlights, la collaboration entre UNKLE et Thom Yorke, ou du moins il me semble.

10. Robert Wyatt, Free Will And Testament


Mon projet Astrel K comporte pas mal d’instrumentaux et d’interludes façon bande originale de film, mais il est aussi basé sur le songwriting, où je suis seul à bord. Composer des chansons est difficile, et Robert Wyatt est un fantastique auteur, compositeur et guide qui m’aide à me rappeler que le principe le plus important est de rester authentique et sincère, mais qu’il ne faut pas toujours être trop sérieux, ça peut être tout à fait léger avec de la lumière et des nuances. J’aimerais avoir plus de lui dans mes textes.


The Foreign Department par Astrel K est sorti sur Tough Love Records.

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