Alors que les affres du doute flottaient encore il y a quelques semaines — pour les quelques centralistes urbanisés dont je suis —, maintenant nous le savons : nous reprendrons le train pour le solstice d’hiver, nous en aller revenir dans nos proches régions passer quelques jours avec ceux qui nous sont chers. Prendre le train, cette singulière invention de l’ère industrielle, c’est par le corps tout entier emprunter tout un cheminement historique et poétique, se laisser cahoter en rythme les yeux pris dans le défilement infini du paysage et partager collectivement ce moment de transport fait de destinées individuelles. Passer les gares qui ne servent plus et s’arrêter dans celles qui subsistent encore, se remémorer à chaque étape tous les trajets arpentés dans sa vie.
Dans ce métier, on n’est jamais à l’abri d’un coup de foudre, c’est même pour ça qu’on écoute inlassablement, et qu’on écrit. Aimer, aimer aimer et essayer de faire aimer. Mais la magie est capricieuse, elle arrive souvent quand on ne la cherche pas vraiment et que bim, tout s’éclaircit d’un coup, dans l’imprévu. J’échangeais, il y a quelques jours, avec Alex Mélis du groupe Pauvre Glenda dont on reparlera ici évidemment, en début d’année prochaine, quand sortiront les délicieux enregistrements de leur pop à guitares et aux arrangements précieux qui font les beaux jours de notre Section 26. « Si tu aimes le chant sur notre Sitcom, tu devrais écouter Joni Île, le projet solo de Marion », me dit-il. Continuer la lecture de « Joni Île – Chercher la lumière »
Un disquaire par jour propose ses 10 albums du moment.
Ce second confinement aura été psychologiquement bien plus difficile que le premier. Sensation de répétition, d’échec dans la pandémie, angoisse d’un avenir incertain et Épée de Damoclès d’une crise économique à venir. La plupart des disquaires ont pourtant tout fait pour rester actifs en vendant en ligne ou en clique et collecte. Simon Hubeau est de ceux-là. A Charleville-Mézières, il a monté sa boutique avenue du Petit Bois, dans un quartier où il n’y a que très peu de commerces, à cinq minutes de l’hyper centre. Dans la préfecture des Ardennes, cet ancien bassin industriel où il n’y a pas de facultés, et qui perd des habitants : plus de 10.000 sur 60.000 depuis les années 1990. Aucun gros relais culturel, ni FNAC ni Cultura, et évidemment plus de disquaire depuis des lustres. Continuer la lecture de « Clique & Collecte chez La Plaque Tournante à Charleville-Mézieres »
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine
On ne devrait se dévouer qu’à l’essentiel, au mot juste, à la note intime – au visage aimé. Lou Reed a tourné, toute sa vie, autour des trois mêmes accords. Et pourtant, que de belles chansons. Je me souviens de Michel Serrault, dans Nelly et Monsieur Arnaud, se séparant de l’ensemble de sa bibliothèque ou presque, ne gardant qu’une étagère. Il avoue – toute sa vie ne tient qu’à ces quelques livres. La vie amène trop de dispersions et de mensonges. Je repense à ma propre expérience, cerclée de lumières et d’errance, à ces trois dernières années sombres qui ont failli me faire perdre le mot juste, la note intime et le visage aimé. Continuer la lecture de « La note essentielle – Nick Cave, Henry David Thoreau, Jacques Doillon »
Lispector nous fait l’amitié de nous proposer un exercice de style dont elle a le secret, et dans lequel elle excelle tout simplement : la reprise, mais plus que, puisqu’elle incarne plus qu’elle ne joue, si bien que ces covers se fondent tout simplement dans son univers musical. Que ce soit cette forte tête de Springsteen (Dancing In The Dark) ou cette tête à claque de Billy Idol (Eyes Without A Face), personne ne résiste. Accompagnée par Dodu (Dorian Verdier de JC Satan et du collectif Iceberg de Bordeaux), Lispector chante pour celui qui a mixé son magnifique dernier album paru chez Teenage Menopause et qui lui a proposé cette chanson écrite par l’obscur David Lee Jr, batteur de jazz de son Etat(s-Unis). I Want Our Love To Always Last (1974) est une étonnante pépite brute de musique noire (une douceur mélodique à la Daniel Johnston, jouée par un une Family toute Stone) qui semble avoir été écrite pour Lispector.
Un disquaire par jour propose ses 10 albums du moment.
La proximité, ce n’est pas juste un slogan électoral – songeons deux minutes avec vertige aux foules d’édiles bruyamment horrifiés ces dernières semaines du sort subi par les commerces de centre-ville, après des décennies consacrées par certains des mêmes édiles à favoriser les zones commerciales et leurs mannes financières. Ce n’est pas non plus une idéologie, de grandes idées pour grandes villes. C’est faire, chaque jour, où l’on est. Et faire, comme le souligne chaque jour cette série dictée par les circonstances terribles, c’est toujours un engagement, quel que soit le sens que l’on mette derrière ce mot. Dans le Gard, dans une ville comme Nîmes, qui n’est pas sa voisine Montpellier, ouvrir et maintenir une boutique de disques à choix qualitatif en plein centre-ville équivaut à l’allumage soir après soir avec des allumettes d’un phare sur le raz de Sein, mettons : le contraire d’une sinécure, pour donner avec d’autres (Come On People, Rayvox, Raje, le fameux Tinals) un peu de lumière aux gens qui, simplement, vivent ici. Ils le disent mieux que moi : « Ça a débuté avec des disques pris sur une étagère en 2017 pour constituer un bac et tenir des stands durant les concerts. Trou Noir Disques devient deux et, en 2020, un disquaire (et un micro-label) comme Philippe l’a connu de près et comme Stéphane l’a toujours rêvé. À l’époque, nombreux.ses ont trouvé l’idée d’un tel projet stupide à Nîmes. On bouge où l’on vit. Il y a de plus en plus de jeunes qui s’équipent ou d’anciens jeunes qui se rééquipent en disques, en matériel hifi que l’on révise / répare dans un souci écologique, entre autres. Du matériel conçu pour durer. Pour nous, le vintage, c’est une marque de longévité, pas un argument marketing… Nous nettoyons aussi les vinyles. La boutique est située dans l’Écusson, dans la dorénavant “rue des disquaires” (avec deux disquaires à dix mètres d’écart) : la rue des Lombards. Nous tenons à être généralistes et pointus. Dans les bacs se côtoient neuf et occasion, nouveautés et classiques, majors et labels ultra indépendants… On peut commander sur le site et retirer ses commandes au magasin. Une émission de radio sur Rayvox.org (onglet “live”) de 10h à 11h “en guise de playlist hebdomadaire” et les réseaux sociaux, Bandcamp pour être au courant de l’actualité. »
Trou Noir Disques, 5 rue des Lombards à Nîmes, également joignables sur internet, les réseaux sociaux (facebook, instagram) et en vrai sur place à partir de samedi.
Tous les articles de la série Première Nécessité (un disquaire par jour) sont visibles ici.
Le réalisateur de « Petite Fille », actuellement diffusé sur Arte, parle de ses liens avec la musique.
De cette année artistiquement mise sur pause, il est malgré tout sorti de très belles choses. Ainsi, le réalisateur Sébastien Lifshitz a présenté cette année deux films, tous deux bouleversants et salués par la critique, le premier au Festival de Locarno et le second à la Berlinale 2020. Sorti sur les écrans en septembre, Adolescentesdonne à voir la trajectoire de deux jeunes filles, Emma et Anaïs, suivies par le documentariste pendant 5 ans. C’est un film exceptionnel, une captation d’une justesse folle de ce qu’est l’adolescence, cette période où tout change et où tout vibre autrement. Dans Petite Fille, diffusé sur Arte, Lifshitz filme Sasha, petite fille née garçon. Tout y est déchirant, la parole de ses parents, les réactions d’une société qui peine à sortir de ses archaïsmes et, bien entendu, le regard de la petite Sasha, inoubliable. Dans les deux cas, l’élégance de la mise en scène et le choix parfait de la musique sont mis au service d’une émotion profonde et intense dont on ne sort pas indemne. Continuer la lecture de « Selectorama : Sébastien Lifshitz »
La petite histoire voudrait que les cinq membres du groupe ont mis au point leurs premières sessions lors de séjours dans les Landes, en 2012. Inspirés par une pop au doux parfum d’indie, ils se placent dans la descendance de groupes adorés comme Yo La Tengo ou Beat Happening. Trois disques et un déménagement à Nanterre plus tard, les Bootchy Temple ont travaillé près d’un an dans le sous-sol de leur maison sur leur nouvel album, et se sont exilés en Creuse (la nature, encore) pour enregistrer la bête au Capitola Analog Studio. In Consummated Bloom, au nom tiré d’un poème d’Emily Dickinson, (Mouvement qui se ferme et se replie tout en renaissant, précise Martin – chant / guitare) voit désormais le jour, et on vous propose de l’écouter avant sa sortie ce vendredi sur Howlin’ Banana Records en vinyle et digital, et chez Safe In The Rain en K7.