Selectorama : Vaisseau

Vaisseau

Depuis quelques semaines, il existe une véritable liturgie d’un culte voué à Tangerine Dream et Black Sabbath qu’on appelle le synth doom. Les uns sourient, d’ailleurs les intéressés eux-mêmes ne s’en privent pas, d’autres se vautrent des deux oreilles dans ce savoureux mélange de rock progressif, de heavy metal et de musique électronique. Horrors Waiting in Line en est pour l’instant l’unique représentant. C’est un disque de doom sans guitare, étrange, jouissif et probablement le plus audacieux du genre depuis des années. Il est l’œuvre de deux musiciens de Brest, deux metalheads passionnés et érudits. L’un d’eux (Ewenn, le batteur) n’est autre que le fondateur de l’excellent Totem Cats Records, le label de Dopethrone qui réédite Bongzilla ou le premier album de Sons of Otis, Spacejumbofudge (1996), la chapelle Sixtine du psych-doom. Du coup, et là c’est un peu de ma faute, la discussion a parfois viré à un enthousiaste name dropping de « groupes préférés ».

01. Hawkwind, 7 by 7

Cyril : J’ai découvert Hawkwind avec ce morceau mais Warrior On the Edge of Time (1975) est mon album favori. Certains leads de synthé, sur Golden Void notamment, m’ont réellement inspiré. C’était un groupe singulier. Personne n’a réussi à faire la même chose, même si Ozric Tentacles a fait quelques très bons morceaux et qu’aujourd’hui, Ecstatic Vision peut faire figure de petit Hawkwind. Ce qu’ils font très bien. Ce n’est pas pour rien qu’ils terminent souvent leurs concerts avec Master of the Universe.

02. Blue Öyster Cult, Veteran of the Psychic Wars

Ewenn : Leurs derniers disques sont nettement moins bons mais du premier album jusqu’à Club Ninja au milieu des années 80, c’est un quasi sans faute. As-tu entendu la version live de ce titre ? C’était durant la tournée Black and Blue de 1981 ; à cette époque Blue Öyster Cult avait un certain don pour rallonger leurs chansons sur scène. Il y a un changement de rythme au milieu d’un lead de près de 5 minutes. Les accélérations, c’est un de mes trucs préférés. Depuis qu’on fait de la musique ensemble avec Cyril, on a envie d’en mettre partout.

03. Tears For Fears, The Working Hour

Ewenn : C’est un de mes premiers souvenirs musicaux. J’ai des souvenirs de Songs from the Big Chair (1985) qui remontent à mes 4 ans. C’est un des disques qui tournait le plus chez mes parents et je n’ai jamais cessé de l’écouter. Plus les années passent, plus j’aime ce groupe et plus je trouve des raisons de l’aimer. Les voix, les harmonies, le son des guitares et des synthés ; c’est, je pense, ce qui s’est fait de mieux en matière de pop. Mon rêve absolu serait d’enregistrer avec une telle production. Si j’aime les solos de saxophone, c’est sûrement grâce à cet album. Ça nous plairait bien d’en mettre sur nos morceaux mais seulement à condition que ce soit aussi pertinent qu’ici.

04. Alan Parson Project, Sirius + Eye in the Sky

Cyril : Gamin, j’étais fan de Michael Jordan et c’est sur Sirius que les Chicago Bulls faisaient leur entrée. J’ai découvert Eye In the Sky plus tard et j’ai réalisé que les deux titres s’assemblent à la perfection en formant un seul et même morceau parfaitement structuré.

05. Killing Joke, Twilight of the Mortal

Ewenn : Brighter Than a Thousand Suns (1986) n’est pas leur album le plus aimé. On a souvent dit qu’ils avaient viré vers un truc plus commercial mais ça leur va parfaitement, ils l’ont fait très intelligemment. Quand on me parle de new wave, c’est à ce disque que je pense d’abord. Et ce titre aurait du être un tube au même titre que Love Like Blood. Killing Joke est un des groupes les plus consistants sur la durée. Même encore maintenant ce qu’ils font est génial. Les mecs ont tous plus de 60 ans et ils ont un son plus radical que jamais. Je ne sais pas comment ils ont réussi à garder cette aura durant tant d’années.

06. Zombi, Interstellar Package

Cyril : Ce morceau a eu une grosse influence sur mon approche du clavier, plus particulièrement pour ce qui est de mon jeu de basses. Zombi sonne retro mais n’a pas grand chose à voir avec les groupes de synthwave qui font tous plus ou moins la même chose. Ils utilisent tous les mêmes sonorités, c’est un peu écœurant. Tout le monde a voulu faire la même chose au même moment. Je sais bien que Vaisseau sonne eighties et qu’on nous classe même parfois sous cette étiquette. Ce n’est pas bien grave mais je ne vois pas trop le rapport. Quand nous utilisons le terme de synth doom pour nous présenter, c’est un peu ironique évidemment.

07. Saint Vitus, Petra

Ewenn : Saint Vitus est l’un des quatre ou cinq groupes pionniers du doom, c’est de très loin mon préféré. Ils ont une approche un peu moins metal que les autres, plus punk. Ça vient de la rue et ça me parle davantage. Je les préfère mille fois à Candlemass que j’apprécie aussi par ailleurs. J’adorais le jeu de batterie d’Armando Acosta, mais c’est en voyant Henri Vasquez (NDLR : qui remplace ce dernier à sa mort en 2010) que s’est opéré en moi un déclic. Il a complètement changé mon approche de l’instrument. Dans Vaisseau, j’ai beau évoluer au milieu de synthés, je joue comme je le ferais dans n’importe quelle autre formation de doom.

08. Carnivore, Race War

Ewenn : Carnivore était une formation trash et crossover mais il y a aussi beaucoup de Black Sabbath dans leur musique. Ils reprenaient aussi Jimi Hendrix. Tout ça avec beaucoup de provocation. Cet état d’esprit qui me plaisait bien. J’ai choisi Race War à cause de ce qui se passe en ce moment, parce qu’il est toujours d’actualité. Par contre, Type-O-Negative, bâti sur les cendres de Carnivore, me plait beaucoup moins. Tout le génie de Peter Steele est contenu dans les deux LP de Carnivore.

09. Plasmatics, Plasma Jam

Ewenn : Il y a des morceaux qui te marquent pour toujours, dont tu te rappelles les sensations qu’il t’a procurées, les frissons que tu as ressentis en l’entendant pour la première fois et celui-là en fait partie. Il est un peu à part dans la discographie des Plasmatics, notamment parce que Wendy O. Williams n’y chante pas. Je crois que c’était leur morceau d’intro quand ils rentraient sur scène à cette époque. Ce groupe avait la classe, tout comme Jean Beauvoir, leur bassiste, un Noir avec une coupe mohawk blonde. Ensuite il a joué dans des groupes FM comme Voodoo X et a produit les Ramones. Puis il y a eu Feel the Hit, le morceau pour la bande originale de Cobra. Un morceau un peu dingue.

10. Tangerine Dream, Thru Metamorphic Rocks

Cyril : Ce titre me met en transe à chaque fois que je l’écoute. Je crois que j’ai un problème avec les morceaux répétitifs (rires). Durant dix minutes, il n’y a pratiquement aucun changement, sinon au niveau des textures qui sont folles. Michal Mann l’a utilisé pour Thief dans une séquence très rythmée, frénétique que j’adore. La musique colle parfaitement aux images. Je pense que Force Majeur est mon album de TD préféré. Le mélange batterie/synthé me plait particulièrement. Cyclone, sorti juste avant, est sur le même principe mais il est à mon sens bien moins réussi. J’aime aussi leurs B.O. de cette époque. Je connais bien celle de Sorcerer mais je n’ai toujours pas vu le film. Ca fait des années qu’Ewenn m’exhorte à le voir. Il faut vraiment qu’on se fasse ça.
Ewenn : J’adore ce film. William Friedkin apportait un soin particulier à la musique de ses films ; j’aime particulièrement celle de Cruisin (Jack Nitzsche) ainsi que celle de To Live and Die in LA (Wang Chung).

11. Voivod, Jack Luminous

Cyril : C’est peut-être mon groupe de métal préféré et ma plus grosse influence, que l’on parle des thèmes comme du son de guitare, spatial. Ce morceau est bien à part chez Voivod. Ils sortent de leurs influences trash et FM et composent ici une oeuvre prog de 17 minutes. C’est un morceau parfait.

12. The Mystik Krew of Clearlight, Veiled

Ewenn : Un chouette disque sorti sur un chouette label. Je mentirais si je disais que Man’s Ruin ne m’a pas influencé, aussi bien dans le choix des groupes que dans la manière de les vendre. On pourrait croire aussi que le logo de Frank Kozik fut aussi une source d’inspiration mais non. C’est juste que j’aime les chats. J’aimerais bien avoir un truc plus intéressant à dire mais c’est aussi con que ça.
Cyril : Ce morceau de 11 minutes est un jam vraiment génial. On retrouve Wino et les mecs de Eyehategod. En général les all-star bands promettent beaucoup et déçoivent souvent mais là ça marche complètement. Quand Wino sort un truc c’est rarement mauvais de toute façon.
Ewenn : Jusqu’en 2010, tout ce qu’il a fait c’est au minimum génial. Dans les années 2000, il a enregistré avec Paul Chain, le leader de Death SS et pionnier du doom italien. J’ai réussi à obtenir les droits et ça sera ma prochaine sortie Totem Cat. C’est assez obscur mais ça mérite d’être entendu.

Horrors Waiting In Line de Vaisseau est disponible sur le label Totem Cat Records.

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